Que votre mémoire vous joue des tours ou non, il est impossible de se souvenir de nos deux premières années sur Terre. Pourtant, tel un Marcel Proust sur les traces de son enfance, vous avez tout tenté : madeleines, lait en poudre, petits pots au caramel … mais rien n’y fait. Rassurez-vous, cette défaillance de mémoire est parfaitement physiologique.

Alors que l’on pourrait penser que cette défaillance de la mémoire est due au fait que le cerveau de bébé n’est pas totalement formé, il semblerait que la véritable explication soit ailleurs. D’autant que durant ces deux premières années, l’être humain apprend généralement à parler, marcher (etc) … des activités et réflexes qui semblent faire appel directement à la mémoire.

Souvenirs d'enfance : un stockage limité dans l’hippocampe

L’hippocampe a un rôle clé dans la mémoire et à la naissance cette zone du cerveau n’est pas encore bien mature. « Pour récupérer des souvenirs, il faut que le développement de l’hippocampe soit achevé. Cette partie du cerveau accroche le souvenir à des précisions spatio-temporelles. Elle indique où et quand tel ou tel événement est arrivé », explique Marion Noulhiane, chercheuse en neurosciences au CEA Saclay. 

Vidéo du jour

Souvenirs d'enfance : un trop-plein d’émotions ?

Selon certains spécialistes, l’intensité des « premières fois » que vivent les enfants en bas-âge censurerait le stockage des souvenirs. De même pour les « souvenirs embarrassants ou choquants ». « Ainsi, lorsqu’on nous demande de nous souvenir de quelque chose, parfois, le lobe frontal nous empêche de nous en souvenir si c’est un événement embarrassant. Il trie nos souvenirs, c’est une sorte de censeur », explique le neurologue Jean-François Chermann. Mais cette explication semble remise en cause par d’autres scientifiques. 

Souvenirs d'enfance : des liaisons trop fragiles ?

Selon Jessica Dubois, dès la naissance tout est fabriqué en surnombre dans le cerveau des bébés : neurones, synapses ainsi que les autres cellules cérébrales. « Et ce, de façon exubérante pendant les premières années postnatales. Puis les liens les moins utilisés vont être éliminés pour former des réseaux cérébraux de plus en plus efficaces. Ce processus de raffinement des connexions est un des moyens essentiels d’apprentissage du cerveau », explique-t-elle dans le livre C3RV34U, écho à l’exposition de la Cité des Sciences et de l’industrie. 

 

Cette amnésie infantile qui touche tous les êtres humains proviendrait alors de la « faiblesse » des neurones et synapses créés dans nos premières années. « On ne perd pas la mémoire parce que de nouveaux neurones se forment et tuent les anciens. Ce qui nous conduit à oublier, c’est plutôt le fait que les nouveaux neurones forment des connexions synaptiques qui surpassent celles existantes », assure Katherine Goold Akers, neuropsychologue à l’université de Wayne State, Michigan. Une idée partagée par Marion Noulhiane qui rappelle que « l’oubli est un mécanisme tout à fait important » et que ce renouvellement des neurones par d’autres plus « puissants » permettrait de mieux apprendre.

Souvenirs d'enfance : une quête freudienne ?

Dernière hypothèse concernant cette perte de mémoire infantile ? Celle de Patrick Perret, directeur du département de psychologie développementale à l’université d’Aix Marseille, qui explique que selon Freud, l’amnésie infantile serait en réalité une quête psychologique que chacun d’entre nous devrait tenter de résoudre et ne serait en rien neurologique. Mais il semblerait que cette théorie ait été balayée par les dernières études sur l’hippocampe, menées par Katherine Goold Akers.

Pour l’heure donc, il semblerait que cette amnésie infantile soit liée au développement lent de l’hippocampe mais les recherches scientifiques ne cessent d’étudier cette perte de mémoire.