Quand on observe ces amoureuses, on a l'impression d'une forteresse à deux têtes, d'une fierté d'être deux, mais d'une garde jamais vraiment baissée face au monde.« Ce qui est mis en avant, c'est l'importance de s'occuper de l'autre, mais ce qui tient le couple, c'est le désir, explique Natacha Chetcuti, sociologue. 

Trois couples ont accepté de nous dévoiler le philtre de leur amour et les clés de leur sexualité.

"Notre lien est très fort. C'est elle que je voulais"

Géraldine, 31 ans, visiteuse médicale, une fille de 5 ans, et Orel, 32 ans, artiste. En couple depuis deux ans.

  • Le jour où j'ai su que j'aimais les filles

Géraldine : J'ai été amoureuse de mon institutrice de CP, j'ai adoré Mylène Farmer. A 12 ans, je savais que j'étais lesbienne. J'ai embrassé une fille pour la première fois à 18 ans. Ça m'obsédait, mais je ne savais pas comment ni où trouver une fille.
Orel :
Quand on allait faire les courses avec mon mari, je regardais les filles, c'était bizarre... Un jour, j'ai eu rendez-vous avec ma prof de fac, dans un café. Elle était en retard, je l'attendais, j'étais troublée, je l'ai enfin vue arriver par la vitre, et là, j'ai réalisé, pour la première fois, que j'avais du désir sexuel. 

  • Pourquoi j'ai flashé sur elle ?

Orel : Sur un site de rencontres, j'ai cliqué sur son profil et j'ai vu une blonde. J'ai dit : « C'est cette nana. » Pour être sincère, elle ressemblait terriblement à mon ex...
Géraldine :
Pour sa douceur. On a discuté sur le Web jusqu'à 2 heures du mat. Enfin, j'avais quelqu'un en face de moi.

  •  Le premier baiser ?
Vidéo du jour

Orel : Elle arrivait de Tarbes, je suis allée la retrouver à son hôtel. On s'est assises sur le lit. C'est la première fois qu'on se retrouvait face à face, après trois semaines à se parler par webcam. J'ai pu la toucher, découvrir son odeur. Ensuite, rideau.
Géraldine :
Je me souviens de ses yeux... Lors de notre premier moment d'intimité, j'ai été émue par le regard qu'elle a porté sur moi tout le long. 

  • Faire l'amour avec une femme

Orel : La première fois, je la compare à un saut à l'élastique... On peut tout faire. On est face au même corps que soi, et surtout, on peut éprouver le plaisir de l'autre. Avec Géraldine, je me sens femme et je peux aussi la désirer comme un homme pourrait désirer une femme. Avec un homme, il me manquait quelque chose. Mais en tant qu'homo, on peut regretter de ne pas ressentir l'homme profondément en soi. L'orgasme entre femmes n'en est cependant que plus magique.
Géraldine :
Je sens que je ne serai plus jamais avec un homme. En fait, je n'en ai jamais désiré.

  • Le lien qui nous unit

Orel : Je pense tout de suite à la chanson « Et un jour, une femme », de Florent Pagny. Je sortais d'une histoire très difficile et Géraldine m'a ressuscitée. Pour la première fois, je me sens vraiment en couple. Mais je n'ai plus l'idéalisme de mes 22 ans, quand je me suis mariée. Mon grand regret, c'est de ne jamais pouvoir faire un enfant né du mélange de nous deux.
Géraldine : Notre lien est très fort. C'est elle que je voulais. Si on avait le droit, en France, de se marier, je le voudrais. J'ai d'ailleurs demandé Orel en mariage l'année dernière, à Dakar, sur un jet-ski, loin des côtes. La plus belle chose, n'est-ce pas en réalité ce moment où elle m'a dit oui ?

  • Nous face aux autres ?

Géraldine : On se tient par la main, on s'embrasse au supermarché. Vous imaginez la frustration si on ne pouvait pas le faire ? Quant à ma famille, maman me vole des photos de nous dans mon portefeuille...

  • Et la fidélité ?

Orel : J'y tiens énormément, sinon, ça veut dire que c'est fini.
Géraldine :
A partir du moment où tu vas voir ailleurs, c'est qu'il te manque quelque chose. Si Orel me trompe, je tue la fille avec qui elle a été.

  • Le moment le plus fort de notre histoire

Orel : A un moment, je suis partie pour mon ex, et quand je suis revenue, je ne savais que faire pour me faire pardonner. Je lui ai apporté cinquante-six roses pour les cinquante-six jours où je l'avais laissée.
Géraldine : Quand je l'ai vu débarquer avec ses roses, en larmes... Je ne m'attendais pas à ce qu'elle revienne, je n'étais pas sûre de le vouloir, j'avais si peur de me reprendre le mur. Malgré tout ce que me dictait ma raison, ce que je ressentais était plus fort, alors j'ai replongé. Inch'Allah.

"Je n'ai jamais éprouvé de sensations aussi fortes qu'avec Isabelle"

Corinne, 45 ans, responsable marketing dans une banque, deux enfants de 16 et 19 ans, et Isabelle, 45 ans, organisatrice d'afterwork. En couple depuis onze ans.

  • Le jour où j'ai senti que j'aimais les filles

Isabelle : La première fois que j'ai touché des fesses de fille, oh que c'était bon ! J'avais 11 ans, je dormais dans un couvent, nous étions deux par chambre. On a commencé à se toucher, à faire des jeux ensemble... Mon éducation judéo-chrétienne m'a ensuite poussée vers les garçons, mais à 16 ans, j'ai définitivement choisi les filles.
Corinne :
« Lesbienne » est un mot qui pour moi ne veut rien dire. J'aime Isabelle ; je suis « isasexuelle ». Je n'ai jamais été attirée par d'autres femmes. 

  • Pourquoi j'ai flashé sur elle

Corinne : On s'est retrouvées à travailler dans le même bureau. J'étais hétéro, mariée,  avec deux enfants de 4 et 7 ans. On est devenues très copines, on se racontait tout. Un jour, il y a eu un pot au bureau, j'ai sorti mon petit miroir, mis mon rouge à lèvres, et là, je suis tombée sur ses yeux qui regardaient ma bouche... C'était hyperexcitant.
Isabelle
: On s'est découvertes et on a été emportées sans s'en rendre compte. 

  • Le premier baiser

Corinne : C'était au bureau, je me suis approchée d'elle. J'en avais tellement envie, je n'en pouvais plus. C'était gourmand et fougueux. Je ne savais pas où j'allais.
Isabelle :
Il était passionnel et déraisonnable, plus rien d'autre n'existait. Corinne était mariée et maman, et moi, je vivais avec une femme depuis quinze ans.

  • Faire l'amour avec une femme

Corinne : Je n'ai jamais éprouvé de sensations aussi fortes qu'avec Isabelle. C'est à hurler, à en pleurer. La première fois que j'ai caressé son sexe, j'avoue que je ne savais pas comment m'y prendre. C'était doux, rond et tendre. Et lorsqu'Isa m'a touchée, je n'avais jamais senti de pareilles caresses... Parce que c'était des mains de lesbienne : des mains de femme qui aime vraiment les femmes.
Isabelle :
Sans cul, il n'y a plus rien. Aujourd'hui, on découvre encore des choses avec Coco. Je la trouve toujours aussi belle et désirable. 

  • Le lien qui nous unit

Isabelle : On est comme des sœurs siamoises, on a du mal à se passer l'une de l'autre. Corinne est mon oxygène, mon énergie, mon moteur. Plus on avance, plus on s'aime. Différemment, mais intensément. On est pacsées depuis le 22 mai 2003 ; pour moi, ça signifie qu'on est unies à jamais. J'ai envie d'être grand-mère avec elle.
Corinne :
Avec mes deux enfants, Isa est pour moi la personne la plus importante au monde.

  • Nous face aux autres

Isabelle : Avant, dans la rue, je faisais très attention au regard des autres, je faisais un tour à 360° avant de pouvoir l'embrasser. Aujourd'hui, j'ai 45 ans et je n'en ai plus rien à faire. Je suis homo depuis que je suis enfant : la bataille intérieure, la peur de décevoir, j'ai donné. Désormais, je m'affiche. Je serais même dans la provocation.
Corinne : Je suis fière de notre histoire, mais dans mon boulot, je ne l'ai jamais dit. J'ai vu des gays se faire placardiser pour ça. J'ai un ami homo, avocat d'affaires : de temps en temps, je joue sa femme, et lui, mon mari. Je n'ai pas envie de me battre pour changer les mentalités. Quant à mes parents, ils ne l'acceptent toujours pas. Ils n'ont jamais voulu venir à la maison. C'est difficile... 

  • Et la fidélité ?

Corinne : Je ne pourrais pas la tromper. Parfois, je joue avec un homme ou une autre femme comme avec un jouet, mais elle est là. Moi, je suis très possessive. Je lui dis souvent : « C'est moi qui t'ai trouvée. » Si une mouche se pose sur elle, je lui arrache les ailes.
Isabelle :
J'ai dû faire un travail sur moi-même pour accepter son besoin de jouer. Mais, si je la sens dévier, je peux l'humilier et lui balancer : « Ça pourrait être ton fils. » 

  • Le moment le plus fort de notre histoire

Isabelle : Le jour où, de retour de Saint-Domingue, j'ai dit à la femme avec qui je vivais alors que je partais retrouver Corinne. C'était viscéral. Rien ne pouvait m'en empêcher.
Corinne :
Quand on a fait l'amour pour la première fois et que j'ai raccompagné Isa à la gare. Nous étions sur le quai, elle allait monter dans le train, on s'est regardées - on avait envie de se toucher, de s'embrasser, de se prendre dans les bras, mais on ne pouvait pas le faire devant tout le monde - et j'ai ressenti très fort que je l'aimais. Le soir, j'étais à la maison avec mes enfants, on regardait la télé et je n'avais qu'elle en tête.

"Avec Delphine, on aime le sexe toutes les deux"

Caroline et Delphine Caroline, 38 ans, et Delphine, 33 ans, propriétaires de la boutique Dollhouse, un sexy shop (www.jeuxdefilles.fr). En couple depuis deux ans. 

  • Le jour où j'ai compris que j'aimais les filles

Caroline : A 18 ans, je disais : « Jamais avec une femme. » Un jour, je chahutais avec une amie et le baiser est venu spontanément. On a vécu pendant quatre ans une histoire cachée.
Delphine :
Toute petite, j'adorais les personnages ambigus. J'ai eu deux ou trois expériences avec les filles, mais ça ne m'a pas plus bouleversée que ça. Je ne pense pas être définitivement lesbienne.

  • Pourquoi j'ai flashé sur elle ?

Caroline : Elle est mon idéal de femme. Quand elle est entrée dans la boutique, j'ai eu un coup de foudre. Mon premier. Mais je ne savais pas si elle aimait les femmes, et surtout, j'étais avec quelqu'un depuis six ans.
Delphine :
Pour son sourire. J'étais en train de rompre avec quelqu'un que j'aimais très fort et, tout d'un coup, la vie avait l'air simple et légère sur son visage.

  • Le premier baiser ?

Delphine : On s'est fait la cour pendant cinq mois, on l'attendait, ce baiser. On s'est assises sur le canapé de la boutique, comme si on avait 14 ans. Caroline a dégagé mes cheveux, m'a embrassée dans le cou, j'ai eu la chair de poule. C'était doux et tendre.
Caroline :
Delphine peut être froide, rien n'était acquis. J'ai voulu l'embrasser avec douceur. Waouh ! Le lendemain, j'emménageais chez elle.

  • Faire l'amour avec une femme

Delphine : J'ai eu des orgasmes aussi forts avec des hommes qu'avec des femmes, mais entre filles, c'est plus voluptueux, plus érotique. Il y a un effet miroir, tu vas plus loin dans la découverte. Avec un homme, c'est plus sexuel. Nous, on n'est pas du tout dans le rapport de force. Si on utilise des toys et que l'une pénètre l'autre, elle ne va pas se sentir mec pour autant.
Caroline :
J'ai vécu huit ans avec un homme et j'ai aimé faire l'amour avec les hommes autant qu'avec les femmes. Avec Delphine, on aime le sexe toutes les deux. Elle est aussi très câline et ça m'avait manqué...

  • Le lien qui nous unit

Caroline : Fusionnel. Souvent, on dit la même chose au même moment. Ce qui nous a beaucoup rapprochées, c'est notre amour pour les enfants. On essaie d'en avoir un par insémination artificielle depuis un an, mais c'est très compliqué.
Delphine :
Avant Caroline, je ne voulais pas de vie de couple. J'avais une existence dissolue. Avec elle, j'ai appris à vivre sans avoir envie de fuir. Notre relation est beaucoup plus fusionnelle parce qu'on est deux femmes. C'est comme être, en permanence, avec sa meilleure amie. 

  • Nous face aux autres

Delphine : Dans la rue, on entend parfois : « T'as vu, c'est des gouines », mais ça retombe comme un soufflé. Mes parents, je ne leur ai pas laissé le choix. Ils ont compris que Caroline était ma partenaire de vie au même titre que l'est l'amie de mon frère avec qui il a trois enfants. Quant à la famille de Caroline, une amie m'avait dit : « A partir du moment où sa mère t'appelle "bichette" c'est validé ». Quelques secondes après notre rencontre, ce fut le cas. 

  • Jalouses ?

Delphine : C'est un sentiment que je ne connaissais pas. Au début, les crises de jalousie de Caroline m'ont fait peur, je n'avais jamais accepté ça de personne. Aujourd'hui, c'est moi qui joue au coq, je fais pipi autour d'elle.
Caroline :
On est toutes les deux charmeuses et séductrices. J'adore le contact, mais quand je la vois en pleine « action-séduction » dans une soirée, ça me fait mal.

  • Le moment le plus fort de notre histoire

Caroline : Tous les jours. On aime se surprendre et, si ce n'est pas le cas, on dit : « Aujourd'hui, il n'y a rien eu. »
Delphine :
On s'était disputées très fort et je suis partie me réfugier chez ma grand-mère qui m'a quasiment élevée. Le lendemain je l'ai vue débarquer dans le Jura. C'est la première personne qui a été capable d'entrer dans mon jardin secret.