Les filles de 25 ans sont de la génération Y, dites aussi digital natives puisque nées avec Internet. Blogs et réseaux sociaux alimentent une culture de chambre qui leur met le monde à portée de clic. On parle aussi de lol generation pour ces enfants de la crise et de la précarité qui rient de tout (le bashing, ou descente en flamme d'une célébrité, les amuse beaucoup). Biberonnée aux super vitamines et éduquée à la Dolto, cette me generation (les enfants rois) a été élevée dans une ambiance où la quête de plénitude et d'épanouissement personnel a été primordiale. Une « génération du désir », selon l'historienne Yvonne Knibiehler : désir d'avoir ou non des enfants, mais aussi désir de choisir leur vie de couple ou de célibataire, leurs modèles professionnel et social sans que personne ne décide à leur place.

Au royaume des girls, le désir et le « moi d'abord » ne résistent pas à la morosité du monde en crise : divorce ou chômage de leurs parents, difficultés à entrer sur le marché de l'emploi donc à voler de leurs propres ailes. Mais, mieux armées que leur mère car davantage diplômées de l'enseignement supérieur et habituées aux mauvaises nouvelles du JT, les girls (en dépit de leur minois boudeur) préparent mieux leur avenir.

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Génération Y : l'esprit système D

On pense aux Tanguy et Tanguette qui brillent plus par leur obstination à s'accrocher au rocher parental qu'à jouer la débrouille. Dans la réalité, celles qui travaillent mais occupent toujours leur chambre de jeune fille chez maman-papa doivent composer avec de maigres ressources (stages peu rémunérés et CDD). Si c'est pour tout dépenser dans une chambre de bonne déjà squattée par les cafards, le choix est vite fait. Études, travail, « entre-deux » (petits boulots et formations) sont leur lot. Faibles revenus obligent, la girl de 25 ans emprunte volontiers les vêtements ou le maquillage de sa mère, sans toutefois solliciter son accord. Les enfants du divorce et des familles recomposées, eux, ont grandi entre deux maisons, alors le balluchon, le partage, ils connaissent par cœur. D'où leur engouement pour la colocation (60 % des jeunes de moins de 30 ans, selon une étude de l'Agence nationale pour l'information sur le logement). La "me generation" échange aussi vêtements, make-up et bons plans sur la Toile : blogs, ventes privées, communauté de beauty addicts et coffrets de produits à tester (style Birchbox ou CosmopolitanBox). Dans le même esprit, les girls louent à plusieurs un sac de créateur ou une voiture pour le weekend. Avec leur mini pouvoir d'achat, elles traquent les bonnes affaires. Une conso intelligente sans chercher à ressembler à quelqu'un d'autre. Ce que leur mère leur a appris.

Génération Y : le sens des réalités

Les filles Y ne sont pas idéalistes, en amour, inutile de leur effeuiller la marguerite. Elles ont grandi avec le modèle de Dora l'Exploratrice, pas avec celui de la princesse qui attend en filant la quenouille. L'éducation à la Dolto, prodiguée par une mère libérée, a porté ses fruits : filles et garçons recherchent l'égalité et la complicité dans le domaine amoureux, sexuel ou intellectuel. Avec le premier chéri, comme avec le(s) suivant(s), elle vit une belle histoire sans « se prendre la tête ». Entre le premier rapport et le grand amour, il va se passer pas mal d'années. Comme l'écrivent Julia Tissier et Myriam Levain*, journalistes : « Le couple, c'est comme le CDI, ça ne veut pas dire grand chose. » De 15 à 24 ans, société de consommation oblige, elles multiplient les expériences, pour s'attacher plus tard à la notion de fidélité (huit femmes sur dix selon un sondage Ifop).

Elles ont vu ce que l'amour libre à la Emmanuelle a donné chez leurs parents : des tragédies grecques, des divorces pour faute... Individualistes, elles ne tombent pas non plus dans le piège de l'amour romantique et Super Glue. Le couple, c'est 1 + 1 = 3 (toi, moi et notre couple), « être libres ensemble ». La cohabitation n'est pas nécessaire pour se proclamer « couple ». Réalistes et sages, il leur faut quand même de l'amour en 3D. Filles choyées par des parents souvent éperdus d'admiration, elles veulent retrouver cette sensation d'être le centre du monde. Pas simple...

Génération Y : la curiosité

Internet a aboli les frontières. À quoi rêvent les jeunes femmes ? À l'appel du grand large. Avec le programme Erasmus, les stages à l'étranger ont augmenté de 22 %. Le volontariat international en entreprise, lui, ne cesse de croître depuis 2008. Étudiantes ou non, les Y cèdent aussi à « la tentation sac à dos ». Elles partent en bande pendant un an, pratiquent le couchsurfing (hébergement chez l'habitant, sur un canapé), font des petits boulots pour payer leur séjour. Même pas peur. Ce qu'elles appellent prendre « une année de césure » ou « une année off », très appréciée sur un CV . Championnes de l'e-branding (capacité à optimiser sa visibilité sur le Net), ces filles savent entretenir et activer leurs réseaux (filières d'anciens élèves, parents d'amis influents, etc.) pour dénicher un stage ou un job.

Elles savent aussi trouver les bons modèles d'identification : l'actrice Amanda Seyfried plutôt que Marilyn Monroe, Fany Pechiodat (créatrice géniale du site My Little Paris) plutôt que Nabilla et la culture du vide. Le monde marche de travers ? Les institutions baissent les bras ? Ne plus avoir foi en l'avenir du monde, cela ne les empêche pas d'avoir foi en leur propre avenir. Tel est le paradoxe et le pari des girls d'aujourd'hui : tirer leur épingle du jeu même quand tous les voyants sont allumés. Et même si ces filles aimeraient bien avoir recours à Photoshop® après un entretien raté ou quand elles « buggent » sur un défaut devant leur miroir, elles savent faire la part entre l'image et l'être.

*Coauteurs de la Génération Y par elle-même (François Bourin Éditeur). Elles lancent ensemble www.cheekmagazine.fr, site dédié aux jeunes femmes Y.