Dépistage organisé du cancer du poumon : « Nous n’avons jamais été aussi proches du démarrage »

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

14 juin 2024

France — Selon le rapport de l'Organisation européenne du cancer publié le 13 mai dernier, la France est à la traîne en matière de prévention et de dépistage du cancer du poumon par rapport à ses voisins européens[1]. Néanmoins, cela pourrait changer prochainement : un appel d’offres pour la mise en place d’un essai clinique, préalable au déploiement d’un programme de dépistage organisé du cancer du poumon, devrait être lancé au cours du mois de juin.

Arbitrages budgétaires en cours de finalisation

Souvent diagnostiqué à un stade tardif, le cancer du poumon est la tumeur maligne la plus meurtrière en France, causant chaque année plus de 33 000 décès. En 2023, 52 777 nouveaux cas ont été estimés. Au contraire des cancers colorectaux, du sein et du col de l’utérus, il ne fait, jusqu’à présent, pas l’objet d’un programme de dépistage organisé en France.

Mais cela pourrait changer dans les années à venir. En effet, la Haute Autorité de Santé (HAS) a préconisé en 2022 l’engagement par l’Institut national du cancer (INCa) d’un programme pilote et la mise en place d’études complémentaires préalables à un tel programme.

« Actuellement, nous n’avons jamais été aussi proches du démarrage », assure le Pr Sébastien Couraud, chef du service de pneumologie de l’hôpital Lyon sud. « Avec l’INCa, nous avons terminé la rédaction d’un argumentaire scientifique qui va permettre de lancer un appel d’offres dans les prochains jours. Des arbitrages budgétaires sont en cours de finalisation, car le projet est coûteux, mais dès qu’ils seront terminés, l’appel d’offres pourra être publié ». Les candidats auront alors jusqu’au mois de septembre pour proposer leurs projets.

Démarrage prévu début 2025

« C’est un appel d’offres qui sera national. L’idée sera de proposer un essai clinique impliquant la personne humaine (RIPH). Ce n’était pas notre demande car cela complexifie les choses, mais cela a été arbitré par l’ANSM. L’essai aura pour vocation de mettre en place les conditions du dépistage organisé. L’expérimentation pilote devrait démarrer début 2025 et durer 5 ans », détaille-t-il.

Ce pilote devrait permettre à terme de couvrir la France entière avec des centres de dépistage et de permettre au public-cible de pouvoir se faire dépister. « Nous estimons la population-cible entre 3 et 4 millions de personnes. Il s’agit des personnes de 50 à 75 ans, fumeurs de plus de 20 paquets-années (1 paquet-année = un paquet par jour pendant un an), ou plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans, ou plus de 10 par jour pendant plus de 30 ans. A terme nous estimons que l’épargne en coûts directs annuels (hospitalisation notamment) serait de 4 millions d’euros par an. Le coût annuel du dépistage a été estimé à environ 225 millions d’euros », précise le pneumologue.

Dans la foulée d’autres pays européens

Pour lui, les freins qui subsistaient pour le lancement de ce dépistage commencent à être levés. « Le frein scientifique n’existe plus, car le dépistage du cancer du poumon a un impact en mortalité globale, cela a été démontré dans une étude randomisée, ce qui est très rare. L’autre frein de principe, est lié au fait que d’autres dépistages ne fonctionnent pas très bien en France, avec seulement 50 % de participation pour le cancer du sein et 32 % pour le cancer du côlon. Cela pouvait en décourager certains de vouloir relancer un nouveau front, mais le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer en France, donc l’intérêt est certain », estime-t-il.

Actuellement, d’autres pays européens comme la Croatie, la Pologne et la République Tchèque ont déjà mis en place des programmes nationaux. « De plus, l’Angleterre a lancé un programme en juin 2023 et a lancé un million d’invitations. Cela leur a déjà permis de dépister 3000 cancers environ. Et l’Allemagne vient de voter un projet en ce sens. La France n’est pas en avance, mais nous ne sommes pas encore les derniers », assure-t-il.

Stratégie du « aller vers »

Mob’Ilyad, un camion itinérant pour le dépistage du cancer du poumon

En Auvergne-Rhône-Alpes, un camion proposant un dépistage du cancer du poumon devrait prochainement sillonner les routes à la rencontre des populations vulnérables. « C’est une démarche « d’aller vers » la population, afin de lui amener l’intervention de santé publique. L’idée est de lever des freins de vulnérabilité sociale mais pas seulement. Il y a aussi des notions de gain de temps et d’opportunité pour le public », explique le Pr Couraud.

Ce camion comportera non seulement un scanner faible dose, mais aussi un spiromètre et proposera une consultation avec un tabacologue ainsi qu’avec une infirmière formée à la promotion de la santé, qui pourra prendre la tension, peser le participant. « On pourra regarder l’état des coronaires, évaluer l’emphysème ou encore le risque de BPCO », développe le Pr Couraud. « Nous aurons une vraie action globale de prévention ». Financé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’Agence régionale de santé, l’Union européenne, le laboratoire Astra Zeneca et le groupe Adene, le camion va coûter entre 1,6 et 1,9 million d’euros. Il est actuellement en attente de fabrication et est attendu pour le premier trimestre 2025.

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