Les progrès réalisés ces dernières années dans la bataille contre le cancer sont époustouflants. La détection s’est affinée avec les équipements d’imagerie médicale de nouvelle génération et le développement de tests de diagnostic très précoces, telle que la plateforme Iset de l’oncologue Patrizia Paterlini-Bréchot, qui permet de repérer 40% des cas de cancers dans le sang.

Les nouvelles stratégies visant à booster les défenses naturelles du malade – immunothérapie - font également preuve d’efficacité.

Et des vaccins anticancéreux devraient bientôt être aussi déployés si l’on en croit les récentes avancées de la recherche en ce domaine. "Il ne s’agit pas de vaccins préventifs, comme celui contre le virus HPV responsable de nombreux cancers du col de l’utérus, de l’anus et de la gorge, explique le Pr Christophe Le Tourneau, chef du département des essais cliniques précoces (D3i) de l’Institut Curie. Ces vaccins sont thérapeutiques : ils s’adressent à des patients traités contre le cancer afin de réduire leur risque de récidive". 

Un vaccin pour aider l'organisme à combattre le cancer 

"Ces vaccins ne s’attaquent pas au cancer directement, comme le fait la chimiothérapie, mais aident l’organisme à lutter contre lui", ajoute le Pr Le Tourneau. Ceux à l’étude visent des protéines spécifiques situées à la surface des cellules cancéreuses, que les scientifiques appellent des néo-antigènes.

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Ces derniers sont uniques, propres à chaque cancer et à chaque patient.e. Différentes stratégies sont explorées en parallèle. La première consiste à activer le système immunitaire du malade de manière ciblée en injectant des virus inactivés qui recèlent ces fameux néo-antigènes. En réponse au vaccin, le corps fabrique des globules blancs (lymphocytes T) capables de repérer et d’attaquer les cellules porteuses de ces mêmes protéines. Toutes les cellules cancéreuses résiduelles et les nouvelles susceptibles d’apparaître en cas de récidive sont ainsi immédiatement détruites.

Vaccin anti-cancer : quels essais en cours ?

Le principe est simple sur le papier, mais encore faut-il vérifier son innocuité et son efficacité sur des patient.e.s, en situation réelle. Plusieurs essais cliniques très prometteurs sont en cours en partenariat avec la société de biotechnologie alsacienne Transgène, l’Institut Curie de Paris et l’Oncopole de Toulouse.

Le plus avancé s’adresse à des patient.e.s atteint.e.s de cancers anaux et génitaux induits par des papillomavirus. Le vaccin administré en plus de l’immunothérapie classique semble bien toléré et performant en terme de taux de survie, mais les expérimentations doivent encore se poursuivre avant que tous les malades puissent en bénéficier.

Contre le cancer de l’ovaire, un vaccin aux résultats encourageants

Transgène travaille aussi sur un essai de vaccin personnalisé pour les cancers ORL et ceux de l’ovaire qui présentent des risques importants de rechute, selon cette étude.

"Dès que les patients sont opérés et ont achevé leur radiothérapie, leur programme de vaccination commence", précise le Pr Jean-Pierre Delord, qui dirige le Centre de lutte contre le cancer Claudius Regaud à l’Oncopole de Toulouse. Le vaccin est produit sur mesure pour chacun d’entre eux, après l’analyse par intelligence artificielle des protéines spécifiques de leur tumeur respective. Une vingtaine d’injections sont réalisées sur six mois.

Le protocole est certes long et coûteux, mais sa performance semble au rendez-vous : "Tous les patients inclus dans l’essai ont développé une réponse immunitaire robuste, indique le Dr Maud Brandely, directrice des affaires médicales de Transgène. Certains cancers des ovaires sont restés stables pendant plus de onze mois".

La survie des patients prolongée

D’autres vaccins thérapeutiques sont également en bonne voie, tel l’UCPVax, développé à l’université de Franche-Comté (Besançon). Ce dernier cible la télomérase, une enzyme qui gouverne l’immortalité des cellules cancéreuses. En la bâillonnant, les tumeurs ne peuvent donc théoriquement plus proliférer.

Les résultats des essais cliniques engagés sur une soixantaine de patient.e.s atteint.e.s d’un cancer du poumon avancé sont éloquents : près de 80% ont déclenché une réponse immunitaire efficace, avec une amélioration de la survie chez la moitié d’entre eux, selon cette étude.

"Le développement d’UCPVax se poursuit pour différents autres types de cancers, tels que le glioblastome (un cancer cérébral agressif), des cancers ORL et le cancer du foie", détaille le Pr Olivier Adotevi, directeur du laboratoire qui pilote ce projet.

Vers des vaccins à ARN contre le cancer

L’autre piste sur laquelle travaillent les chercheurs repose sur l’utilisation des ARN messagers (ARNm), des molécules dont on parle beaucoup depuis la pandémie de Covid-19.

Le principe : des ARN porteurs des plans de fabrication des néo-antigènes de la tumeur sont injectés au malade. Ses cellules saines intègrent ces instructions, puis produisent les intrus en grand nombre. Le système immunitaire réagit alors aussitôt. Il mobilise une armée de globules blancs prêts à en découdre pour éradiquer les cellules malignes

Plusieurs candidats vaccins à ARNm sont en cours d’évaluation dans le monde. Celui mis au point par les laboratoires Merck MSD et Moderna contre les mélanomes - un cancer cutané grave - semble sur la bonne voie : il réduit de 44% les taux de rechute et de mortalité, selon leurs résultats publiés en décembre 2022.

Le tandem commence aussi à tester un vaccin à ARNm contre les cancers du poumon de mauvais pronostic. Verdict d’ici fin 2026.

La start-up allemande BioNTech, qui fut à l’origine du vaccin anti-Covid Pfizer, a recours à la même technique pour développer des vaccins contre certaines tumeurs du sein, de la prostate et de la peau. Dans une interview à la BBC fin 2022, ses deux fondateurs ont annoncé que leurs premiers vaccins anti-cancer seront disponibles d’ici 2030.