“Je me suis sentie bête. Je ne savais pas quoi lui dire… et je ne sais toujours pas.” Ce désarroi, entre pudeur et réel embarras, c’est celui dans lequel a été plongé l’été dernier Charlotte*, 30 ans, lorsque sa belle soeur du même âge a brusquement perdu son compagnon. “Par exemple, je n’ai pas osé l’appeler directement, mais je lui ai envoyé quelques messages”, nuance t-elle toutefois, sans grande conviction.

Impuissance et projection face au deuil

Et pour cause, comme pour beaucoup de personnes, le deuil peut être source de troubles et de malaises, a fortiori lorsqu’il ne nous concerne pas, qu’il soit traversé par un membre de notre famille, un ami ou un collègue. Une réaction a priori naturelle qui trouve son origine dans deux mécanismes distincts : le sentiment d’impuissance et la projection.

Vidéo du jour

“L’impuissance, car on ne peut rien faire face à cet événement. On ne peut ramener la personne défunte à la vie, et nous savons que seul cela pourrait vraiment consoler notre proche”, explique Jocelyne Chemla**, psychologue clinicienne et psychothérapeute basée à Paris. “La projection, car la situation active ou réactive notre propre "angoisse de mort", une des angoisses existentielles les plus dominantes chez chacun de nous”, complète-elle, soulignant que ces moments nous renvoient à des questions existentielles telles que le sens de la vie.

“Quand j’étais étudiant, le père de ma petite copine de l’époque est décédé des suites d’une maladie. Je n’étais pas très malin à l’époque et pas franchement à l’aise avec le sujet, confie Valentin*, 29 ans. Du coup, je n’ai pas su la réconforter comme il aurait fallu et elle m’en a beaucoup voulu”, analyse-t-il après coup.

Il ne faut pas avoir peur des silences. C’est une étape inévitable car la mort renvoie à des choses indicibles

Car pendant que nous tâtonnons sur l’approche la plus judicieuse à adopter auprès de celui qui se trouve endeuillé, ce dernier navigue entre tristesse, colère et détresse, le tout doublé d’un sentiment de solitude abyssale accentuant la douleur qu’il ressent légitimement. Que faire alors pour lui venir en aide, ou du moins le soulager de cette terrible peine qui le submerge ? 

Accueillir les émotions 

“Une personne qui souffre a besoin avant tout de se sentir comprise et légitime dans ses émotions”, nous explique Jocelyne Chemla. “Face à l’anéantissement dans lequel il se trouve, nous pouvons au moins accueillir l’émotion de notre proche en lui offrant une présence contenante, une épaule pour pleurer, une écoute si besoin”, détaille la spécialiste qui précise qu’il est essentiel de poser des mots sur ce qu’il ressent. “Ce que tu vies est très dur !”, “Tu dois ressentir une telle douleur en toi” ou tout simplement « Je suis là, tu n’es pas seul, n’hésites pas à m’appeler à n’importe quel moment, je serai là toujours pour toi" sont autant de paroles rassurantes qui peuvent contribuer à consoler la personne en deuil qui de fait, se sentira entourée et soutenue. Et ce, que ce soit en face à face ou par message. 

Une présence physique, y compris silencieuse, peut s’avérer également salvatrice pour celui ou celle dont l’état de choc ne lui permet pas encore de s’exprimer ou de dialoguer.

À l’inverse, les mots qui vont maladroitement dénigrer la gravité de l’évènement ou le désespoir qu’il peut susciter sont évidemment à proscrire. On oublie donc de pointer du doigt l’âge avancé du défunt, comme si cela était une circonstance atténuante, ou de s’accommoder de banalités peu empathiques sur les bienfaits du temps qui passera (“Ne t’inquiètes pas, avec le temps ça ira mieux”).

De la même manière, les questions en série, les conseils à tout-va ou les récits de vos dernières prouesses amoureuses, censées faire diversion, ne seront pas forcément les bienvenus en cette période de recueillement. “Il ne faut pas avoir peur des silences. C’est une étape inévitable car la mort renvoie à des choses indicibles”, prévient la psychologue.

Seule limite à surveiller de près ? Celle qui sépare de peu la phase de deuil intense, qui est une étape normale, de celle du potentiel état dépressif qui persiste. Si votre proche ne cesse de ressasser des émotions négatives tout en éprouvant des difficultés à se réadapter psychiquement sur le long terme, il se peut qu’il ait besoin d’une aide professionnelle adaptée. “Alors, à ses proches, de façon délicate, de l’accompagner dans ce sens.” conclut-elle. 

*Tous les prénoms ont été changés.

**Jocelyne Chemla, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Paris