Vivre en communauté s’apparente à la loterie. De la même manière que le hasard choisit qui remporte le pactole, il apporte aussi des voisins qui peuvent être une bénédiction ou un véritable cauchemar.

De mon côté, la coïncidence a voulu tester ma capacité à rester calme en terrain miné. Alors que je vivais paisiblement sous les toits dans une chambre de bonne somme toute confortable malgré sa surface exiguë — Paris oblige — un nouveau voisin s’est installé de l’autre côté du mur.

C’est avec son arrivée que j’ai fait l'amère découverte de la finesse de la paroi qui nous séparait. À la différence de la locataire qui l’a précédé, ce voisin passait ses journées au téléphone. Environ cinq heures, d’après mes calculs. Parfois en pleine journée, sans que cela ne soit un problème, mais surtout la nuit, dès 23 heures. Les murs étaient si fins que j’entendais sa voix, mais aussi les notifications qu’il recevait sur son téléphone.

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Vivre un confinement dans ces conditions a réellement joué avec mes limites. Je dormais peu, car j’étais dans un état d’hypervigilance constant, inquiète d’entendre le son de sa voix s’élever à tout moment. Bien-sûr, j’ai usé du dialogue et tenté de trouver un arrangement en lui demandant de ne plus passer d’appel après minuit. En vain. Les semaines s’écoulaient et avec elles ma patience : je tapais sur le mur pour demander le silence et sentais par la même occasion que la situation devenait une souffrance psychologique.

Car on sous-estime les effets du bruit sur notre santé mentale et notre tranquillité. C’est même la première cause des conflits de voisinage, comme l’ont révélé certaines études. Et malheureusement, bruit ou autres, je ne suis pas la seule ayant dû faire face à un.e voisin.e des plus dérangeant.es...

Entre disputes conjugales et trafic d’ordinateurs

Élodie se souvient de l’arrivée d’un homme, la vingtaine bien entamée, dans son immeuble de sept appartements, uniquement habitée par des propriétaires. Ce nouvel arrivant, situé au premier étage, était le seul locataire.

Célibataire, discret et poli durant un temps, l’homme a ensuite fait exploser les décibels. "Il s’est mis en couple et sa copine s’est installée chez lui, puis ça a tourné au vinaigre", raconte la trentenaire, qui évoque des disputes quotidiennes. "Ils s’envoyaient des objets, il y avait beaucoup de violences verbales, mais pas de maltraitances physiques", raconte-t-elle.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais, en plein milieu de l’été 2021, alors que l’immeuble était quasiment vide, Élodie entend du vacarme. Elle se dirige vers son judas de porte et voit descendre quatre hommes portant un brassard de police. Elle comprend vite qu’ils sont là pour les fameux voisins du premier étage.

Il volait des ordinateurs portables neufs dans la réserve informatique de sa boîte pour les revendre sur Leboncoin.

Élodie entend alors du bruit dans leur jardin, "comme si des objets étaient jetés un par un", en l’occurrence du matériel informatique. Son compagnon, qui observait la scène, se fait repérer par les officiers de police qui lui demandent de s’approcher et le questionne sur son identité. Dans sa réponse, le propriétaire demande innocemment : "Cela a un lien avec les ordinateurs dans le jardin ?". Et résout l’affaire sans le savoir.

En réalité, "ce voisin était depuis plusieurs mois en intérim et volait des ordinateurs portables neufs dans la réserve informatique de sa boîte pour les revendre sur Leboncoin", résume Élodie, qui en rigole aujourd'hui.

"La prochaine fois que je vois votre chat, je lui tire une balle"

L’histoire du trafic d’ordinateurs est finalement amusante, et le voisin inoffensif. Mais parfois, des personnalités dérangeantes, voire dangereuses, vivent à seulement quelques pas de chez nous. 

Ce n’est pas Elsa qui dira le contraire. Cette habitante d’un quartier résidentiel d’Orléans vivait paisiblement jusqu’à l’arrivée de nouveaux voisins à quatre ou cinq maisons de la sienne. Aventureux, l’un de ses deux chats avait pour habitude de se balader dans le voisinage, y compris dans le jardin de ces nouveaux arrivants dans lequel se trouvaient des poussins. Mais, un jour, l’un des oisillons meurt.

Il a commencé à nous menacer et nous a dit ‘la prochaine fois que je vois votre chat, je lui tire une balle.

"Le voisin est venu à ma porte et a décrété que c’était mon chat qui l’avait mangé alors qu’il y en a une vingtaine dans le quartier. Il a prétendu avoir vu son collier", raconte Elsa, qui affirme avoir été agressée ce jour-là, alors qu’elle était enceinte. Elle ajoute : "Il a commencé à nous menacer et nous a dit ‘la prochaine fois que je vois votre chat, je lui tire une balle’".

L’homme a alors réclamé de l’argent, estimant qu’Elsa devait payer les frais pour créer un poulailler avec des grillages et qu’elle devait payer pour les dommages. "J’ai appelé mon assurance pour avoir un avis d’expert et on m’a dit que c’était de la violence gratuite", lâche-t-elle. "Il n’y a pas de preuve, donc il ne peut pas faire une telle demande".

Des expériences parfois traumatisantes à ne pas prendre à la légère

Après cette incartade, le conjoint d’Elsa, "plus posé", a proposé d’offrir des poules en échange. "Ça s’est bien fini dans le sens où mon chat est toujours vivant et que rien d’autre ne s’est passé", conclut-elle.

"On s’est excusés platement, mais de là à menacer une femme enceinte et son chat, puis demander de l’argent, j’ai trouvé ça odieux. Ils sont toujours mes voisins, mais je ne leur adresse plus la parole, et ça m’a refroidie sur le voisinage".

Et si les histoires se terminent bien ici, certaines tournent au harcèlement, voire au drame, comme en témoignent plusieurs faits divers chaque année. Il convient donc, quand la situation prend une tournure inquiétante, d'avoir les bons réflexes. "Le premier réflexe à adopter face à un voisin harceleur est d'aller porter plainte auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie. Cette plainte, qui ne peut pas être refusée, sera ensuite transmise au procureur de la République pour examen. C'est lui qui y donnera suite ou non, selon les situations", précise Marc Alexandre, avocat, au Figaro Immobilier.

Guetter le départ du voisin problématique sans jamais être sûr de trouver mieux

Car ces quelques mois - ou années dans les pires des cas - d'enfer peuvent laisser des traces. Depuis ma propre expérience avec mon voisin, je ne supporte plus le moindre bruit la nuit.

Ma seule satisfaction remonte à son état des lieux de sortie, que j’ai suivi avec attention l’oreille collée au mur : il s’est très mal passé en raison de l’état de l’appartement. Mon parquet m’entend encore ricaner. Heureusement, la locataire suivante, bien plus discrète, m’a permis de retrouver des nuits tranquilles.

Il a pris l’échelle et a cassé l’une de ses fenêtres pour rentrer chez lui et a mis un carton qu’il a laissé. 

Le voisin du premier étage d’Élodie avait aussi laissé sa location dans un mauvais état au moment de son départ. Aujourd’hui, son appartement est habité par un homme plus âgé et peu bruyant. S’il n’inflige pas ses conflits conjugaux à ses voisins, il n’est pas épargné par les déconvenues. "Un dimanche, il a oublié ses clés à l’intérieur de chez lui. Puisqu’il ne trouvait pas de l’aide, il a pris l’échelle et a cassé l’une de ses fenêtres pour rentrer chez lui et a mis un carton qu’il a laissé", raconte Élodie. Aux dernières nouvelles, la jeune femme qui a aujourd'hui déménagé, n'était pas au courant de changements. 

Ses voisins, eux, ne devraient pas manquer une miette de la suite.