Un départ. Des doutes. Une rupture amoureuse, puis une nouvelle rencontre. Des doutes encore. Un premier enfant et enfin, une fugue. La première d’une longue série, qui a emmené Alice Cheron dans les recoins les plus atypiques de l’Italie. Mais aussi, au plus près d’elle-même. Des escapades salutaires qui ont permis à la jeune femme de faire le tri dans ses pensées et ses envies, et de se lancer dans une aventure faite de rencontres et de découvertes. 

Loin des fuites en avant adolescentes et des frayeurs parentales qui les accompagnent généralement, Alice Cheron propose de redonner à la fugue ses lettres de noblesse. Aujourd'hui, celle qui a créé la plateforme Ali Di Firenze en 2013, sort un ouvrage intitulé l'Appel de la Fugue (Ed. Leduc.s) qui retrace la genèse de son aventure.

Une bouffée d’air frais qui donne très envie de filer au milieu de la nuit, en catimini, pour aller danser le Calypso en Italie. 

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L'appel de la fugue

L’une des forces de cet ouvrage, c’est qu’il fait germer dès les premières pages, la possibilité de s’extraire un temps de sa réalité. Sans doute parce que les sentiments de l’autrice sont vrais et universels, et parce qu’elle ne nous pousse pas à tout quitter non plus. 

Plus les mots défilent et plus une envie s’impose : il faut partir, s’aérer l’esprit. Alors la fugue devient une soupape, plus qu’espérée pour se retrouver en tête-à-tête avec soi-même. Un aparté salutaire pour ne pas s’éloigner de notre chemin de vie, de nos aspirations et de nos émotions. “La fugue a été et est encore un instrument incroyablement utile sur mon chemin personnel. Elle est devenue avec les années cette indispensable reconnexion avec moi-même, pour ne jamais lâcher ce fil de moi”, écrit Alice Cheron. 

Pour Maïté Tranzer, psychologue clinicienne à Paris, si étymologiquement le mot de "fugue" marque une certaine détresse, le concept de ces moments d'exception reste intéressant - voir indispensable - pour être en phase avec soi. "Sans connaître ces Fugues Italiennes, le principe me parle : d'ailleurs je conseille généralement à mes patients de prendre des "rendez-vous avec eux-mêmes" de quelques heures, ou quels jours, pour s'apaiser", explique-t-elle. 

C’est le moment de préparer votre valise : une fois la possibilité d’une fugue envisagée, il est difficile de faire machine arrière, tant les récits des fugueuses à l’italienne donnent des envies d’ailleurs. 

Oser s'extraire d'un quotidien qui ne satisfait pas

Dès les premières pages de son ouvrage, Alice Cheron plante ainsi le décor et nous entraîne dans ses circonvolutions émotionnelles qui l’ont poussée à prendre la route. Elle y raconte son quotidien qui déborde, ses doutes, ses frustrations, sa charge mentale aussi et le besoin sous-jacent de s’écouter plus. Elle décrit avec justesse, la sensation de “noeud” qui apparaît et oppresse le corps, et puis qui grandit alors que les jours passent. 

La première fois, c’était quelques mois après la naissance de son premier enfant. La jeune femme se sent piégée dans une réalité qu’elle n’a pas vraiment anticipé : son bébé accapare chaque minute de son temps et la totalité de son esprit. Profitant d’une opportunité professionnelle, elle s’octroie donc une première fugue, à Venise. Puis une seconde - à Venise toujours - quelques années plus tard, alors que ces deux enfants sont en bas âge et qu’elle s’empêtre dans la gestion des travaux dans leur future maison. 

Mais chaque femme-fugueuse a ses propres noeuds, et il est bon de le rappeler. Pour certaines, ce sera une charge mentale écrasante, pour d’autres l’impression de tourner en rond ou simplement encore, une phase de la vie où l’on ressent le besoin de s’extraire. C’est le cas de Céline par exemple, qui a participé à l’une des virées organisée par Alice Cheron. “Je suis en pleine réflexion sur mon avenir professionnel sur l’équilibre de ma vie perso et de ma vie pro. Je fais de la gestion de projet dans une compagnie d’assurance-vie au Luxembourg, job dans lequel je ne m’épanouis pas du tout. Je me sens comme emprisonnée. J’aimerais tellement entreprendre pour retrouver une forme de liberté mais je n’ose pas”, écrivait-elle avant de partir. 

La fugue, outil de développement personnel pour se (re)trouver

Ainsi, la fugue s’érige en outil de développement personnel : une bulle hors du temps pour revenir vers soi. Alice Cheron décrypte les différentes étapes de ce cheminement qui pousse à s’échapper. Du trop-plein (la cocotte-minute), à la préparation et enfin le grand saut. 

“Durant la fugue, j’ai osé dire ce qui n’allait pas et que je n’acceptais plus en général dans ma vie. Des choses que je verbalisais difficilement chez moi au quotidien. Après ce week-end, j’ai petit à petit confirmé ces pistes de réflexion, à mon rythme, et avancé vers le changement”, raconte Alexia, une adepte des fugues italiennes. 

Ainsi, que ce soit pour faire le point, pour libérer ses mots/maux, pour faire des choix aussi, la fugue s’impose comme un catalyseur. Et pour que l’expérience soit complète, Alice Cheron met à disposition des fugueuses, une boîte à outils complète pour que chacune puisse trouver les réponses à ses questionnements intérieurs. Un condensé façon Mange, Prie, Aime, sans Julia Roberts mais avec des rencontres, d’autres femmes qui viennent partager elles aussi leurs trcas et expériences. Dans cette boîte à outils, on trouve la puissance du silence, mais aussi la beauté des Arts, les pouvoirs de la Nature, la force des souvenirs, et enfin la nécessité de la pleine conscience. Autant de dispositifs qui permettent à toutes de profiter de l’expérience, puis de la digérer, afin de changer profondément son quotidien. 

Des outils cités également par Maïté Tranzer, qui insiste sur l'importance de pouvoir perdre la notion du temps pour décrocher réellement. "Il faut savoir se reconnecter à ses besoins primaires et à ses ressentis. C'est l'une des clés pour pouvoir se saisir de ce que l'on apprend lors de ces pauses, pour ensuite transformer son quotidien", explique la psychologue. 

“Ah, cette fugue… on en raconte des brides à l’entourage mais pas tout. On garde pour soi des moments d’échanges si sincères, qui ne peuvent être compris que si on les a vécus. On en garde une énergie positive, la conviction aussi que l’Italie est LA destination quand il faut se ressourcer. Et puis dans un petit coin de sa tête, il y a cette idée un peu folle qui sait, qu’un jour, une autre fugue pourrait s’organiser”, confie ainsi Marie-Aude, fugueuse convertie, donc. 

Et à celles et ceux qui pensent que ces fugues sont des échappatoires pour ne pas affronter ses problèmes, Alice Cheron répond : “Une fugue n’est pas une fuite, c’est un cri puissant et féminin”. 

D'ailleurs, avant de conclure, Maïté Tranzer insiste sur le fait qu'il faut s'absoudre de toute négativité ou émotions négative avant de partir. "C'est très important de ne pas penser aux enfants qu'on laisse quelques jours, à son ou sa partenaire qui devra tout gérer, au boulot en retard etc... Ni d'ailleurs de se forcer à partir quand on n'est pas prêt(e)s. Pour que ces moments privilégiés soient vraiment efficaces, il faut le faire avec envie et sérénité".

Et bien garder en tête que ces pauses sont nécessaires, pour que chacune puisse arpenter son chemin de vie sans se perdre en route.

Alice Cheron organise régulièrement des Fugues, ouvertes aux femmes qui voyagent seules. Pour plus d’informations, rendez-vous sur sa plateforme ‘Ali Di Firenze’, catégorie La Fugue. “Les fugues italiennes sont des week-ends de 3 jours en Italie pour un groupe de dix femmes voyageant seules. L’idée est de créer une bulle de décompression magnifique et créative afin de retrouver le fil de soi.” 

Et pour préparer votre prochaine fugue, n’hésitez pas à vous plonger dans son ouvrage, “L’Appel de la Fugue”.