"Le jour où j’ai passé mon échographie du troisième trimestre, tout avait très bien commencé", se remémore Marie*, 28 ans. Nous sommes en 2018, avec son compagnon, le couple est sur le point d’accueillir son premier enfant. "J’avais hâte de connaître sa taille et son poids. Mon gynécologue nous explique que c’est un bébé en pleine santé, avec beaucoup de cheveux. Je suis très heureuse, je pleure même de joie d’avoir ce bébé si ‘parfait’ à mes yeux. Un bonheur qui tournera malheureusement court. "Au bout d’un moment, mon gynécologue m'a regardée et dit : ‘Il y a un problème’".

Marie l’ignore encore à cet instant, mais une semaine plus tard, elle subira une interruption médicale de grossesse (IMG). "Notre fils était atteint d’achondroplasie, une forme de nanisme qui n’est pas incompatible avec une vie, tout comme la Trisomie 21, mais qui peut provoquer énormément de complications, nécessite des opérations avec un suivi neurochirurgical très lourd et entraîne des douleurs physiques et psychologiques tout au long de la vie. Elle peut même entraîner une mort subite avant l’âge de trois ans."

Une douloureuse épreuve également vécue par Coralie, 32 ans : "J’étais déjà maman d’un petit garçon de 2 ans et demi quand je suis à nouveau tombée enceinte fin 2018, d’un deuxième petit garçon. Le début de grossesse se passait bien, mais au cinquième mois, on a détecté une malformation au niveau de son cerveau." 

Chaque année en France, comme Marie et Coralie, des milliers de femmes ont recourt à ce que l'on nomme l'avortement thérapeutique. Dans un silence assourdissant. Leurs histoires, leurs douleurs, leur parcours de femmes et de mères endeuillées sont en effet rarement mis en lumière. Trois d'entre elles ont accepté de témoigner auprès de Marie Claire. Pour libérer la parole et alléger un peu la solitude de celles et ceux qui se trouvent, ou se trouveront un jour confronté.es à cette situation.

L’IMG, une procédure possible jusqu'au 9ème mois

En France, l'interruption médicale de grossesse (IMG) est pratiquée "après la découverte, chez l'enfant, d’une pathologie d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, nous précise d'emblée Odile Bagot, gynécologue-obstétricienne. Dans ce cas, la demande doit être soumise à un comité d’experts issus d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN)."

Lorsque c'est la santé de la femme enceinte qui est gravement en danger, c’est à un médecin spécialisé en gynécologie-obstétrique exerçant dans un établissement de santé et à une équipe pluridisciplinaire composée d’un gynécologue-obstétricien membre d’un CPDPN, d’un médecin choisi par la mère, d’un assistant social ou psychologue et de praticiens spécialisés dans la pathologie de la femme enceinte, de prendre la décision d'interrompre la grossesse.

"Ce n’était pas la vie que nous voulions offrir à notre enfant."

"Il est parfois difficile de trancher, dans le sens où nous ne savons pas comment vont évoluer certaines pathologies, développe l'experte. C’est une discussion collégiale et nous sommes dans du cas par cas. La décision est ensuite partagée avec les parents. Si le comité se prononce en faveur d’une interruption, les parents peuvent choisir ou non de suivre leur avis. Ce sont eux qui, dans ce cas particulier, prennent la décision finale". Contrairement à une interruption volontaire de grossesse (IVG), une interruption médicale de grossesse peut être pratiquée jusqu’à l'accouchement.

Obtenir des chiffres précis sur l'interruption médicale de grossesse en France n'est pas aisé. Les données émises par La Direction de la recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) et l'Institut National d'Études Démographiques INED) englobent interruption volontaire (IVG) et interruption médicale de grossesse (IMG) sans distinction aucune. En ce qui concerne celles transmises par les CPDPN, il s'agit du nombre d'attestations de particulière gravité autorisant l'IMG délivrées par ces derniers, non du nombre d'IMG effectivement réalisées.

Ainsi, d'après les plus récents chiffres sur le sujet, en 2018, 6 754 femmes se sont vues délivrer une attestation de particulière gravité autorisant l’IMG par un CPDPN après une demande d’IMG pour motif fœtal et 343 attestations ont été délivrées pour motif maternel.

Ne pas mener sa grossesse à terme, une décision en forme de "non choix"

La période entre le diagnostic et la prise de décision a été particulièrement difficile à vivre pour Marie. "J’ai fait un ‘rejet’ de mon fils, confie-t-elle. Je ne voulais plus me regarder dans la glace, je m’habillais et me déshabillais dans le noir, je ne me touchais plus le ventre, je ne voulais pas que mon conjoint le fasse non plus. C’était trop difficile d’encaisser la nouvelle et d’envisager d’arrêter ma grossesse alors que mon fils était toujours là, dans mon ventre."

C’est finalement une rencontre avec une généticienne qui aide les parents à faire ce "non choix" comme le verbalise Marie. "Ce n’était pas la vie que nous voulions offrir à notre enfant et dès le départ nous avons toujours gardé en tête le bien-être de notre fils." 

Pour Coralie, les délais entre le premier diagnostic et l’acceptation de son dossier se révèlent être tristement plus longs : "Les médecins nous ont expliqués qu’il fallait attendre le septième mois pour savoir comment évoluerait concrètement le cerveau dans son intégralité. Entre temps, j’ai passé des examens qui ont révélés de très grosses anomalies."

Je ne voulais plus me regarder dans la glace, (...) je ne me touchais plus le ventre.

Pour elle, ces deux mois d’attente sont terribles. Envahie de tristesse, elle continue de voir son ventre grossir et de sentir son petit garçon bouger. "À force, je n’étais plus la même." Finalement, un neurologue diagnostique un polyhandicap chez leur enfant à naître. "Il nous a dit qu’il ne parlerait et ne marcherait pas, qu’il aurait des difficultés à s’alimenter et que son espérance de vie serait très faible." 

Accoucher sans donner la vie, un traumatisme indicible 

Comment accepter cette réalité absurde, injuste, qui oblige des mères non pas à "donner la vie", mais à "donner la mort", en accouchant d’un enfant mort-né ?

"Quand on ne l’a pas vécu, on ne peut même pas imaginer ce que c’est, prévient Marie. On entre dans une sorte de monde parallèle et on ouvre les yeux sur un tas de choses que l’on ignorait jusque-là, parce que personne n’en parle vraiment."

Autour de l’interruption médicale de grossesse, quelques idées reçues circulent. Sur son site, l’association Petite Émilie, qui accompagne les personnes confrontées à une interruption médicale de grossesse et à un deuil périnatal, explique par exemple que contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, "la césarienne est très rarement utilisée pour un accouchement provoqué afin de préserver l’utérus pour une grossesse ultérieure", et ajoute que celle-ci "ne facilitera pas l’oubli de ce drame." 

48h après la prise d'un anti-progestatif destiné à stopper la grossesse, on administre à la mère des prostaglandines qui vont permettre de déclencher des contractions utérines et la dilatation du col. La mère, sous péridurale, accouche ensuite par voie basse. Aussi, à partir de 22 semaines d'aménorrhée, l’équipe soignante procède à un arrêt du cœur de l’enfant avant l’accouchement. Un moment particulièrement difficile, là encore, pour les parents. 

Marie a dû patienter une journée entre le moment où celui de son fils s’est arrêté de battre et sa mise au monde. "Aussi paradoxal que cela puisse être, j’étais ‘bien’ même si je savais que son cœur ne battait plus, car il était avec moi. À ce moment-là, je ne l’ai pas vécu de manière si traumatisante que je l'aurais pensé, mais avec le recul, je me dis que c’est horrible de m’avoir laissée ainsi", confie-t-elle avec une grande émotion. 

Pour celles qui voudraient malgré tout mener une grossesse à terme malgré une maladie létale qui, fatalement, entraînerait la mort de leur enfant, il est possible de leur procurer des soins palliatifs pour les accompagner dans les meilleures conditions jusqu’à un décès naturel.  

Admises à la maternité, comme n'importe quelle future mère

Pour Coralie, si la douleur physique n’est pas présente grâce à l’anesthésie, "la douleur psychologique, elle, est immense". Elle souligne la "présence", "l’écoute" et la "bienveillance" de l’équipe médicale qui l’entoure en ce jour éprouvant. Ce qui la marque particulièrement : devoir accoucher "à côté des autres salles d’accouchement". Difficile pour la maman d’entendre les bébés des autres crier alors qu’elle n’entendra jamais ceux de son enfant. "Depuis le 5ème mois j’étais conditionnée à ce que ce moment arrive. On m’avait tout expliqué, mais une fois qu’on est dedans, c’est autre chose."

Une interruption médicale de grossesse n’est pas une opération, la maman va accoucher.

La question de faire accoucher ou non les femmes dans le cadre d’une IMG dans un service de maternité se pose, et les avis divergent. Toutefois, l’association Petite Émilie considère que "même s’il semble très douloureux d’être dans un service de maternité et d’entendre les autres bébés pleurer, il s’agit aussi d’une reconnaissance du statut des parents ainsi que de celui de l’enfant."

Une fois l'accouchement terminé, les mères sont généralement hospitalisées dans un service de gynécologie et non d'obstétrique. Un soulagement pour certaines, qui peut être vécu comme un signe de non-reconnaissance de la maternité pour d'autres. "Une interruption médicale de grossesse n’est pas une opération, la maman va accoucher, il est donc important que ce soit des sages-femmes qui s’occupent d’elle, ce qu’elles ne pourraient pas faire si la mère et l’enfant étaient dans un autre service", explique l'association. 

La rencontre avec son enfant, un moment redouté

S’ils le souhaitent, les parents peuvent faire la rencontre de leur enfant défunt et prendre des photos. Un instant très appréhendé,  mais encouragé par les soignants et psychologues. Beaucoup, par réflexe d’auto-protection, redoutent de devoir affronter une image de leur enfant qui ne serait pas celle idéalisée. La vision d’un handicap physique est souvent crainte. Toutefois, les experts s’accordent à dire que choisir de rencontrer son bébé peut finalement leur permettre de se dire qu’ils ont pris la bonne décision et d’avancer dans leur deuil sans exprimer de regrets ou rester dans le fantasme d’un enfant imaginaire.

Les gestes naturels que j'ai eu avec lui m'ont confortés dans l’idée qu’il existait bien et que j’étais sa mère.

"Nous avons fait le choix de le voir après y avoir longuement réfléchi. Il y a eu des périodes pendant lesquelles nous nous sommes dits que nous ne voulions pas, que ce serait trop douloureux. Mais une fois le moment venu, on ne pouvait pas faire autrement", se souvient Coralie.

"J’avais peur de le voir et nous avions demandé à ce qu’il soit bien emmailloté, raconte Marie. Avec son papa, nous avions peur de ne pas savoir comment réagir. J’ai demandé à la sage-femme quand nous allions pouvoir voir notre fils. Elle est revenue avec et, avant même que j’ai pu dire quoi que ce soit, elle me l’a mis dans les bras. J’ai été un peu surprise sur le coup, mais finalement je la remercie infiniment, car elle a été exceptionnelle tout du long dans mon accompagnement. Et si elle ne l’avait pas fait, je n’aurais peut-être pas eu le courage de le prendre. Nous avons donc fait la connaissance de Martin et forcément, c’était un choc. Il était tellement beau, c’était notre bébé ‘parfait’."

Les jours qui suivent, elle revoit son enfant à plusieurs reprises. "J’ai eu des gestes tellement naturels avec lui... Ils m'ont conforté dans l’idée qu’il existait bien et que j’étais sa mère. Cette courte période a été très importante pour moi. C’était à la fois la plus belle, mais aussi la plus douloureuse, car à un moment il a fallu lui dire au revoir."

À la sortie de l’hôpital, les parents peuvent organiser des obsèques eux-mêmes pour leur enfant. Le cas échéant, c’est l’établissement hospitalier qui se charge de son inhumation ou de sa crémation. À partir de 15 semaines d’aménorrhée, il est possible de déclarer l’enfant à l’état-civil et de l’inscrire sur le livret de famille. Un acte d’enfant sans vie leur est également remis. Une reconnaissance nécessaire. "Les parents se battent pour que leurs enfants soient reconnus aux yeux de leur entourage, mais aussi de la société", précise Marie.

Briser le silence autour du deuil périnatal

Parmi toutes les étapes qui cheminent une interruption médicale de grossesse, vient forcément celle de "l’après" et du deuil périnatal.

Un soutien psychologique est proposé lors de l’hospitalisation. Ensuite, à chacune de se débrouiller comme elle le peut. Un "abandon" que regrettent nos deux témoins. "Il n’y aucune prise en charge ou suivi, s’indigne Marie. On ne m’a même pas prescrit de rééducation périnéale. J’ai dû moi-même prendre contact avec une sage-femme !"

Pour avancer, Coralie se tourne vers des forums en ligne d’associations et groupes de discussion pour "paranges" (nom donné aux parents qui ont perdu un enfant, ndlr). "Avant même de prendre la décision de faire une IMG, je m’étais déjà inscrite sur le forum de l’association Petite Emilie, explique-t-elle. Cela m’avait fait du bien de discuter avec des personnes qui avaient vécu cette épreuve et me comprenaient. J’ai continué à y aller après l’accouchement. J’avais l’impression que je pouvais vraiment me confier."

À l’époque, elle peine à échanger avec son conjoint, "qui lui ne l’a pas du tout vécu de la même façon." Pas réellement surprise, elle se rend compte que ce dernier prend plus de distance avec l'événement. "Il a eu de la peine, mais après il est vite passé à autre chose, il a voulu aller de l’avant. Je n’avais pas l’écoute que j’espérais de sa part, pour autant ça nous a pas éloigné. Il n’était juste pas la bonne personne pour me confier, voilà tout."

On ne prend pas cette décision parce qu’on n’a pas l’enfant parfait que l’on imaginait.

L’entourage proche n'est pas toujours "l'épaule" sur laquelle pleurer. Aussi compatissants soient-ils, la famille et les amis entretiennent malgré eux un véritable "tabou" autour de l’IMG. "Ils ne savent pas comment aborder le sujet, ont toujours peur de nous blesser, de ne pas dire ce qu’il faut, d’être maladroits", se souvient Coralie. Et à ceux qui pensent réconforter les parents en disant "qu’il y en aura d’autres" ou "qu’il vaut mieux que ça arrive maintenant que plus tard", que la peine est moindre lorsque l’on n’a pas connu son enfant, Marie répond, hélas, que "non, la douleur ne se quantifie pas" et qu’il a existé, aussi courte fut sa vie.

La jeune femme reconnaît avoir pu réellement se reconstruire grâce à l’aide qu’elle a reçu de la part d’une pédopsychiatre et de groupes de parole avec d’autres mamanges. "Aujourd’hui, j’ai envie de redonner tout ce qu’on m’a donné. Au moment où j’ai vécu tout cela, j’avais l’impression que nous étions extrêmement seuls et les premiers à qui cela arrivait. Mais ce n’est pas vrai."

Que soient mis des mots sur ces maux que sont l’interruption médicale de grossesse, la fausse couche, la mort fœtal in utero et le deuil périnatal : c’est ce que souhaite Marie en témoignant aujourd'hui. "La maternité, ce n’est pas que tout beau et tout rose. On ne devient pas mère le jour où on accouche, on le devient quand on a un projet d’enfant." "Ce sont des épreuves douloureuses que l’on n’a pas envie d’évoquer, mais il faut savoir que ça peut arriver à n’importe qui, n’importe quand, à n’importe quel âge, ajoute Coralie. En parler m’a vraiment aidé à faire mon deuil, et quelque part je le faisais exister ainsi. Ce n’est pas une maladie et il ne faut pas en avoir honte. Je vois beaucoup de mamans sur le forum qui vont très mal, même des mois après. Elles ne se sentent pas assez soutenues, ont du mal à relever la tête."

La nécessaire déculpabilisation autour de l’interruption thérapeutique

Un autre sentiment habite souvent les parents ayant eu à vivre un tel drame : celui de la culpabilité. Un "fardeau" que certains porteront pour toujours. 

"Quand ça nous tombe dessus, on se dit qu’on n’a pas été capable de protéger son enfant, même si au fond nous n’y sommes pour rien, confie Marie. En tant que parents, on aura beau faire quoi que ce soit, dès qu’il leur arrive quelque chose on se sent coupables. Cette décision est la plus difficile au monde et même si on est en 'paix' avec elle, on la portera toute notre vie. J’aimerais me réveiller le matin en me disant que tout ça n’a pas existé. J'aime Martin autant que j'aime Arno, mon second fils. Dans mon cœur de maman j'ai bien deux enfants, même si je n'en ai qu'un dans les bras."

Ce qui peut aider les parents ? "Leur donner accès à toutes les informations de la manière la plus honnête et bienveillante possible pour faire leur choix en toute connaissance de cause, préconise Odile Bagot. Au final, celui qu’ils feront sera le bon et il y aura moins de culpabilité par la suite s’ils sont suffisamment accompagnés et soutenus dans cette épreuve difficile."

Dans mon cœur de maman j'ai bien deux enfants, même si je n'en ai qu'un dans les bras.

Marie tient aussi à rappeler que "la décision n’appartient qu’aux parents et que personne ne devrait les juger. On peut être d’accord ou non mais en aucun cas, il faut se dire que c’est un choix de facilité. On ne prend pas cette décision parce qu’on n’a pas l’enfant parfait que l’on imaginait, ce n’est pas du tout ça. Derrière une maladie, il peut y avoir beaucoup de choses." "Je n’aurais pas pu mettre au monde un enfant qui soit mal et s’en aille au bout de 5 ans, abonde Coralie. C’était égoïste de le laisser vivre, autant pour nous que pour lui." 

Toutes deux soulignent enfin que la place des conjoint.es ne doit pas non plus être mise de côté dans cette épreuve. "Eux aussi souffrent, souligne Marie. Ils ne vivent pas ce drame de la même façon, mais eux aussi sont balayés par la douleur. La leur, mais aussi celle de leur compagne. Mon conjoint a été exceptionnel tout du long, il a été mon pilier et je ne serais pas celle que je suis aujourd'hui sans lui, même si nos chemins de reconstruction ont été différents."

Quand l’interruption médicale de grossesse est refusée

Si Marie et Coralie ont vu leur demande d'avortement thérapeutique être acceptée, ce n'est pas le cas de toutes les familles. En 2018, 117 parents se sont ainsi vu opposer un refus. 

Le refus de délivrance d'une autorisation de cet acte "correspond à la situation où une femme ou un couple a fait une demande d'IMG alors que l'attestation de particulière gravité n'a pas été délivrée car l'examen du dossier par l'équipe pluridisciplinaire à ce moment de la grossesse n'a pas permis de conclure qu'il existait une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité considérée comme incurable au moment du diagnostic", précise l’agence de biomédecine.

Une expérience vécue il y a quelques années par Anna**.

"J'ai dû interrompre une grossesse via un circuit IVG, car nous avons découvert que mon enfant était pourvu d’une fente labio-palatine bilatérale lors de l'échographie du premier trimestre. Le médecin du CPDPN qui m'a reçue m'a clairement dit que je n'aurais pas droit l'IMG pour ce type de malformation. Je ne voulais pas attendre, attendre que les médecins se réunissent en commission pour me refuser l'IMG, dépendre de leur bonne volonté et voir mon ventre s'arrondir à la vue de tous. Certes, c'est opérable, mais dans le cas d'une fente portant sur le palais et la lèvre, bilatérale de surcroit, les opérations sont multiples durant toute l'enfance. Il ne s'agit pas que d'un simple problème esthétique. Il peut y avoir des complications, des problèmes divers, de surdité, d'oralité et d'orthophonie grave. De plus, 30% des fentes ne sont pas isolées et font partie d'environ 300 syndromes. Le risque est non négligeable et ma grossesse était peu avancée. De plus, il y avait aussi une suspicion de microphtalmie.

Je suis retombée enceinte quelque temps plus tard. Malheureusement, des anomalies ont à nouveau été découvertes cette fois-ci à l'échographie du troisième trimestre de grossesse. Avec mon conjoint, nous avons immédiatement pensé que nous étions peut-être porteurs sains d'une maladie génétique étant donné la grossesse précédente et avons parlé d'IMG aux médecins du même CPDPN dans lequel j'ai à nouveau été envoyée. Le même médecin que pour ma grossesse précédente a balayé l'idée de l'IMG, a dit que nous n'y connaissions rien, n'a pas voulu prendre en compte la grossesse précédente et les dysmorphies faciales visibles à l'échographie 3D et les autres anomalies. Il nous a dit que les chances qu'il y ait un problème se comptaient sur les doigts d'une main, qu'il voyait 4 ou 5 cas comme nous par an et que tout allait bien. Il nous a rassurés, à notre grand étonnement. 

On nous a laissé repartir de la maternité comme si de rien n'était, malgré des anomalies physiques évidentes.

J'ai fait une amniocentèse qui n'a rien révélé, car les tests génétiques réalisés en général lors des amniocentèses en France ne permettent pas d'identifier des gènes défaillants (sauf cas particulier visible à l'ACPA ou caryotype), ce qui était pourtant le plus probable dans notre cas étant donné la grossesse précédente. On ne nous a jamais proposé de voir un généticien. Je passe les détails de ma prise en charge au sein de ce CPDPN... J'ai donc accouché de mon enfant dans ce même hôpital. On nous a laissé repartir de la maternité comme si de rien n'était, malgré des anomalies physiques évidentes."

Quelques semaines plus tard, Anna et son conjoint ont découvert que leur enfant était atteint d'un grave syndrome génétique dont ils sont porteurs, et qui explique les malformations de la grossesse interrompue. "Nous avons donc 1 chance sur 4 d'avoir un enfant atteint à chaque grossesse", ajoute-t-elle. Face aux conséquences "trop douloureuses" de cette expérience, Anna n'a pas souhaité s'exprimer davantage.

* Le prénom a été modifié.
** Le prénom a été modifié.

Lectures conseillées : Ma petite plume. Vivre et surmonter une interruption médicale de grossesse de Julie de Troy Lecante. Disponible sur Amazon et Place des Libraires.
Ces bébés passés sous silence de Frédérique Authier-Roux. Disponible sur Amazon et Place des Libraires.

Article initialement publié en décembre 2020 sur marieclaire.fr.