On soupçonne que l’usage massif du glyphosate, un « herbicide total », soit une des causes de la disparation de 80% de la biomasse. Pourtant, c’est la seule substance classée cancérogène probable par l’OMS encore autorisée en France et en Europe. Emmanuel Macron avait promis qu’il l’interdirait. Cette promesse n’a pas été concrétisée et le 29 mai dernier lors du vote à l’Assemblée nationale, les rares députés présents (85) n’ont pas inscrit la sortie du glyphosate dans le projet de Loi sur l’Agriculture et l’Alimentation. Un scandale pour Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, ex-ministre de l’Ecologie, et présidente de Génération Ecologie. Elle dénonce non seulement le peu d’implication des politiques mais aussi le poids des lobbys de l’agrochimie. En effet, grâce à un lanceur d’alerte, elle a découvert que son amendement pour l’interdiction du glyphosate avait fuité et était entre les mains de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), dont font partie Monsanto et Bayer avant qu’il ne soit rendu public quatre jours plus tard. Elle a demandé qu’une enquête soit menée et ne lâche pas la pression pour que ce pesticide dangereux pour notre santé soit enfin interdit.

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Vous affirmez que les lobbies de l’agrochimie ont été pris en flagrant délit d’ingérence en disposant de votre amendement sur le glyphosate avant qu’il ne soit officiellement porté à la connaissance des députés…

En effet, j'ai découvert un argumentaire de l'UIPP (autrement dit les fabricants de pesticides), qui est basé sur une version de mon amendement interdisant le glyphosate telle qu'elle a été enregistrée dans la base de donnée interne à l'Assemblée nationale, à un stade des procédures où ces amendements ne sont pas publics. Cette version était différente de la version finale de cet amendement, rendue publique plus de 90h plus tard sur le site internet de l'Assemblée nationale. C'est assez troublant. Cela prouve que l'interférence des lobbies dans la démocratie n'est pas un fantasme ! On a là un fait matériel qui montre une de leur façon d'agir mais ce n'est pas la seule.

Pourquoi le glyphosate est-il dangereux ?

Le glyphosate est un pesticide. C’est un produit qui détruit tous les végétaux. On appelle ça un « herbicide total ». C’est le plus utilisé en France : 9.000 tonnes par an environ. Massivement utilisé, c’est la substance qu’on retrouve en premier dans nos cours d’eau. A peu près 90% de nos rivières sont polluées par les pesticides. Et quand on recherche les substances nocives, le glyphosate est celle qui sort en premier.

Nous sommes donc tous concernés…
Oui. En février 2017, l’association Générations futures a procédé à des analyses de résidus de pesticides dans les cheveux de personnalités du monde de l’écologie. J’avais participé à cette enquête et on avait trouvé du glyphosate dans mes cheveux.

C’est inquiétant…

En fait, en mars 2015, ce produit a été classé comme cancérogène probable pour l’homme par le CIRC (le Centre International de Recherches sur le Cancer), un organisme de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). En Europe, donc en France aussi, quand un pesticide est classé cancérogène probable pour l’homme, il doit être immédiatement interdit. Mais depuis 2015 les firmes qui fabriquent le glyphosate, dont le célèbre Monsanto, contestent ce classement. Ils ont même pour cela organisé une grande falsification scientifique. L’agence européenne qui devait évaluer le produit et prendre une décision, a contesté la décision du CIRC. Il s’avère qu’une enquête menée par des journalistes a démontré que le rapport réalisé par cette agence était un copier/coller intégral d’un rapport écrit par Monsanto ! On est face à un problème de santé publique et à un grave problème démocratique quand on voit le poids des lobbies dans les décisions publiques.

Non seulement Emmanuel Macron avait promis l’interdiction du glyphosate, mais lors du vote le 29 mai dernier du projet de loi sur l’agriculture et l’Alimentation, où devait être votée la sortie du glyphosate, seuls 85 députés étaient présents…

C’est très significatif. D’un côté, le gouvernement et la majorité parlementaire ne mettent pas en œuvre l’engagement pris par le Président de la République, et de l’autre, tous les partis politiques s’avèrent incapables de se mobiliser quand il y a un débat parlementaire sur un sujet aussi important. Même les forces politiques qui prétendent avoir fait leur mutation écologique étaient absentes.

Pourquoi sommes-nous si peu écolos en France ?

Je crois qu’il y a un grand décalage aujourd’hui entre l’aspiration de beaucoup de citoyens, et en particulier les femmes, à une alimentation saine, à la protection des enfants des perturbateurs endocriniens, à l’élimination de toutes ces substances cancérogènes, et le système politique actuel. Quelque chose est en train de bouger en profondeur dans la société en faveur de l’écologie qui ne se retrouve pas dans le paysage politique.

Comment agir en tant que citoyenne ?

Il faut aller au delà des pétitions. Il faut organiser un rapport de force dans la société civile. Beaucoup d’ONG sont en train de préparer des initiatives. Agir aussi en politique, c’est le sens de ma démarche. Et puis, il y aura la mobilisation des victimes des produits pesticides. Si l’Etat et le Parlement refusent de prendre des décisions, c’est devant la justice que cela va se passer.