L’histoire de Moschino, c’est d’abord celle d’un artiste. Né en 1950 dans la petite ville de Abbiategrasso en Lombardie, le jeune Franco Moschino se rêve peintre lorsqu’il intègre la prestigieuse académie des Beaux Arts de Milan, alors qu’il a seulement 17 ans.

Mais pour financer sa scolarité, il se fera d’abord illustrateur pour des magazines puis, en 1971, collaborateur de l’iconique Gianni Versace. La mode allait finir par le rattraper. Après quelques collections dessinées pour la marque Cadette, il se lance en 1983 dans sa propre aventure et créée sa marque éponyme : Moschino était né.

De Franco à Moschino

D’emblée, sa première collection femme est un succès. Bariolés, opulents, extravagants, ses vêtements déconstruisent avec ironie et créativité les codes d’une industrie du luxe peinant à se réinventer, sur fond d’années 80 frondeuses et décomplexées.

Une vision de la mode que le créateur décline rapidement sur un mode masculin, avec la ligne hommes en 1985, et accessible à tous, avec Moschino Jeans l’année suivante (rebaptisée Love Moschino en 2008 ndlr). En 1989 c’est au tour de Moschino Cheap and Chic de voir le jour.

Être à la mode, c'est être conscient du mal qui peut être fait à la nature. La nature vaut bien mieux que la couture

S’en suivent des ouvertures de boutiques en Italie, le lancement du premier parfum de la marque mais aussi des campagnes de publicité provocantes, sensibilisant sur les dangers de la consommation de drogue, de la violence… ou encore sur l'écologie.

"Être à la mode, c'est être conscient du mal qui peut être fait à la nature. La nature vaut bien mieux que la couture" disait-il, bien avant qu’il soit question de seconde industrie polluante du monde. Un créateur engagé donc, mais qui n’en restait pas moins festif comme en témoignent ses shows qui mêlaient avec fraîcheur humour et couture.

Vidéo du jour

Mannequins défilant sur les genoux ou portés par des gladiateurs, silhouettes aux allures de tableaux vivants : Franco Moschino renouvelle le genre avec fantaisie, tout en critiquant la société avec ironie. Mais en 1994, le facétieux couturier meurt précocement à l'âge de 44 ans, laissant sa maison de couture orpheline.

C’est son bras droit, Rosella Jardini qui reprendra les rênes et qui contribuera, elle aussi, à en faire un empire, entre inauguration de flagships, diversification (eyewear, enfants, bijoux…) ou encore conception des tenues de concerts des Lady Gaga et autres Madonna. Américain formé à Paris, Jeremy Scott prend la tête de la direction artistique de Moschino en 2013 et en profite pour accentuer l’ADN second degré de la marque à grands renforts de culture pop.

L’art de rire et de vêtir

Parodie de tailleurs Chanel, profusion d’imprimés fruits, cœur, pois ou encore Arlequin, chefs d'œuvre du Pop Art détournés, color-block saturés et accessoires délirants : s’il y a bien un mot qui définit le style Moschino, c’est certainement l’humour.

À contre-courants des injonctions à l’élégance bourgeoise, la maison italienne fait du fun sa marque de fabrique et du détournement un art à part entière. Une ligne de conduite que poursuivra avec virtuosité Jeremy Scott qui dès sa première collection s’inspire d’objets modeux non identifiés comme McDonalds et Bob l’éponge, n’hésitant pas à travestir le fameux M de Moschino des couleurs de la célèbre chaîne de fast-food. Mais ce n’est pas tout.

Au gré de ses collections, Jeremy Scott propulsera sur les podiums milanais tout ce qui lui passe sous la main : canettes de soda, emballages alimentaires, boîtes de médicaments, panneaux de signalisation, sacs poubelle ou encore poupées de papier, auxquels il incorpore de fortes références street comme le graffiti et le sportswear. Fin 2020, la marque va même jusqu’à lancer un nouveau sac ressemblant à s’y méprendre à une authentique baguette de pain.

Ou quand le luxe s’empare de la rue… et des halles de supermarchés ! Un mélange des genres extravagant devenu aujourd’hui signature, qui n’est pourtant pas pour plaire aux orthodoxes d’une mode plus austère, certains n’hésitant pas à railler la marque sur les réseaux sociaux.

Qu’à cela ne tienne, les ventes sont (encore et toujours) au rendez-vous et, en 35 ans, la marque n’a pas pris une ride. À croire que le rire reste le secret de longévité le mieux gardé.