"Tous les entretiens ont été réalisés avant le mois d'août 2022." En introduction, cette phrase sur écran noir. Comme pour devancer les critiques quant à la mise en ligne sur Netflix de la première partie en trois épisodes de cette mini-série-documentaire, Harry et Meghan, ce jeudi 8 décembre 2022, soit, trois mois jour pour jour après la disparition de la reine Elizabeth II.

"La famille royale s'est refusée à tout commentaire sur le documentaire", lit-on encore, et avec une certaine pression, comme si notre ordinateur s'apprêtait à nous confier un document secret-défense.

Un ton semi-confidentiel semi-grave dans un cadre sombre, et puis, rapidement, la décontraction aux premières images. Harry et Meghan Markle se filment chacun en selfie, à la verticale, comme s'ils nous avaient envoyé une story sur Instagram, en cochant l'option "amis proches".

Ils capturent leur ressenti début 2020, alors qu'ils viennent d'en finir avec leurs obligations royales. "Ça paraît irréel. (...) Depuis trois ans je fais face à un déchaînement de haine, qui vise mon épouse et mon fils. J'ai peur pour leur sécurité", confie le prince désormais installé en Californie. De son côté, l'ancienne actrice, serviette de bain sur la tête, avoue : "J'ai vraiment hâte de passer à autre chose."

La raison de ce documentaire

Le générique n'est pas encore lancé que le couple évoque déjà leur rancœur et leur colère envers les titres de presse à scandale, qui "ne défendent rien de particulier", mais voulaient "juste [les] détruire", résume Meghan Markle.

En tant que membre de la famille royale, j'estime qu'il est de mon devoir de dévoiler l'exploitation et la corruption qui gangrènent nos médias.

Vidéo du jour

"En tant que membre de la famille royale, j'estime qu'il est de mon devoir de dévoiler l'exploitation et la corruption qui gangrènent nos médias", tease encore le père de Lilibet et Archie. Ceux-là apparaissent dès le générique qui se lance alors, et mêle des photos des ex-Sussex enfants, avec leurs parents, à nouveaux souvenirs, aujourd'hui père et mère à leur tour.

L'ex-star de la série Suits explique qu'elle n'est pas à l'aise avec l'idée de se livrer face caméra, mais qu'elle a saisi l'occasion de raconter "sa propre histoire" à travers cette série-documentaire, car il lui est douloureux, insupportable, que l'opinion se méprenne sur son compte, à cause des tabloïds qui ont attisé la haine à son encontre.

Le prince libéré précise que c'est un ami qui leur a conseillé d'entreprendre ce projet, pour répondre à toutes les fausses informations qui circulaient sur eux et leur départ de la Couronne. Cette série-documentaire, dit-il, représente "une sorte de journal intime filmé". 

Harry et Meghan : la rencontre et les premiers instants

"C'est une belle histoire d'amour, et le plus fou, c'est qu'à mon avis, elle ne fait que commencer", lâche Harry, épris de son épouse. "Meghan a tout sacrifié, y compris sa liberté pour intégrer mon monde, reconnaît-il. Peu de temps après, j'ai décidé de tout sacrifier, pour vivre dans son monde à elle."

Je crois que les membres de ma famille, en partie les hommes, peuvent (...) se sentir obligés d'épouser une personne capable de se fondre dans le moule, au lieu de choisir quelqu'un qu'ils aiment vraiment.

Les interviewés rembobinent jusqu'à leur rencontre. Juillet 2016, à Londres, où Meghan, fraîchement célibataire, voyageait pour "pour profiter de sa liberté au maximum", dixit l'une de ses amies interrogée.

"On s'est rencontré grâce à Instagram, je scrollais sur mon fil, quand j'ai vu passer une vidéo d'elle sur le compte d'une amie commune, avec un étrange filtre", se remémore le prince, surprenant alors le spectateur, qui s'imaginait peut-être des prémices plus romanesques... Harry et Meghan, résolument modernes.

"Avec un museau et des oreilles de chiens, ridicule", ajoute sa femme, amusée. Celle-ci assure qu'après avoir reçu un message privé de Harry sur ce même réseau social , elle ne l'a pas "googlisé", mais a seulement tenté de l'analyser à travers les clichés de ses voyages qu'il publiait sur Instagram.

Les amoureux décrivent ensuite leur stress avant leur premier rencard, et l'appel de Meghan à son flirt, juste après. "Je l'ai rappelé dans la soirée et je lui ai dit : 'Je pars après-demain, on pourrait dîner ensemble demain soir ?' Il a dû me trouver très entreprenante et très Américaine. D'ailleurs c'est ce qu'il m'a dit je crois", rit-elle.

Puis elle nous révèle qu'Harry avait rédigé une "longue liste" des qualités qu'il cherchait chez une femme. "Sans commentaire, je ne vous dirais rien", interrompt le concerné, avant de montrer son épouse : "Là-voilà ma liste". Le couple terrible de la Couronne compte bien montrer qu'il est, plus que jamais, un tandem soudé après les épreuves, aligné dans ses choix, indissociable. Presque imperturbable aujourd'hui, après la tempête.

Diana et Meghan, destins liés pour Harry

La surprise de ce premier épisode, c'est la place accordée à Diana Spencer. Centrale, omniprésente. Pas seulement dans les sous-entendus et les comparaisons. Dans les images d'archives aussi, le regard vitreux de son cadet.

"Je crois que les membres de ma famille, en partie les hommes, peuvent avoir la tentation ou se sentir obligés d'épouser une personne capable de se fondre dans le moule, au lieu de choisir quelqu'un qu'ils aiment vraiment. Ils prennent leur décision en écoutant leur raison plutôt que leur cœur. (...) Ma mère a pris la plupart de ses décisions, si ce n'est toutes, avec le cœur. Et je suis le digne fils de ma mère", lâche-t-il, dans un sourire ému.

J'ai vu constamment les larmes couler sur les joues de ma mère.

Les archives familiales défilent, et les paparrazi sont toujours là, dans un coin de l'écran. "Ne réagissez pas. Ne leur donnez pas ce qu'ils veulent" : voilà le conseil qu'Harry entendait, en boucle, dans son enfance.

"On était constamment soumis à la pression de l'opinion, avec toutes les tensions, le stress, les larmes que ça implique. Et j'ai été témoin de tout ça, se remémore-t-il, le cœur lourd. J'ai vu constamment les larmes couler sur les joues de ma mère. Et je suppose que c'est dans ces moments-là que je me suis posé des questions sur qui j'étais et ma famille."

Tandis que des extraits de l'interview tristement célèbre de Diana sur la BBC s'affichent à l'écran, son enfant résume : "Je pense que ma mère a toujours eu du mal à s'adapter à cette vie-là." 

Meghan n'apparaît pas durant cette longue séquence de la princesse disparue. Seul face à la caméra, son époux honore la mémoire de sa mère. Et raconte le mal-être de cette dernière, qu'il ressentait, enfant. "J'ai vu beaucoup de choses et j'ai beaucoup appris. J'ai été témoin des souffrances qu'enduraient les femmes qui épousaient les hommes de ma famille." Mystérieux pluriel qui ne devrait pas plaire au prince-héritier, son grand-frère William.

Meghan a beaucoup de points communs avec ma mère.

Le plus jeune fils du nouveau roi Charles III l'assure : "Meghan a beaucoup de points communs avec ma mère. Elle a la même compassion, la même empathie, la même assurance", énumère-t-il, alors que son épouse montre à leur fille Lilibet dans ses bras un portrait en noir et blanc de la princesse des cœurs, accroché à leur mur. "Bonjour grand-mère", salue l'ancienne duchesse.

Sur ces images des obsèques de Diana qui ont fait le tour du monde, Harry confie avoir souffert d'avoir dû endosser à cette époque (et tout au long de sa vie ?) un "double costume", selon son expression : celui l'enfant endeuillé en privé, du prince qui ne devait pas montrer ses émotions en public.

"Il fallait que je protège ma famille, par tous les moyens. Surtout vu ce qui est arrivé à ma mère. Je ne voulais pas que l'histoire se répète", conclue-t-il, déplorant que certains n'aient pas compris son choix de rupture avec ses titres royaux.

Ce premier épisode ne déçoit pas, sans, pour l'heure, surprendre véritablement. S'il doit assurément secouer Buckingham Palace, il plonge en 56 minutes le spectateur dans les réflexions du couple, profondes. Et sincères. C'est ce que l'on ressent à la fin de ce visionnage. Au grand dam de leurs détracteurs qui pointent dès qu'ils le peuvent leur manque de sincérité.