C'est peut-être ce qu'elle a toujours aimé faire : concevoir des films en défiant le regard de ses contemporain·es, bousculer les lignes de leurs représentations féminines, sexuelles et masculines – car lorsque la cinéaste, qui fit tourner Rocco Siffredi, filme un homme qui se déshabille (ici Olivier Rabourdin), ça vaut le coup d'œil. Dans ce film boudé par le palmarès au dernier Festival de Cannes pour des raisons évidentes d'insituabilité morale, tous les corps sont beaux. Les jeunes, les maladroits, les ridés.

Et tous vont être plongés dans un grand bain de désirs et de tourments qui défient les règles sociales et enrayent le curseur #MeToo. Que raconte L'Été dernier ? Un inceste et un abus, celui d'une avocate quadra (spécialisée en droit de l'enfance) sur son beau-fils de 17 ans, parachuté dans le pavillon qu'elle habite avec son mari et ses deux filles adoptées.

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Mais que relate-t-il encore ? Une histoire d'attraction, de peaux, de nœuds psychanalytiques emmêlés ; l'histoire de deux êtres qui reprennent vie l'un au contact de l'autre.

Transgression, mensonge et petites lâchetés

Dans une mise en scène stupéfiante de précision (et de duplicité) belle à tomber, Catherine Breillat choisit de ne pas choisir son camp concernant l'acte lui-même tout en nommant les choses – comme si les questions morales incombaient à ses personnages.

Elle n'éclipse pas la gravité des faits, désigne les petites et grosses lâchetés de son personnage principal (Léa Drucker, bouleversante) mais rabat l'intrigue sur l'autre thème qui titille son cinéma : l'ordre bourgeois lorsqu'il est traversé par une force qui le met en péril, avant de redresser la barre. Et tant pis pour les pots cassés, la jeunesse sacrifiée. Voilà la vraie cruauté de cette prédatrice incarnée par Léa Drucker, dont la faute semble moins, selon la réalisatrice, dans la transgression sexuelle que dans la préservation par le mensonge de son mariage.

Diaboliquement intelligent, et un peu schizophrène, L'Été dernier est aussi très émouvant. Le personnage de Théo est une victime (Samuel Kircher, solaire), mais chacun est renvoyé à ses failles, à cette course qui entraîne parfois l'être humain vers le vide, l'abandon, et la mort qui est peut-être la clé cachée de cette ultime scène sexuelle entre deux amants statufiés.

L'Été dernier, avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin...