"Connasse", "Potiche", "Salope". À peine le générique passé, les injures sexistes pleuvent, lues par celles à qui elles sont adressées. La cause de ce déferlement de violence verbale ? Être une femme qui aime et qui parle de sport dans les médias. 

Le documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, réalisé par la journaliste Marie Portolano et Guillaume Priou, rédacteur en chef de l’émission Sport Reporter (Canal+), et diffusé sur la chaîne cryptée ce dimanche 21 mars à 18h05, nous offre une plongée dans le quotidien des femmes, de plusieurs générations, qui ont choisi comme métier le journalisme sportif.

"J'ai tenu à aller voir essentiellement des présentatrices, des journalistes qui apparaissent à l'écran, pour la simple et bonne raison que la lumière protège les personnes qui parlent. Nous on a un micro pour pouvoir parler du mal-être au travail", explique Marie Portolano dans la vidéo de lancement. On retrouve Nathalie Ianetta, Isabelle Ithurburu, Estelle Denis mais aussi Cécile Grès, Amaïa Cazenave, Clémentine Sarlat, Vanessa Le Moigne ou encore Mary Patrux. En tous, elles sont presque une trentaine à s'être livrées sur les difficultés d'être une femme journaliste dans le sport, et ce dans tous les médias (radio, télévision, presse écrite). 

Harcèlement, menaces, contrainte

Leurs histoires sont toutes différentes, mais racontent une même réalité : celle de femmes considérées comme des “objets sexuels consommables et disponibles”, car évoluant dans un milieu traditionnellement masculin et misogyne. 

Sans spoiler le contenu du documentaire à la fois intime et engagé, il en ressort que toutes les protagonistes ont connu une ou plusieurs situations de malaise, voire de peur, du fait d’être une femme dans le milieu du journalisme sportif, que ce soit au sein des rédactions ou via les réseaux sociaux. Toutes confient des anecdotes, qui vont des blagues graveleuses et gênantes à des cas de séquestrations ou de menaces de viol et de mort. 

Parfois en colère, d’autres fois à fleur de peau, elles témoignent auprès de leur consoeur Marie Portolano qui est ici juge et partie, puisqu’elle a elle-même subi des flots d’insultes et de menaces, lorsqu’elle faisait partie de l’équipe du Canal Football Club, ou plus récemment du Canal Sport Club

Syndrome de l’imposteur et hypersexualisation

Au-delà des récits, le documentaire questionne les ressentis de ces femmes qui témoignent d’un sentiment d’imposture extrêmement fort, du fait de leur genre. Un sentiment induit dans un milieu - le sport - où on leur a souvent fait comprendre qu’elle prenait la place d’un autre. "T'es hyper compétente, je ne dis pas le contraire, mais t'as été prise parce que t'es une fille", s'est ainsi entendu dire Cécile Grès, journaliste à France TV, dans le domaine du rugby. 

Marie Portolano et Guillaume Priou soulèvent alors tout un tas de questions : faut-il imposer des quotas ? Comment faire taire cette petite voix qui nous dit que l’on est pas à sa place ? Pourquoi les femmes en plateau d’émission de sport ont longtemps été reléguées au rang de potiche ? Peut-on cesser de parler de leur charme ou de leur partenaire et nous concentrer sur leurs compétences ? Évidemment pour les réponses, je vous laisse vous plonger dans ce documentaire. 

Une prise de parole nécessaire 

Ce qui rassemble toutes ces journalistes vraiment, au fond, c’est l’urgence de pouvoir parler. Témoigner, partager et apporter des pistes concrètes pour voir enfin changer les choses et en finir avec cette ambiance délétère. 

Alors que le milieu du journalisme sportif semble avoir commencé sa mue avec l’arrivée, depuis quelques années, de jeunes qui n’adhèrent pas à l’ambiance Boys Club, la parole reste muselée. Et les responsables de ces agissements sont souvent toujours en poste. Preuve en est, les déclarations de Clémentine Sarlat dans L’Equipe l’an dernier, à propos du harcèlement moral qu’elle a subi à France Télévisions, ont eu l'effet d’une bombe, et ont amené à trois licenciements. 

Le documentaire marque ainsi un nouveau pas en avant, pour libérer la parole de ces femmes, jugées uniquement sur leur genre. Et pour aussi montrer aux jeunes filles qu’il est possible de travailler dans le journalisme sportif quand on est une femme. Et heureusement. 

A VOIR : "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste" de Marie Portolano et Guillaume Priou, sur Canal+ dimanche 21 mars à 18h05 et disponible ensuite sur la plateforme de replay de la chaîne