Comment développer son intuition ?

Par Claire Dhouailly
Publié le
développer son intuition
Si cette petite voix intérieure a pu nous aider dans de nombreuses situations, il est possible de la rendre plus audible encore dans notre quotidien. Explications et conseils de pros.

Qui ne s'est jamais dit : "Je le savais, j'aurais dû écouter mon intuition" ? Cette certitude intérieure qui nous guide face à des choix, des décisions, tout le monde peut y avoir accès. Il n'est pas question ici de pouvoir surnaturel mais d'écoute de soi.

Le Larousse donne de l'intuition cette définition : "Connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l'expérience."

L'intuition est indissociable de cet aspect spontané et rapide ; dès lors que l'on commence à raisonner, on se coupe de ce ressenti profond qui nous dit : cette personne, je ne sais pas pourquoi, je ne la sens pas. Ou bien : je ne devrais pas m'engager dans ce projet même s'il semble solide... Pour Gerd Gigerenzer, psychologue allemand et directeur émérite de l'Institut Max Planck, "l'intuition est la plus haute forme d'intelligence".

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"C'est comme un sixième sens qui fait la synthèse de tous les autres. Nous naissons tous avec de l'intuition, elle fait partie intégrante du processus de survie de l'espèce humaine. Intuition et logique sont liées, comme l'inspire et l'expire", résume Victoria Pellé Reimers, fondatrice d'Intuition Open Source, société qui propose conférences, ateliers et coaching, autrice de Tous intuitifs ! L'intuition, l'âme de la performance (Éd. Mardaga).

Identifier son ressenti

Souvent considéré comme mystérieux, ce phénomène livre progressivement ses secrets grâce aux neurosciences. "Depuis vingt-cinq ans, des études ont été menées par des chercheurs partout dans le monde, même en France, avec l'équipe du CNRS de Marseille. Cela apporte un éclairage qui permet de passer d'une sorte de mythe à quelque chose que nous pouvons observer et qui compose l'intelligence humaine", indique la spécialiste.

Hyper intuitive (elle livre son expérience dans La Voix qui m'aime (Éd. Aluna) ), Victoria Pellé Reimers a travaillé, avec des chercheurs, à structurer l'idée d'intuition, son mécanisme, et fait émerger quatre registres où elle se manifeste : contextuelle (facilité à la prise de décisions), relationnelle (clarté du ressenti dans les relations aux autres), spirituelle-personnelle (on se sent guidé·e dans les choses importantes de notre vie), visionnaire (perception de ce qui se présente, va arriver).

Cela permet de gagner du temps, de se fier à ce que l'on ressent mais surtout on gagne en rayonnement.

Ce découpage permet de comprendre que l'on est très souvent intuitif dans certains domaines et moins dans d'autres.

Quel intérêt y a-t-il à développer le registre qui est le nôtre ? "Cela permet de gagner du temps, de se fier à ce que l'on ressent mais surtout on gagne en rayonnement. Une intuition ne va pas convaincre les autres, par contre en ayant confiance, en étant hyper solide, cela émane de nous-même", explique Victoria Pellé Reimers.

Dans le monde de l'entreprise, notamment, c'est un atout pour avancer sans forcer, prendre les bonnes décisions et être écouté·e, recruter les bonnes personnes. Quel que soit le domaine où notre intuition s'exprime le mieux, son rôle est de nous guider quand on ne sait pas où l'on est, parce que c'est nouveau, incertain, complexe. "Cela permet de faire les choses qui sont justes et bonnes pour soi", assure Miky Lagadec, maître reiki.

Conscientiser son besoin pour entendre son intuition

Si avoir une intuition s'apparente à obtenir une information immédiate, c'est en réalité un raisonnement qui vient de loin. On peut imaginer notre corps comme un ordinateur brassant un nombre incalculable d'informations.

"Dans le registre de l'intuition contextuelle, par exemple, ma conscience est capable en une fraction de seconde de synthétiser ce qui est en train de se passer avec tout ce que j'ai déjà vécu et à travers le prisme de qui je suis. Mais ça n'est pas qu'une question d'expérience, sinon on appellerait cela un automatisme", détaille Victoria Pellé Reimers.

L'intuition est bien plus complexe et elle commence par une intention, qui n'est pas toujours consciente.

On peut avoir besoin de son intuition dans le cadre d'une relation, amoureuse ou amicale. Elle peut alors nous parler de la qualité relationnelle ou nous dire que la personne ne va pas très bien... Sert ensuite l'expérience, des relations que l'on a déjà eues, mais aussi de la connaissance que l'on a plus globalement de l'être humain.

Pour que cette intuition nous soit utile, il faut deux autres composantes, l'attention, c'est-à-dire la qualité de présence, et la confiance. "Si cette dernière fait défaut, vous allez sentir ce qui se passe mais douter et donc commencer par vérifier plein de choses et revenir au point de départ", explique la spécialiste. Et l'intuition n'aura servi à rien.

Ce qui nous fait dire : "J'aurais dû m'écouter !"

Contourner les perturbateurs pour mieux appréhender son intelligence intuitive

Pour affiner ses sensations et prendre confiance, il convient de faire le tri avec certains ressentis trompeurs, pris parfois à tort pour du sixième sens. La peur, par exemple, sait très bien comment nous embrouiller.

On ressent que tel boulot n'est pas pour nous, que telle relation va aller dans le mur, parce qu'on a peur en raison d'échecs passés, parce que c'est inconnu... Il est donc essentiel de faire preuve de discernement et d'honnêteté envers soi-même, d'écouter ce qui se passe vraiment.

Dans le cadre d'une relation, si on a vécu des échecs répétés, notre système de défense va venir coloniser l'intuition et polluer les signaux en nous disant : ça ne va pas marcher...

"Dans le cadre d'une relation, si on a vécu des échecs répétés, notre système de défense va venir coloniser l'intuition et polluer les signaux en nous disant : ça ne va pas marcher...", prévient Victoria Pellé Reimers.

Comment s'en extraire ? En écoutant son corps (attention aux maux de ventre, aux douleurs...) car en matière d'intuition relationnelle, c'est souvent ainsi que cela se manifeste, en plus de la petite voix. Outre la peur, d'autres perturbations court-circuitent les signaux, par exemple les préjugés, les projections. Ce qui peut aussi nous détourner, c'est de se laisser guider par ce que l'on veut absolument. C'est ce qui nous fait aller dans une direction, alors que le signal négatif est bien là.

"Il faut pouvoir quitter le mental pour laisser la place à autre chose", insiste Miky Lagadec.

Être présente à soi-même 

Alors, on fait comment pour devenir plus intuitif·ve ? "On descend au fond de soi. Pour n'importe quel sujet important, où j'ai vraiment une intention, où j'ai de l'expérience, si je suis parfaitement présente à ce que je fais, je peux faire confiance à ce que je sens", estime Victoria Pellé Reimers.

Pour cela, il est essentiel de bien se connaître, ne pas se mentir, savoir quels sont nos propres pièges (peurs, croyances, blocages...) qui barrent l'accès à notre véritable connaissance. Quand on s'est éloigné de soi, un travail avec un thérapeute peut être utile. Intuition vient de "intueri" en latin ("intus" et "tueri"), qui signifie "porter son regard à l'intérieur". Il est donc question de retrouver cet endroit où l'on sait.

"'Ce que je ne savais pas que je savais' est une bonne définition de l'intuition", avance la coach. Se poser (une fois par jour, voire par semaine), se concentrer sur ses sensations, méditer, sont des chemins utiles pour renouer avec cet espace intérieur.

"Dans mon expérience personnelle, c'est avec la méditation, pas forcément longue mais régulière, qu'il s'est créé en moi comme une distance, un espace, qui m'a permis d'être moins dans la réaction et de ressentir des choses qui venaient comme ça, naturellement", raconte Miky Lagadec.

L'intuition n'est pas forcément une réponse

Il s'ouvre alors un dialogue avec soi-même, car l'intuition ce n'est pas forcément avoir la réponse à : telle chose, telle relation va-t-elle marcher ? Cela peut aussi être : dans cette situation nouvelle, de quoi ai-je besoin ? On va ainsi chercher des ressources. Parce qu'on n'est pas intuitif·ve en tout, il est utile de s'observer : est-ce que je "sens" les personnes ? Ai-je une capacité à capter des choses qui ne sont pas encore là, des signaux hyper faibles ? Cela se manifeste-t-il plutôt dans la prise de décisions ?

"Je propose souvent de noter dans un carnet ses intuitions. À chaque fois que l'on a quelque chose de spontané, d'écrire ce que l'on sent. En regardant plusieurs mois après, on voit les choses qui se sont réellement passées comme on les avait senties. C'est une occasion de voir dans quel domaine ça marche et dans lequel ça ne marche pas", décrit Victoria Pellé Reimers.

Demeure une facette de l'intuition encore peu comprise, difficile à observer scientifiquement et à entraîner, c'est l'intuition visionnaire, le fait d'avoir le pressentiment que quelque chose va arriver, que quelqu'un qui est loin ne va pas bien... "La seule chose que l'on arrive à démontrer aujourd'hui, c'est que cela arrive et fait partie des aptitudes humaines", pointe Victoria Pellé Reimers.

On ne peut donc que l'accueillir sans chercher à comprendre ni à maîtriser. L'intuition n'a pas encore livré tous ses secrets.

Article publié dans le magazine Marie Claire n°855, daté décembre 2023 - paru en novembre 2023

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