"La grossesse consiste à porter en son corps un être à moitié étranger à soi, rappelle le Dr Martin Winckler, médecin connu pour ses prises de position en faveur de la santé des femmes et auteur de C’est mon corps, publié aux éditions L’iconoclaste. Il s’agit d’une cohabitation très particulière".

En effet, "la présence du fœtus modifie non seulement l’immunité mais aussi le métabolisme, la coagulation du sang, la pression artérielle, la circulation des hormones, etc…", ajoute l’expert.

Bien avant que le ventre ne s’arrondisse, des ajustements extraordinaires – et parfois déroutants – se mettent en place pour que l’embryon se développe harmonieusement et puisse se métamorphoser en fœtus, puis en bébé prêt à quitter le nid.

Vidéo du jour

L’équilibre hormonal chamboulé

Pour que le corps de la mère s’adapte à la présence d’un petit être en devenir et assure son épanouissement, l’hypophyse – une glande de la taille d’un grain de raisin située à la base du cerveau – s’active sous l’influence des œstrogènes. Elle booste la thyroïde qui peut doubler rapidement de poids.

En conséquence, "le cœur est accéléré, la température s’élève au-dessus de 37°C et la respiration est plus rapide", précise le Dr Bernadette de Gasquet, médecin, professeur de yoga et auteure de Bien-être et maternité (éd. Albin Michel).

Cette hyperthyroïdie passagère génère des sensations régulières de coup de chaud et un essoufflement au moindre effort.

Elle joue également sur l’humeur, d’où une possible irritabilité ou hypersensibilité des femmes enceintes. L’hypophyse en sur-régime exerce aussi une influence sur les seins qui augmentent rapidement de volume. Les glandes surrénales sont elles aussi dopées, ce qui induit une coloration des aréoles, l’apparition d’une ligne de couleur brune entre le pubis et le sternum (linea negra), voire même parfois un masque de grossesse.

À peine enceinte, plusieurs désagréments possibles 

L’hormone bêta-HCG (hormone chorionique gonadotrope), produite en début de grossesse dès que l’œuf se loge dans la muqueuse utérine, joue aussi les trublions. Elle augmente l’acidité de l’estomac et stimule une région spécifique du cerveau responsable des nausées matinales dont pâtissent 75% des futures mères, surtout entre la 4ème et la 16ème semaine d’aménorrhée, période où le taux d’HCG croît rapidement. 50% d’entre elles souffrent aussi pour cette raison de vomissements.

L’afflux des œstrogènes aiguise par ailleurs la sensibilité aux odeurs, ce qui explique pourquoi nombre de femmes enceintes sont dégoûtées par des aliments dont elles raffolaient auparavant. Le parfum du café et des volutes de tabac leur deviennent aussi généralement insupportables.

Pour assurer les échanges d’oxygène et de nutriments avec le futur bébé, la circulation sanguine s’adapte également. "Par rétention d’eau, le volume de sang circulant augmente d’un demi-litre à un litre", souligne le Dr Bernadette de Gasquet, ce qui est énorme dans la mesure où l’on dispose de quatre litres de sang habituellement au départ.

Il en résulte une dilatation des veines, des jambes lourdes et parfois des œdèmes dès le premier trimestre de grossesse. Au fil des semaines, la pression artérielle peut aussi augmenter. Ce phénomène touche environ 10% des femmes enceintes après le 4ème mois, notamment chez les très jeunes et chez celles âgées de plus de 40 ans.

Le système nerveux végétatif déstabilisé

Ce système nerveux dit "autonome", qui innerve les viscères et assure le maintien des équilibres internes du corps, gère les fonctions automatiques de l’organisme.

Il est gouverné par deux systèmes antagonistes : le système parasympathique, plus propice au repos, et le système sympathique, qui pousse à l’activité. Habituellement, tous deux travaillent en harmonie.

"Mais au cours des premiers mois de grossesse, le parasympathique va dominer, observe le Dr de Gasquet. Vous allez ainsi vous retrouver un peu endormie, en "hibernation", d’humeur peu entreprenante, la mémoire embuée… ".

Ce soudain déséquilibre est donc à l’origine de l’état de somnolence, de fatigue inhabituelle caractéristique des débuts de grossesse. Cette adaptation physiologique permet au corps de détourner une grande part de l’énergie de la mère au profit du bébé.

Pendant le 2ème trimestre, des douleurs parfois fulgurantes

À partir du 4ème mois, la grossesse est bien installée. La fatigue s’est dissipée et les mouvements du bébé deviennent perceptibles.

Le ventre n’est pas encore assez volumineux pour poser problème mais l’utérus commence à peser et le bébé peut comprimer des organes et des nerfs dans certaines positions. Le nouvel équilibre hormonal provoque une détente des ligaments et des tendons. Il en résulte un risque accru d’entorse, de sciatique, etc…

Des douleurs fulgurantes peuvent également survenir dans le bas ventre, le dos ainsi qu’au niveau du pubis, surtout lorsqu’on change subitement de position.

Entre le 5ème et le 7ème mois, les abdominaux grand droit s’allongent et commencent à s’écarter pour laisser plus de place au bébé. La cambrure s’accentue alors, ce qui modifie peu à peu la posture et peut susciter des douleurs dorsales et lombaires.

Une plus grande vulnérabilité aux infections

Pour ne pas rejeter le bébé, les défenses immunitaires de la mère se mettent légèrement en veilleuse.

Résultat : les infections sont plus fréquentes. La flore vaginale est notamment moins réactive face aux attaques des bactéries et des champignons pathogènes microscopiques, d’où des mycoses génitales fréquentes pendant la grossesse. Elles sont aussi favorisées par l’augmentation de l’acidité du vagin, l’épaississement de la muqueuse vaginale et la sécrétion plus importante de glaire cervicale suite aux modifications hormonales et à la hausse du débit sanguin chez la femme enceinte.

Les infections urinaires sont aussi courantes car la vessie, devenue moins tonique, peine à se vider totalement à chaque miction, ce qui favorise la prolifération des bactéries. La dilatation des bassinets des reins et la compression des uretères due à la pression de l’utérus hypertrophié accentuent encore cette vulnérabilité aux infections.

L’ocytocine, l’hormone clef en fin de grossesse

Discrète en début de grossesse, cette hormone cérébrale est produite à haute dose à l’approche du terme. C’est elle en effet qui donne un sentiment de béatitude en fin de grossesse, puis qui déclenche les contractions utérines et l’ouverture du col, l’éjection du placenta et favorise ensuite l’émission du lait lors des tétées.

Cette hormone dite de l’accouchement possède une action légèrement anxiolytique qui apaise un peu les douleurs et aide à lâcher prise le jour J.