Avoir mal au sein peut-il être un signe de cancer du sein ?

cancer sein
C'est une idée reçue qui perdure, au détriment de la santé des femmes : nombreux sont les spécialistes à arguer qu'un cancer du sein ne fait pas mal. Or, une douleur mammaire peut bel et bien être un signe de la maladie qui s'installe. Explications.

Démolir les idées reçues sur le cancer du sein, Émilie Daudin en a fait un combat personnel. À 35 ans, cette entrepreneure en rémission d’un cancer du sein triple négatif milite pour que la douleur au sein soit reconnue comme un symptôme, parmi d'autres, de la maladie.

Une prise de position qui lui a valu d’être récemment censurée par un gynécologue influent sur les réseaux sociaux. "Il venait de poster une vidéo pour affirmer que le cancer du sein 'ne faisait pas mal du tout'. Je me suis insurgée, et il m’a bloquée. Je sais qu'on enseigne cela en école de médecine, mais je trouve que le message n’est pas le bon", déplore la jeune femme.

Si cette affirmation la remue autant, c’est parce qu’elle l’a trop souvent entendue depuis son diagnostic en octobre 2020. "À l'époque, on ne cessait de me répéter que je n’avais pas à m’inquiéter de cette douleur au sein, que c’était sûrement bénin. J’ai senti ma parole décrédibilisée", se désole-t-elle.

Avoir mal au sein : un symptôme rare et peu considéré du cancer du sein

Si l’on encourage les femmes à se palper elles-mêmes la poitrine régulièrement, c’est parce que les signes du cancer du sein sont généralement évocateurs. Au toucher, on peut par exemple constater la formation d’une masse dure dans un sein,comme une boule, le gonflement des ganglions au niveau de l’aisselle, des écoulements inhabituels ou la modification de l’aspect du mamelon et de la peau. 

La douleur comme un signe de la maladie est en général exclue de la liste des symptômes. "Face une boule douloureuse, les diagnostics vont plutôt vers des pathologies inflammatoires ou des complications infectieuses, c’est vrai", confirme le Dr Benjamin Verret, oncologue médical à l’Institut Gustave Roussy. En général, l’administration d’un traitement antibiotiques permet d'éliminer ce désagrément, note-t-il. 

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Certaines tumeurs bénignes comme le fibroadénome ou les kystes peuvent aussi s’avérer douloureuses. "Lorsque la douleur aux seins est cyclique, on peut aussi imaginer qu’il s’agit simplement d’un symptôme du cycle menstruel", rappelle le Dr Patrick Toubiana, radiologue spécialisé dans l'imagerie de la femme. Et la mastodynie (douleur aux seins, ndlr) est aussi un symptôme fréquent de préménopause ou de ménopause.

La douleur, le signe d’une tumeur qui grossit vite ?

Lorsqu’elle a senti des décharges électriques irradier son sein droit, Émilie Daudin en est persuadée : ce n’est ni un kyste ni une infection. Inquiète, elle consulte une sage-femme, en janvier 2020, qui écarte d’office le cancer du sein et table sur une déchirure musculaire, du fait de la douleur ressentie. "Cette douleur ne m’a pas lâchée pendant 9 mois. À la fin, ça me lançait tellement que je ne pouvais plus parler", se souvient l’entrepreneuse.

Lorsque le diagnostic de son cancer tombe, Émilie découvre avec stupeur qu’elle a six tumeurs dans le sein. Alors intégrée à un groupe de soutien, plusieurs femmes concernées par le cancer du sein triple négatif lui décrivent des douleurs similaires. "Elles ont aussi parlé de décharges", témoigne-t-elle.

Pourtant, aucun spécialiste ne sait clairement lui expliquer pourquoi elle a mal. Ce symptôme étant rarement rapporté - or cadre de traitements ou de mastectomie -, il existe peu de données à son sujet. Pour le Dr Toubiana, cela pourrait être le signe d’un cancer qui évolue rapidement. "Sur sa progression locale, il peut grignoter des rameaux nerveux et donner des douleurs", suggère-t-il. 

Bien qu’il ait été confronté à ce cas plusieurs fois, le Dr Verret n’est pas plus certain. "Dans un contexte de tumeur d’évolution rapide, comme c’est le cas pour le triple négatif, cela peut tendre les tissus et donner lieu à une inflammation. Mais c’est assez rare", explique-t-il. 

"La majorité de ces douleurs sont de caractère neuropathique (liées à une lésion des nerfs) et d'évolution imprévisible", dit de son côté l’Institut national du cancer (INCa).

Écouter les femmes, un moyen d'éviter un retard de diagnostic

À l’époque, la première personne qui invite Emilie Daudin à faire examiner son sein douloureux est une ostéopathe. Elle regrette que personne ne s’en soit préoccupé avant. "Selon mon oncologue, dès qu’il y a un symptôme qui dure, il faudrait inciter à consulter dans les deux semaines. Et ce même si on est jeune et en bonne santé", martèle la jeune femme.

Les deux spécialistes abondent dans ce sens. Pour eux, toute douleur inhabituelle, qui perdure en dehors du cycle menstruel, doit mener à un examen approfondi. Car si les spécialistes pensent rassurer les femmes en l’écartant d’office comme symptôme de cancer du sein, ces dernier.e.s prennent en fait le risque de retarder le diagnostic et les possibilités de traitement, déplorent-ils. Pire : les chances de survie peuvent être considérablement réduites en cas de retard de diagnostic trop important. 

"On sait que le cancer touche de plus en plus de femmes jeunes. Alors il ne faut pas que les médecins tombent dans le piège de la généralité", scande le radiologue. D’après lui, on devrait "systématiquement s'inquiéter dès qu’une douleur chronique persiste ou s’aggrave" chez une femme. Un point de vue partagé par le Dr Verret.

Si l'échographie reste le premier mode de détection - d’autant plus chez les femmes jeunes -, c’est la mammographie parfois accompagnée d’une IRM qui permettront de poser un diagnostic clair.

Quant à la prise en charge de cette douleur, des antidouleurs ou des traitements spécifiques contre les affections neuropathiques peuvent être proposées. La kinésithérapie, la neurostimulation transcutanée ou l'hypnoanalgésie sont autant de techniques non médicamenteuses pouvant aussi l'atténuer, cite l’INCa.

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