Cancer du sein : le triple négatif, une forme agressive qui touche plus de femmes jeunes

cancer sein triple négatif
Compliqué à soigner, c’est le sous-type de cancer du sein le plus redouté par les oncologues. Diagnostic, évolution, nouveaux traitements : lumière sur un cancer très particulier qui concentre les recherches.

Dans la famille des cancers du sein, le triple négatif est le plus agressif, avec un risque élevé de développer des métastases (dissémination des cellules cancéreuses vers d'autres organes). La bête noire des gynécologues constitue l’un des trois grands groupes de cancers du sein, aux côtés des hormonaux dépendants et des HER2.

La catégorie des "triple négatif" rassemble plusieurs sortes de tumeurs cancéreuses de type et d'évolution différents ; des carcinomes canalaires infiltrants de haut grade pour la plupart. Le triple négatif représente près de 15 % des cancers du sein. Ses spécificités rendent complexes son diagnostic comme son traitement.

Des femmes de tous les âges concernées

"S’il n’épargne pas la femme ménopausée, Il touche une grande proportion de patientes de moins de quarante ans", note la Dre Delphine Loirat, oncologue médicale et chercheuse à l’Institut Curie. Or, la mammographie de dépistage est préconisée à partir de 50 ans. D’où le risque pour les femmes jeunes de passer à côté d’un diagnostic précoce.

La plupart d’entre elles consultent quand elles ressentent une douleur ou une boule dans un sein, comme le raconte avec émotion Émilie Daudin, alias The Brunette. Diagnostiquée à 33 ans, l’influenceuse et autrice du livre Dans mon sein (éd. Plon) œuvre depuis à faire connaitre les particularités de la maladie via ses posts sur les réseaux sociaux et un podcast dédié. 

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Concernant les femmes de plus de 50 ans, de nombreux cas de triple négatif sont diagnostiqués entre deux mammographies de dépistage traditionnel. On les appelle les cancers "d'intervalle". Près de 15% des cas de triple négatif relèvent d'une forme héréditaire, avec une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2. Le BRCA1 muté constitue le principal facteur de risque de développer la forme triple négatif.

Les autres contextes à risques sont identiques à ceux de tout cancer du sein : certaines lésions, des antécédents d'irradiation thoracique, des facteurs hormonaux en lien avec une hyper-œstrogénie (puberté précoce), sans oublier l’hygiène de vie (consommation excessive d'alcool et/ou de tabac). 

Les thérapies ciblées connues, peu efficaces

Pour comprendre les enjeux des traitements de cette maladie, il faut jeter un œil dans le microscope : les cellules cancéreuses n’ont pas en leur surface les marqueurs que l’on trouve habituellement sur celles des cancers hormonaux dépendants et des HER2.

Pour permettre le diagnostic, on procède à une biopsie mammaire afin de réaliser une analyse immunohistochimique (IHC). Celle-ci recherche le statut des récepteurs hormonaux d'œstrogène et de progestérone, et des récepteurs de la protéine HER2. "En l'absence de réponse de ces trois éléments (on dit qu'ils reviennent négatifs), le cancer du sein triple négatif est avéré", décrypte la Dre Loirat. "Étant donné qu'il n'y a pas de cible thérapeutique au niveau cellulaire, la tumeur ne répond alors ni à l’hormonothérapie ni aux stratégies anti-HER2", poursuit l’oncologue.

En bref : les traitements classiques (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie ou thérapie ciblée) qui ont fait leurs preuves sur les autres cancers du sein n’ont pas d'effets, ou très peu, sur le triple négatif. Son diagnostic est d’autant plus inquiétant que les options de traitement sont limitées.

La recherche médicale sur le pied de guerre

"Il est certes plus compliqué à soigner, mais il ne faut pas désespérer pour autant", tempère la Dre Loirat. S’il est détecté précocement et qu’il est accessible à une chirurgie, il se soigne très bien, précise-t-elle. Dans un contexte localisé et opérable, on programme une chimiothérapie intensive, suivie des chirurgie et radiothérapie habituelles, avec la plupart du temps une guérison à la clé. Des traitements peuvent être mis en œuvre en sus pour éviter la rechute. En effet, le taux de récidive des "triple négatif" est élevé dans les deux à trois ans post traitements.

"Nous sommes en mesure de guérir un cancer triple négatif sur deux avec les traitements classiques, mais malheureusement cette forme résiste parfois aux protocoles conventionnels", observe la Professeure Martine Piccart sur la chaine Youtube de l’institut Curie. D’après la spécialiste internationale des cancers du sein, il est urgent de trouver de nouveaux traitements, notamment pour les cas dont le bilan révèle des métastases (20 à 30 % des cas) : le pronostic est alors plus que préoccupant, avec, selon la Dre Delphine Loirat, une espérance de vie à 18 mois.

L’espoir est là, car un grand nombre de protocoles en phase de tests se focalisent actuellement sur ces tumeurs. En tête : l’immunothérapie associée à la chimiothérapie. Pour réussir, les chercheurs doivent approfondir leur compréhension des tumeurs triple négatif et étudier les mécanismes du système immunitaire, en particulier ce que met en œuvre la cellule cancéreuse pour les déjouer. Quelle est la meilleure chimiothérapie à proposer ? Qui a besoin d’une immunothérapie en plus ? Pourquoi ces traitements ne fonctionnent-ils pas chez tout le monde ? Le chantier est ouvert.

Des traitements prometteurs 

Le 6 septembre 2021, la Haute autorité de Santé (HAS) a autorisé "l’accès précoce à un traitement du cancer du sein métastatique triple négatif, le Trodelvy (sacituzumab govitecan), pour les personnes qui sont en échec thérapeutique après deux lignes de traitement systémique ou plus".

Le pembrolizumab (Keytruda) est accessible aux femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif à un stade métastatique depuis novembre 2021. Depuis mars 2022, il est accessible à un stade plus précoce de la maladie. Il est préconisé pour les tumeurs nécessitant une chimiothérapie néodjuvante. 

Une étude publiée le 9 février 2023 dans Nature Medicine, dévoile les résultats prometteurs d'un essai clinique de phase 2 sur le virus oncolytique talimogène laherparepvec (TVEC), combiné à une chimiothérapie standard chez des patientes atteintes d'un cancer du sein triple négatif à un stade précoce. Cette nouvelle thérapie étudiée au Moffitt Cancer Center implique des virus oncolytiques, qui infectent et tuent les cellules cancéreuses.

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