René Frydman: congeler ses ovules, est-ce vraiment une solution pour lutter contre l'horloge biologique ?

Marie Claire : Assistons-nous aujourd'hui à une nouvelle révolution, avec des femmes qui décident de congeler leurs ovules pour se donner le temps de trouver le bon partenaire ou de mener leur carrière ?

René Frydman (Chef du service médecine de reproduction à la maternité de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, à l'origine du premier bébé-éprouvette français) : En fait, c'est une révolution à épisodes, puisque la première naissance a eu lieu en Corée du Sud, en 1991. Mais le vrai boom est venu avec la découverte du Japonais Kuleshova, qui a trouvé une méthode de congélation rapide et plus fiable : "la cryopréservation ". C'était en 1999, il y a dix ans. A partir du moment où nous avons une technique qui ne provoque aucun dommage, je n'y vois aucun inconvénient. C'est vrai que la société évolue. Les femmes s'engagent de plus en plus dans une vie professionnelle avant de penser à la maternité. A 35 ans, elles sont encore fertiles mais n'ont pas forcément de projet matrimonial.

MC: Mais congeler ses ovules n'est-ce pas interdit en France ?

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RF: Non, ce n'est pas interdit, mais nous ne sommes pas encore au point, et il n'y a pas eu de naissances à partir d'ovules congelés en France. J'ai d'ailleurs organisé un débat avec plusieurs chercheurs fin janvier, afin qu'on tente enfin de rattraper notre retard.

MC: Pourrait-il y avoir un jour des banques d'ovules ?

RF: Il y en a déjà pour les dons d'ovules. Il vaut mieux pré­server que s'acharner quelques années plus tard, sans résultat. Mais il faut aussi pouvoir dire à une femme : "Vous avez 60?% ou 6?% de chances d'avoir un enfant par la suite."

MC: La congélation ne garantit pas forcément d'avoir par la suite un enfant ?

Non, ce n'est qu'un parachute. Il faut le faire si vous n'avez pas d'autre alternative. Il y a d'ailleurs une autre technique, qui consiste à prélever une parcelle de tissu ovarien qui peut être congelé, réimplanté et produire à nouveau des ovules. La technique est plus lourde puisqu'elle nécessite une peti­te opération, mais elle paraît plus sûre.

René Frydman: l'horloge biologique de la femme est à son paroxysme autour de 25 ans

MC: Sachant qu'une femme a son pic de fertilité avant 25 ans, ne vaudrait-il pas mieux s'y prendre bien avant 35 ans ?

RF: N'exagérons pas. On reste fertile à 35 ans, et puis c'est une technique qu'on ne pourrait pas généraliser à toutes les femmes. Ce serait ridicule, car elle coûte cher. J'insiste d'ail­leurs sur le fait que la technique a été développée pour des jeunes femmes atteintes d'un cancer, qui vont subir une chimiothérapie et qui, une fois guéries, se ­tournent vers nous en disant : "C'est bien, je survis et je vis, mais je voudrais être mère."

MC: Combien coûte une congélation ?

RF: Environ 3 000 €, et je pense que s'il s'agit juste d'une envie de retarder sa maternité, la patiente devra payer l'addition. Comment la société pourrait-elle prendre en ­charge un problème relationnel ? Cela reviendrait à dire : j'ai le droit de rencontrer un mec qui me plaît, avec qui je veux avoir des enfants, sinon je veux des indemnités... C'est un peu comme la chirurgie esthétique : une femme qui a eu un cancer du sein aura besoin d'une réparation, elle va être prise en charge ; mais si vous décidez de vous faire refaire les seins parce qu'ils ne vous plaisent pas, vous payez.

MC: Jusqu'à quel âge une femme pourra-t-elle se faire réimplanter un ovule congelé ?

RF: L'âge naturel de la procréation, défini par la loi de 2004. Il est situé entre 45 et 48 ans.