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Décryptage

Législatives 2024 : quels pouvoirs pour le président et le Premier ministre en cas de cohabitation ?

La Constitution délimite en partie les prérogatives du président de la République et du Premier ministre en période de cohabitation politique. Les trois cohabitations de la V e  République ont également fait ancrer des usages.

La dernière cohabitation a duré cinq ans, de 1997 à 2002, sous la présidence de Jacques Chirac, avec Lionel Jospin, Premier ministre.
La dernière cohabitation a duré cinq ans, de 1997 à 2002, sous la présidence de Jacques Chirac, avec Lionel Jospin, Premier ministre. (PATRICK KOVARIK/AFP)

Par Julien Boitel

Publié le 3 juil. 2024 à 11:05Mis à jour le 3 juil. 2024 à 11:21

Les élections législatives anticipées , les 30 juin et 7 juillet prochains, laissent envisager la perspective d' une cohabitation entre le président Emmanuel Macron et un Premier ministre d'un bord politique opposé provenant du Rassemblement National ou du Nouveau Front populaire. Il s'agirait alors de la quatrième cohabitation dans la Ve République.

Si la Constitution délimite en partie les prérogatives du président et du Premier ministre, les trois premières cohabitations - deux sous la présidence de François Mitterrand (1986-88 avec Jacques Chirac ; 1993-95 avec Edouard Balladur) et une sous celle de Jacques Chirac (1997-2002 avec Lionel Jospin) ont aussi établi des pratiques.

· Le président de la République nomme le Premier ministre

Selon l'article 8 de la Constitution, seul le chef de l'Etat peut nommer le Premier ministre. Mais, dans les faits, le choix de la personne qui endosse les fonctions de Premier ministre reste très limité. La majorité parlementaire impose généralement un nom au président. S'il peut l'ignorer, son Premier ministre et son gouvernement se feraient rapidement censurer à l'Assemblée nationale. Après avoir rappelé qu'il « nomme qui il veut », François Mitterrand avait ainsi fini par désigner Jacques Chirac puis Edouard Balladur, choisis par leur camp.

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Le Premier ministre nomme ensuite les membres de son gouvernement. Cependant, il est d'usage que les titulaires des Affaires étrangères et de la Défense soient choisis avec l'accord du président de la République. François Mitterrand avait opposé son véto à la nomination de François Léotard à la Défense en 1986.

· De quels pouvoirs dispose le Premier ministre ?

Les cohabitations « entraînent systématiquement un effacement temporaire de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre », explique le site vie-publique.fr. Selon l'article 20 de la Constitution, le gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation, il dispose de l'administration et de la force armée. » L'article 21 précise que le Premier ministre « dirige l'action du gouvernement, assure l'exécution des lois et est responsable de la défense nationale. » Ainsi, lors des trois cohabitations, la majorité a pu mettre en oeuvre son programme, que ce soient les privatisations avec la droite ou l'instauration des 35 heures par la gauche.

Le Premier ministre est en position de force. Sa responsabilité devant le président n'a plus lieu d'être et ce dernier ne peut plus exiger que le Premier ministre démissionne. Conformément à la Constitution, le Premier ministre n'est responsable que devant l'Assemblée nationale.

· Le président peut-il s'opposer au gouvernement ?

Le chef de l'Etat dispose toujours d'importants pouvoirs. Outre le droit de dissoudre l'Assemblée nationale , il reste le seul à pouvoir organiser un référendum au titre de l'article 11 (organisation des pouvoirs publics, réformes économiques, sociale ou environnementale et aux services publics, ratification d'un traité) ou convoquer un Congrès pour approuver une révision de la Constitution (article 89). Le président conserve aussi la possibilité de nommer trois membres ainsi que le président du Conseil constitutionnel (article 56).

Autre droit majeur, le président peut avoir recours à l'article 16 de la Constitution, lui octroyant « des pouvoirs exceptionnels », lorsque les institutions de la République sont menacées « d'une manière grave et immédiate » et « que le fonctionnement des pouvoirs constitutionnels est interrompu ». Dans ce cadre, il peut prendre des mesures sans solliciter le contreseing du Premier ministre et des ministres.

Au quotidien, il préside toujours le Conseil des ministres et peut, à ce titre, faire part de ses réserves sur les orientations de la politique gouvernementale. Comme il doit apposer sa signature aux ordonnances et décrets délibérés en Conseil des ministres, il peut retarder l'adoption de certaines mesures. Lors de la première cohabitation, François Mitterrand avait refusé de signer les projets d'ordonnances de privatisation, contraignant le gouvernement à légiférer par un projet de loi classique. Le président peut aussi demander au Parlement une nouvelle délibération d'une loi votée.

· Qui est le garant de la sécurité nationale et de la politique étrangère ?

En déclarant pendant la campagne des législatives anticipées que le titre de chef des Armées était « honorifique » , Marine Le Pen a laissé entendre qu'Emmanuel Macron ne serait pas à la manoeuvre sur les questions de défense en cas d'élection de son parti. La Constitution ne tranche pas précisément le partage des compétences dans ce domaine. Selon l'article 5, le chef de l'Etat est « le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». Chef des armées, il préside les conseils de défense nationale (article 15). Mais le Premier ministre est « responsable de la défense nationale » (article 21) et le gouvernement « dispose de la force armée » (article 20).

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Dans les faits, François Mitterrand a consacré le rôle prééminent du président sur la défense. Bien qu'Edouard Balladur y fût favorable, la droite n'a pas remis en cause par exemple le moratoire sur les essais nucléaires décidé en 1992. C'est Jacques Chirac qui le fera une fois à l'Elysée. Cette suprématie du chef de l'Etat n'a été que peu contestée parce que les Premiers ministres de cohabitation avaient l'ambition de devenir président et ne souhaitaient pas voir leurs futurs pouvoirs diminuer.

Sur les sommets européens et internationaux, après quelques ajustements, le chef de l'Etat et le Premier ministre sont parvenus lors des trois cohabitations à exprimer une seule voix de la France parce que les divergences entre droite et gauche n'étaient pas fondamentales.

La situation pourrait être différente cette fois, en cas de cohabitation avec le RN. Emmanuel Macron et Jordan Bardella n'ont pas la même position sur la défense européenne ou le soutien militaire à l'Ukraine. Sur l'UE, leurs conceptions sont totalement opposées. Or, c'est bien Matignon qui tranche au quotidien sur la politique européenne. Ce sont les ministres qui siègent au Conseil de l'UE dans ses différentes formations (environnement, économie, justice, etc.), négocient et votent les législations européennes.

Avec AFP

Julien Boitel

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