Par Valérie MAZUIR
Majorité absolue ou relative ? Coalition gouvernementale ou blocage institutionnel ? Qui à Matignon ? Le suspense plane sur les conséquences des élections législatives dont le premier tour a lieu ce dimanche. Explications.
Emmanuel Macron a créé la surprise en annonçant au soir de la défaite de son camp aux élections européennes la dissolution de l'Assemblée nationale et la tenue d'élections législatives anticipées. Un grand saut dans l'inconnu.
Quels sont les différents scénarios possibles au soir du 7 juillet, à l'issue du second tour ? Majorité absolue ou relative ? Coalition gouvernementale ou blocage institutionnel ? Qui à Matignon ? Tour d'horizon.
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· En cas de majorité absolue
Gabriel Attal, et Emmanuel Macron.Eric Tschaen-pool/SIPA
C'est l'hypothèse la plus claire d'un point de vue institutionnel : au soir du second tour, l'un des trois blocs - camp présidentiel, Rassemblement national ou gauche - obtient une majorité absolue avec au moins 289 sièges à l'Assemblée nationale.
En cas de victoire du camp présidentiel. Si Emmanuel Macron remporte son pari et que Renaissance et ses alliés obtiennent plus de 289 sièges, le chef de l'Etat pourra nommer un Premier ministre de la même couleur politique que lui et aura les coudées franches jusqu'à la fin de son quinquennat. Gabriel Attal, qui n'est que depuis cinq mois à Matignon , paraît le mieux placé pour rester Premier ministre, mais le chef de l'Etat n'a pas confirmé cette hypothèse, prônant l'élargissement du bloc central.
Gabriel Attal a lui appelé les Français à le « choisir » comme Premier ministre dès le premier tour du scrutin. « Il y aura un avant et un après dans la pratique du pouvoir et dans l'équilibre des institutions », a-t-il estimé. « Le 9 janvier, le président de la République m'a nommé. Le 30 juin, j'aimerais que les Français me choisissent. »
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En revanche, une majorité absolue pour le RN ou la gauche provoquerait pour la quatrième fois dans la Ve République une « cohabitation » entre un président de la République et une majorité parlementaire de couleur politique différente.
Selon l'article 8 de la Constitution, le président de la République nomme le Premier ministre. Mais, dans les faits, il doit le choisir au sein de la majorité parlementaire sinon un gouvernement minoritaire se ferait rapidement censurer à l'Assemblée.
Si une telle majorité se met d'accord sur un nom, difficile pour le président de faire un autre choix. Après avoir rappelé qu'il « nomme qui il veut », François Mitterrand avait fini par désigner Jacques Chirac puis Edouard Balladur, choisis par leur camp.
Jordan Bardella.Lewis Joly/Ap/SIPA
En cas de victoire du RN, le parti d'extrême droite a déjà prévenu qu'il proposerait Jordan Bardella, son président, pour Matignon. Marine Le Pen veut garder la présidence du groupe à l'Assemblée et a déclaré qu'elle ne demanderait pas la démission d'Emmanuel Macron en cas de victoire de son camp.
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La photo de famille du Nouveau Front populaire.J.e.e/SIPA
En cas de victoire de la gauche, l'équation est plus complexe. Le Nouveau Front populaire n'a pas arrêté ni le nom ni la méthode de désignation de son potentiel Premier ministre, un rôle attribué en 2022 à Jean-Luc Mélenchon, qui suscite aujourd'hui le rejet chez nombre de ses alliés. Ce dernier a indiqué que le choix n'était pas tranché et qu'il faudrait encore « attendre » et prendre en compte les « propositions » du groupe qui obtiendra le plus grand nombre de parlementaires. LFI a investi 229 candidats, contre 175 pour les socialistes, 92 pour les écologistes et 50 pour les communistes. Jean-Luc Mélenchon propose les noms de Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté, Eric Coquerel et Younous Omarjee.
Le patron du PS, Olivier Faure, défend, lui, « un vote » des députés nouvellement élus. Raphaël Glucksmann , dont la liste est arrivée en tête à gauche lors des européennes, estime qu'« il faut une personne qui fasse consensus », citant François Ruffin, les socialistes Boris Vallaud et Valérie Rabault, ainsi que l'ex-leader de la CFDT Laurent Berger.
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· En cas de majorité relative
Chang Martin/SIPA
Les calculs se compliquent sérieusement dans l'hypothèse où aucune force politique n'obtient de majorité absolue au Palais-Bourbon. Un gouvernement en situation de majorité relative est en effet menacé en permanence par une éventuelle motion de censure, ce qui le contraint à nouer des accords texte par texte à l'Assemblée pour gouverner ou former une coalition.
Emmanuel Macron a évoqué lors de sa conférence de presse post-dissolution la possibilité d'une «fédération de projets». Il s'est dit convaincu qu'il y aura pour son camp dans la nouvelle Assemblée « plein de compromis possibles peut-être avec des sociaux-démocrates raisonnables, des écologistes responsables, des Républicains raisonnables ».
Au nom de cet « arc républicain », la majorité présidentielle a choisi de ne pas investir de candidat dans 65 circonscriptions afin de favoriser un « vote utile » pour un candidat qui ne soit ni du Nouveau Front populaire ni du bloc RN. Des soutiens qui penchent nettement à droite.
Mais à l'approche du premier tour, ce scénario d'une large coalition d'allant de la droite à la gauche dite « raisonnable » s'est éloigné. Il faudrait en effet qu'un « bloc central » résiste à la dissolution et soit suffisamment fort pour en être le pivot.
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Dans une telle configuration politique, Emmanuel Macron pourrait opter pour un Premier ministre technicien ou d'union nationale.
En cas de majorité relative du Nouveau Front populaire ou du RN, la donne serait compliquée. « L'hypothèse d'un Premier ministre très marqué politiquement d'un côté ou de l'autre paraît la moins probable, car il peinerait à dégager une majorité claire à l'Assemblée », pointe la constitutionnaliste Anne Levade, professeure de droit public à Paris-1, citée par l'AFP.
Ce n'est en tout cas pas une option envisagée par Jordan Bardella, qui a annoncé qu'il ne souhaitait pas prendre les rênes du gouvernement sans majorité absolue. « S'il y a une majorité relative, le Premier ministre ne peut pas agir », a pointé le président du RN, qui « n'envisage pas d'être un collaborateur du président ». « Un refus d'obstacle », a taclé Gabriel Attal.
· Blocage institutionnel ou grande coalition ?
Le Palais de l'Elysée.Mael Garnier/SIPA
Avec trois blocs potentiellement irréconciliables, le risque d'un blocage institutionnel, sans aucun Premier ministre en mesure de dégager une majorité, est clairement sur la table.
« Si le RN a une majorité relative, comment on gouverne ? », s'est interrogé auprès de l'AFP un responsable du camp présidentiel. Cette hypothèse « obligera des gens à prendre leur responsabilité, à faire un accord de gouvernement », lui a répondu un proche du président.
De là à imaginer une grande coalition susceptible d'obtenir une majorité contre le RN ? Plusieurs sources de la majorité ont expliqué à l'AFP y croire, en misant sur un ralliement de la droite républicaine et d'une partie de la gauche : « Dealer avec LFI, ce n'est pas possible. Avec les socialistes, en revanche, oui. »
Anne Levade souligne que « cela dépendra beaucoup des équilibres du Nouveau Front populaire » à l'Assemblée. « Chacun des acteurs aura la responsabilité de décider si le pays devient ingouvernable ou si un accord est possible », estime-t-elle.
Mais à l'approche du premier tour, ce scénario d'une large coalition d'allant de la droite à la gauche dite « raisonnable » s'est éloigné. Il faudrait en effet qu'un « bloc central » résiste à la dissolution et soit suffisamment fort pour en être le pivot. Le scénario d'un gouvernement de ministres techniciens est travaillé, autour d'une personnalité incontestable.
Si blocage il y a, il pourrait durer et plonger le pays dans une crise politique inédite, car il n'est pas possible de dissoudre l'Assemblée et d'en appeler de nouveau aux électeurs avant un an, stipule la Constitution.
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Valérie Mazuir (avec AFP)
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