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Qui va diriger la France ? Les scénarios possibles pour un gouvernement après le second tour des législatives

Coalition, gouvernement minoritaire ou gouvernement technique ? Faute de majorité claire sur les bancs de l’Assemblée, le risque de blocage institutionnel est réel.

Par , et

Publié le 08 juillet 2024 à 08h54, modifié le 09 juillet 2024 à 12h11

Temps de Lecture 4 min.

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Qui va gouverner la France ? C’est la question brûlante qui se pose à l’issue du second tour surprise des élections législatives, où le bloc de gauche est arrivé en tête, mais loin de la majorité absolue qui lui permettrait de revendiquer le pouvoir sans contestation possible. Quelles sont les prochaines étapes attendues dans la foulée du scrutin ? Le pays peut-il se diriger vers un blocage institutionnel ? Eléments de réponse.

1. Quand un nouveau gouvernement doit-il être nommé ?

Si rien n’impose au premier ministre, Gabriel Attal, de quitter son poste dans l’immédiat, il a annoncé dans la soirée du dimanche 7 juillet qu’il présenterait sa démission au président de la République dès lundi. « Le fait qu’un gouvernement démissionne après les élections législatives est une convention », note Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas. M. Attal ne devrait pas nécessairement faire ses valises tout de suite, puisque, à quelques jours des Jeux olympiques, il s’est dit prêt à rester à Matignon « aussi longtemps que le devoir l’exigera » – c’est-à-dire le temps qu’un successeur lui soit trouvé.

Aucun calendrier ne s’impose donc formellement à Emmanuel Macron, ni pour demander au gouvernement actuel de démissionner ni pour en nommer un nouveau. Le chef de l’Etat a fait savoir dimanche qu’il préférait « attendre la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires (), conformément à la tradition républicaine ».

M. Macron ne peut en revanche pas ignorer complètement la nouvelle donne politique issue du scrutin. Un gouvernement mis en minorité à l’Assemblée nationale est en effet exposé à la menace d’une motion de censure, qui pourrait être déposée dès la première session de la future Assemblée nationale – prévue le 18 juillet, en vertu de l’article 12 de la Constitution. Cette motion de censure aurait des chances d’être votée, puisque le camp présidentiel ne compte plus que 168 sièges sur 577, et entraînerait la chute immédiate du gouvernement Attal.

La composition de l’Assemblée nationale

Couleurs adaptées aux daltoniens

2. Comment le premier ministre est-il choisi ?

Théoriquement, le président de la République a le pouvoir de nommer qui il veut à Matignon. Toutefois, la logique institutionnelle ne lui permet pas d’outrepasser l’avis de la majorité des députés, puisqu’un gouvernement qui irait à leur encontre pourrait faire l’objet d’une motion de censure. Il est donc censé choisir un candidat susceptible d’obtenir le soutien d’une majorité de députés – ou au moins de ne pas susciter le rejet d’une majorité d’entre eux.

Si un camp politique réunit une majorité absolue de députés à l’issue des législatives (soit au moins 289 sur les 577 de l’hémicycle), la donne est simple : la nomination d’un premier ministre issu de ses rangs s’impose en principe – y compris s’il est issu d’un parti opposé au chef de l’Etat, comme ce fut le cas lors des cohabitations sous François Mitterrand et Jacques Chirac.

Or, à l’issue de ce scrutin, aucun groupe politique ne peut aujourd’hui se prévaloir d’une telle domination. Le premier groupe, le Nouveau Front populaire (NFP), ne dispose que de 182 élus, auxquels pourraient s’ajouter quelque treize élus divers gauche, soit une majorité relative d’à peine un tiers des sièges du Palais-Bourbon.

3. Quels sont les scénarios possibles ?

Faute de majorité claire sur les bancs du Palais-Bourbon, le risque de blocage institutionnel est réel. Les institutions n’imposent aucun calendrier pour former un gouvernement, mais aucun texte législatif ni réglementaire ne peut être adopté en son absence. Les tractations des prochains jours pourraient, ou pas, faire émerger l’une de ces hypothèses :

  • Une coalition

Comme aucun des grands blocs politiques issus des législatives n’a de majorité, des discussions pourraient s’engager pour former une coalition susceptible de rassembler plus de 50 % de députés derrière un nom de premier ministre et un contrat de gouvernement. C’est ce qui se passe dans les démocraties parlementaires de certains de nos voisins, comme l’Allemagne ou l’Italie. Mais c’est aussi l’hypothèse évoquée par certains responsables politiques avant le second tour, en parlant de « gouvernement d’union nationale » ou de « gouvernement provisoire ».

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Toutefois, l’affaire semble pour l’instant mal engagée. Les principaux représentants de la gauche ont déjà écarté toute perspective d’alliance avec le camp macroniste et/ou la droite, refusant toute « alliance des contraires » ou tout « arrangement ». Si Emmanuel Macron ne s’est pas encore exprimé, le patron de Renaissance, Stéphane Séjourné, a déjà prévenu que le camp présidentiel présentera des « conditions préalables à toute discussion » en vue d’une majorité – les macronistes ont déjà exclu toute alliance avec La France insoumise (LFI), qui reste la principale composante de la gauche avec 74 députés. Le patron d’Horizons, Edouard Philippe, a lui aussi dit vouloir « favoriser la création d’un accord » sans le Rassemblement national (RN) ni LFI. Quant à Laurent Wauquiez, l’un des hommes forts des Républicains (LR), il a exclu de participer à « des tractations, des combinaisons, pour échafauder des majorités contre-nature » avec l’appui de la soixantaine d’élus LR et divers droite.

  • Un gouvernement minoritaire

Un gouvernement peut également être nommé et se maintenir sans avoir le soutien explicite d’une majorité absolue à l’Assemblée. C’était le cas des gouvernements macronistes d’Elisabeth Borne et de Gabriel Attal qui, entre 2022 et 2024, ne disposaient que d’une majorité relative de 246 sièges sur 577 (43 %) à l’Assemblée. Le camp présidentiel a réussi à maintenir ces gouvernements minoritaires pendant deux ans, car les oppositions de droite, de gauche et d’extrême droite n’ont jamais joint leurs forces pour les renverser. Les macronistes devaient chercher des majorités au cas par cas pour voter chaque projet de loi, et recourir régulièrement à l’article 49.3.

Un tel scénario pourrait théoriquement permettre au Nouveau Front Populaire de gouverner, mais il suppose qu’au moins 94 députés qui n’ont pas été élus sous les couleurs de la gauche acceptent de lui offrir leur soutien tacite. Le camp présidentiel pourrait aussi conserver le pouvoir, à condition de convaincre 121 députés de droite ou du centre gauche de le laisser gouverner. Au vu de leurs résultats, LR et le RN ont en revanche très peu de chances de conquérir Matignon de la sorte.

Une certitude : faute de majorité claire et stable, un gouvernement minoritaire vivrait sous la menace d’une censure à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait aboutir à la succession rapide de plusieurs gouvernements.

  • Un gouvernement technique

Si la situation est bloquée, la nomination d’un gouvernement « technique » pourrait s’imposer comme une porte de sortie. Il s’agit de nommer des ministres sans affiliation partisane pour gérer les affaires courantes et mettre en œuvre certaines réformes consensuelles, avec l’appui au cas par cas des différents blocs à l’Assemblée.

Une configuration que l’Italie a déjà connue à plusieurs reprises dans des moments de crise, mais qui n’a jamais été très durable. Difficile en effet pour un tel exécutif de se maintenir dans la durée faute de légitimité des urnes.

4. Peut-il y avoir une nouvelle dissolution prochainement ?

L’hypothèse d’un nouveau retour aux urnes pour clarifier la situation politique est en principe exclue dans l’immédiat. Selon l’article 12 de la Constitution, « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ». La nouvelle Assemblée nationale devrait donc siéger au moins jusqu’à l’été 2025.

Voici les principaux scénarios de formation possible d’un gouvernement à l’issue des élections législatives.
Retrouvez tous les articles explicatifs des Décodeurs dans notre rubrique « Pour comprendre ».
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