Insuffisance cardiaque symptomatique : la quadrithérapie favorisée par un titrage accéléré à distance

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

25 juin 2024

Lisbonne, Portugal — Dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque symptomatique, une titration accélérée s’appuyant en partie sur un télésuivi favorise la prescription d’une quadrithérapie optimale dans le respect des recommandations, selon l’étude TEAM-HF, dont les résultats ont été présentés lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) consacré à l’insuffisance cardiaque (Heart Failure 2024) [1].

Le suivi en ambulatoire dans le cadre d’une structure hospitalière spécialement dédiée à la titration rapide a permis une prescription des quatre traitements à plus de la moitié de la dose cible chez 44 % des patients à trois mois, tandis qu’aucun patient n’a eu une quadrithérapie à la dose cible avec la prise en charge standard (groupe contrôle).

Peu de patients sous quadrithérapie

Depuis les recommandations européennes de 2021, la quadrithérapie est préconisée en première intention dans le traitement de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection altérée (FEVG < 40 %). Il s’agit d’administrer un bêta-bloquant, une combinaison antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (ARA2)/inhibiteur de la néprilysine, un anti-aldostérone et un inhibiteur du cotransporteur du sodium-glucose de type 2 (SGLT2i ou gliflozine).

Malgré tout, peu de patients reçoivent cette association de traitements. Selon une récente étude américaine, « seulement 15 % des personnes hospitalisées pour insuffisance cardiaque se voient prescrire un traitement de fond avec quatre médicament conformément aux recommandations », a indiqué l’auteure principale, la Dre Aferdita Spahillari (Duke University School of Medicine, Durham, États-Unis), lors de sa présentation [2].

Des stratégies sont envisagées pour améliorer le suivi des patients en ambulatoire et la titration visant à optimiser leur traitement. L’étude STRONG-HF a été la première à mettre en évidence l’intérêt d’une titration accélérée. Dans cette étude, les traitements recommandés étaient tous administrés à demi-dose avant la sortie d’hôpital des patients admis pour une décompensation cardiaque.

Après leur sortie de l’hôpital, les patients étaient revus en consultation pour évaluer la tolérance à une, deux, trois et six semaines. À deux semaines, les traitements étaient augmentés jusqu’à la dose cible. Le risque de décès ou de réadmission pour insuffisance cardiaque a été nettement réduit avec cette stratégie, par rapport à la prise en charge standard, conduisant à l'arrêt prématuré de l’essai.

Optimiser le traitement en trois mois

Mené par la Dre Spahillari et ses collègues, l’essai TEAM-HF vise à évaluer une stratégie similaire, mais cette fois menée en partie à distance et dans le cadre d’une structure hospitalière spécialement dédiée à la titration des traitements de l’insuffisance cardiaque, codirigée par la cardiologue. Les patients pris en charge étaient stabilisés et n’avaient pas été hospitalisés.

Au total, l’essai a inclus 114 patients (âge moyen de 67 ans, 27 % de femmes) avec une insuffisance cardiaque symptomatique (FEVG moyenne de 37 %) ont été inclus. La cardiopathie ischémique était à l’origine de l’insuffisance cardiaque dans 40 % des cas.

Ils ont été appariés en 2:1 avec des patients atteints d'une insuffisance cardiaque, pris en charge en dehors de la structure en fonction de divers paramètres, comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique, l’origine ischémique de l’insuffisance cardiaque, la présence d’un diabète, de fibrillation atriale et de la FEVG à l’inclusion.

La structure hospitalière avait pour objectif d’assurer l’éducation thérapeutique des patients et d’obtenir une titration maximale tolérée pour les quatre traitements dans un délai de trois mois, conformément aux recommandations.

Les patients ont une première consultation avec un infirmier ou un assistant médical, puis un suivi par télémedecine pour le titrage des traitements et enfin une dernière visite sur place.

Un quart des patients avec une FEVG  50 %

À trois mois, le taux de patients sous quadrithérapie (critère primaire d’évaluation) est passée de 21 % à 88 % dans ce groupe de patients suivis dans le cadre de la structure. Dans le groupe contrôle, ce taux est de 0,9 % et se maintient à ce niveau à trois mois.

Concernant les critères secondaires, l’étude rapporte un taux de quadrithérapie à plus de la moitié de la dose cible passé de 3 % à 44 % à trois mois avec le titrage rapide. Aucun patient du groupe contrôle n’a rempli ce critère. Un quart des patients évaluant la nouvelle stratégie recevait la dose cible pour les quatre traitements à trois mois.

Ces différences dans la prescription de la quadrithérapie se sont traduites par une amélioration plus importante de la fraction d’éjection, la progression moyenne de la FEVG étant de 6 % dans le groupe titration accélérée. Plus d’un quart des patients ont retrouvé une FEVG ≥ 50 %.

L’initiation rapide de la quadrithérapie et la titration accélérée ont été bien tolérée, aucun signe d’altération de la fonction rénale n’a été rapportée. Deux événements sévères ont été observés : une hypotension symptomatique et un rash cutané sévère lié à l’administration de SGLT2i.

« TEAM-HF propose une nouvelle option de titration rapide s’appuyant sur une structure intégrée à un service de cardiologie, qui s’avère très efficace pour prescrire la quadrithérapie chez la majorité de patients », a souligné la Pre Jelena Celutkiene (Vilnius, Lituanie), qui a commenté l’étude par la suite [3].

« Il reste toutefois à connaître l’adhésion à long terme des patients une fois sortis du cadre de la structure », a ajouté la cardiologue. Les effets de la stratégie sur la diminution des hospitalisations sont également attendus.

La Dre Spahillari n’a pas déclaré de liens d’intérêt.

 

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