Interview

Rencontre avec Malou Khebizi : “J’ai remis en question toutes les injonctions faites aux femmes”

Après Cannes, Diamant brut était projeté à Biarritz à l’occasion de Nouvelles Vagues, ce festival de cinéma dédié à la jeunesse soutenu par Chanel. On y a rencontré sa tête d’affiche, Malou Khebizi, 21 ans et déjà l’étoffe d’une grande.
Malou Khebizi dans Diamant brut
© Pyramide Distribution

On aime à croire qu’Agathe Riedinger a pensé à son actrice quand il a fallu donner un nom à son film. Car c’est bien cela qu’est Malou Khebizi. Un diamant brut. Une comédienne au talent pur qui se révèle au monde avec cette fraîcheur et cette instinctivité qui font la grâce des premières fois au cinéma. Devant la caméra crue d’Agathe Riedinger, Malou est Liane, une influenceuse de 19 ans vivant à Fréjus auprès de sa mère et de sa petite sœur, qui rêve de devenir une star de télé-réalité. Sans jamais tomber dans la caricature, cette Marseillaise d’adoption nuance sa bimbo en mal d’amour tout en insufflant à chaque scène - elle est de tous les plans - une rage folle, celle de vivre une autre vie. Rencontre.

Tête-à-tête avec Malou Khebizi à Biarritz

Vogue. Comment “Diamant brut” est entré dans votre vie ?

Malou Khebizi. J’avais 18 ans, je travaillais en restauration en parallèle de mes études quand le réalisateur du court métrage dans lequel j’avais joué auparavant m’a envoyé l’annonce du casting. J’ai fait une vidéo de présentation dans la cave du bar avec des copines, puis j’ai rencontré la directrice de casting Julie Allione. Au bout de 8 mois, j’ai décroché le rôle.

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?

J’avais beaucoup de colère en moi, et je n’arrivais pas vraiment à mettre des mots dessus. Mais en prenant du recul, je pense que je ressentais une colère existentielle vis-à-vis de l’égalité des chances qui oublie beaucoup de gens. Faire ce film m’a permis d’exorciser mes démons tout en me forçant à faire ma propre thérapie, et surtout, à lâcher prise.

© Pyramide Distribution

Devenir Liane a dû nécessiter un immense travail de transformation. Racontez-nous.

Je devais absolument saisir ce paradoxe chez elle. À la fois, elle affiche une féminité exacerbée, que l’on pourrait juger superficielle, avec ses lèvres gonflées à l’acide, ses sourcils ultra épais, sa poitrine refaite, son contouring à l’extrême, ses extensions de cheveux.... Mais en même temps, son attitude va à l’encontre de ce que l’on demande à une femme. Elle ne croise jamais les jambes, elle se frotte le nez, elle ne sourit pas, elle marche frontalement, elle ne se tient pas droite. J’ai dû déconstruire toutes les injonctions faites aux femmes pour l’incarner. Tout cela n’était absolument pas naturel pour moi.

Le film donne à voir les multiples facettes de la télé-réalité, souvent snobée par la société et le cinéma. Quelle place occupe-t-elle dans votre vie ?

J’en consommais quand j’étais au collège. Et je réalise aujourd’hui qu’elle est accessible à un public beaucoup trop jeune. Mais j’ai eu la bonté d’esprit d’arrêter rapidement de regarder ces programmes qui normalisent le sexisme et le harcèlement.

© Pyramide Distribution

Pourtant, nombreuses sont les jeunes filles, comme Liane, à vouloir intégrer ce milieu.

Oui et je peux les comprendre. Je partage la vision d’Agathe à ce sujet car tout l’intérêt du film réside dans le fait de ne jamais juger ces candidates. Je trouve cela légitime, et respectable même, de rêver à quelque chose qui permette d’échapper à son milieu social. Ces femmes ont trouvé dans la télé-réalité, et l’influence qui en découle, une solution pour réussir et trouver leur place dans cette société ultra patriarcale et sexualisante. Ce qui est dénonçable, par contre, c’est le système sordide de ce milieu qui les exploite et les met en scène.

Le film met également en lumière la réalité de la génération Z qui est tous les jours confrontée au poids des réseaux sociaux et de l’image. Quel est votre rapport à ces applications ?

J’essaie de ne pas trop en consommer car j’ai de plus en plus conscience de leur toxicité. Les réseaux sociaux ne permettent pas la nuance, on aime ou on aime pas, et moi j’aime le débat. Je n’ai ni X ni TikTok mais j’ai Instagram et j’avoue faire très attention à ce que je poste. Il peut m’arriver de modifier quelques photos ou de ne pas partager une story quand je n’apprécie pas mon profil. J’ai besoin de contrôler mon image.

Cette quête de la perfection ne traduirait-elle pas, avant tout, notre besoin intarissable d'être aimé ?

Oui, j’ai énormément ressenti ce besoin-là quand j’étais plus jeune. À travers les réseaux sociaux, on vit un peu pour les autres et on espère leur validation. J’irai plus loin en disant qu’un être humain, seul, ne peut pas être pleinement heureux. Il a besoin d’un ailleurs, d’un extérieur, d’un groupe pour se sentir exister.

Diamant brut, un film d’Agathe Riedinger, avec Malou Khebizi, Andréa Bescond, Idir Azougli. En salles le 20 novembre 2024.

© Pyramide Distribution

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