Interview

Rencontre avec Clara-Maria Laredo, révélation solaire du film À son image

Rencontre avec Clara-Maria Laredo, une jeune actrice affirmée qui brille dans le film À son image de Thierry de Peretti, récompensé ce week-end à Biarritz.
ClaraMaria Laredo À son image
© Elise Pinelli

“Antonia est un personnage fort, puissant, nouveau. Il fallait une comédienne capable d’incarner cela, avec une intelligence de jeu, de capacité d’engagement et de réflexion” confiait Thierry de Peretti à l’issue de la projection biarrote de son nouveau film À son image, récompensé d’une Mention Spéciale par le jury du Festival Nouvelles Vagues, soutenu par Chanel. Cette comédienne, il l’a trouvée en la personne de Clara-Maria Laredo, une jeune corse de 20 ans, étudiante à Sciences Po, qui s’engage dans le cinéma comme en politique, avec élan, sincérité et lucidité. Devant la caméra de Thierry de Peretti, elle donne corps à une photographe en quête d’émancipation, au cœur des événements politiques qui ont bouleversé la Corse, des années 1980 à l'aube du XXIe siècle. Tête-à-tête avec cette nouvelle graine du cinéma, à suivre de (très) près.

Clara-Maria Laredo, la Corse au cœur

Vogue. Comment en êtes-vous arrivé à tenir le premier rôle du film de Thierry de Peretti ?

Clara-Maria Laredo. En parallèle de mon stage en tant qu’assistante parlementaire aux côtés de l’eurodéputé François Alfonsi, j’écrivais dans le journal autonomiste corse Arritti. Un jour, j’ai été amenée à parler du film Enquête sur un scandale d'État de Thierry de Peretti, sorti en 2020. Je suis allée le voir à Paris avec un ami qui, 3 mois plus tard, m’a parlé du casting sauvage qu’organisait Julie Allione pour À son image. Il m’a lancé le pari de m’y présenter et j’ai dit… cap !

Qu’est-ce qui vous a séduite dans le travail de Thierry de Peretti ?

Son cinéma vérité. Il aborde avec une telle justesse la société corse et ses complexités. Et pour l’anecdote, il avait retweeté ma critique de son film Enquête sur un scandale d'État, sans savoir que quelques années plus tard il m’offrirait le rôle d’Antonia !

Comment êtes-vous rentrée dans la peau de ce personnage ?

Je me suis mise à la photographie durant 2 ans. J’ai suivi une formation à l’École de photographie et de techniques visuelles Agnès Varda à Bruxelles pour apprendre à développer des photos et j’ai travaillé avec des photographes professionnels, comme Elise Pinelli, photographe de plateau du film, et Pierre-Antoine Fournil, ancien photographe à Corse-Matin. Puis, je me suis plongée dans l’histoire nationaliste corse, et le conflit yougoslave.

Quelle place occupe l’engagement dans votre vie ?

Je dirais que c’est l’une des mes raisons de vivre. J’ai commencé très jeune à m’engager. Vers 12 ans, je m’intéressais déjà à la politique et je voulais déjà savoir comment faire bouger les choses. J’ai baigné très tôt dans ce milieu grâce à mon père, qui a été le premier élu nationaliste et écologiste de l'Assemblée de Corse.

© Elise Pinelli

Le personnage d’Antonia, au contraire, observe, en retrait, au lieu de s’engager comme vous.

Je suis très éloignée d’elle en effet, et pourtant, elle m’a beaucoup apporté. J'ai appris à changer d’angle d’observation, à prendre de la distance sur les choses. Je pense aussi qu’elle est profondément engagée malgré son recul. Mais ce n’est pas un engagement politique, social et sociétal, comme le mien, mais un engagement philosophique et artistique. À travers son objectif, elle tente de capter une vérité qu’elle ne saisit pas toujours. Sa résilience est admirable.

Le film traverse vingt ans de luttes nationalistes à travers son regard. C’est un parti pris audacieux, et inédit, car rares sont les femmes à avoir parlé de ce qu’elles ont vécu à cette époque en Corse.

Oui, à ce moment-là, on ne parlait pas de ces femmes, et surtout, on ne les faisait pas parler. Et pourtant, elles ont été les actrices indirectes de ces années-là. Elles étaient déchirées entre l’intime et le politique. Je trouve cela merveilleux de pouvoir mettre en lumière un regard qui n’est pas entièrement centré sur le masculin et de mettre en avant une prise de parole féminine à une période où elle était tue.

C’est une démarche féministe ?

Oui, dans le sens où le film met en lumière l’émancipation des femmes à travers le personnage d’Antonia. Il traverse son intimité sans jamais l’objectiver, elle. Je pourrais même parler de male gaze inversé dans la manière dont elle regarde Pascal, son petit ami.

© Elise Pinelli

Quel regard portez-vous sur la jeunesse insulaire et sur l’avenir de la Corse ?

J’en suis et elle me donne espoir. J’espère que la Corse arrivera à une certaine autodétermination et autonomie. Mais vu le contexte hexagonal, les discussions sont mises entre parenthèses. La seule chose que j’espère à l’heure actuelle, c’est qu’un barrage soit fait à l'extrême droite.

Cette première expérience au cinéma vous a-t-elle donné envie de continuer ?

Oui, j’ai adoré jouer, j’ai d’ailleurs commencé le théâtre dès le lendemain de la fin du tournage. Pour la suite, je préfère ne pas me projeter et me laisser surprendre. Et puis, je dois terminer mon bachelor !

Quel conseil de cinéma, que vous ayez reçu de Thierry de Peretti, gardez-vous en tête ?

“Cœur chaud, lèvres froides”. À méditer…

À son image, un film de Thierry de Peretti, avec Clara-Maria Laredo et Marc'Antonu Mozziconacci. En salles le 4 septembre 2024.

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