« Aujourd’hui, en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans : 51 % de la population féminine majeure, un quart de la population majeure totale. Mais cette majorité réelle dans la vie est traitée comme une minorité invisible dans les fictions ! » Ainsi débute le Manifeste de la commission Tunnel de la comédienne de 50 ans de l'AAFA (Actrice, Acteurs de France Associés). Car si, aujourd’hui, une Française majeure sur deux a donc plus de 50 ans, les femmes quinquas apparaissent bien peu à l'écran. Une disparition à laquelle la commission AAFA-Tunnel de la Comédienne de 50 ans a bien décidé de s'attaquer.

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Blandine Métayer, comédienne et autrice membre de la commission, délimite très clairement l'entrée et la sortie du fameux tunnel. Les actrices s'y retrouvent coincées « à partir du moment où on considère qu'elles ne peuvent plus enfanter, c'est très lié au tabou de la ménopause », pour en ressortir « autour de 65 ans, quand on peut jouer les grands-mères ». Entre deux, « un no woman's land de vingt ans ».

L'importance de la représentation

« Il ne s'agit pas d'un combat de comédiennes en mal de rôles », précise d'emblée l'actrice, par ailleurs à l'affiche de sa pièce Je suis Top, où une femme au sommet de sa carrière revient sur son parcours le jour de sa consécration. « On pose plutôt la question : qu'est-ce que les fictions renvoient comme image lorsqu'elles gomment toute une partie de la société ? » Avec ses camarades, elle a compté. En 2015, sur tous les films sortis, les quinquas au féminin ne représentaient que 8% des rôles ; 6% en 2016. « Ça n'a pas bougé depuis, malheureusement... »

Qu'est-ce que les fictions renvoient comme image lorsqu'elles gomment toute une partie de la société ?

Porter ce sujet constitue une réelle lutte féministe pour les membres de la commission. « On subit le double standard du sexisme et de l'âgisme. Or, on sait que les représentations comptent, elles définissent une société. Je connais pléthore de femmes qui, après 45 ans, ont changé de vie, monté leur boîte, se sont lancées dans de nouveaux projets, et ça on ne le voit pas. On évince ces histoires. »

Ce qui pose problème à de multiples niveaux. D'abord, des quinquas qui se disent qu'elles n'existent pas ou que leurs vies ne méritent pas la peine d'être rapportées. Mais aussi des plus jeunes femmes qui ne peuvent pas se projeter et s'imaginent que tout s'arrête une fois la cinquantaine atteinte. « Quel miroir on renvoie ? Que raconte-t-on à nos enfants ? »

Des actions concrètes

C'est dans ce but que la commission, créée en décembre 2015 par la comédienne et autrice Marina Tomé, a lancé son manifeste, signé par de nombreux syndicats, corps de métiers et associations professionnelles en décembre 2018. En parallèle, « on essaie de mettre au point un test sur le modèle de celui de Bechdel », qui passerait au crible les fictions en tentant de répondre à différentes questions : « Y a-t-il au moins deux personnages de femmes de plus de 50 ans ? Parlent-elles d'autre chose que de leurs enfants ou leur mari ? Etc etc ».

La commission AAFA-Tunnel de la Comédienne de 50 ans réclame également une étude genrée par tranche d'âge des comédiens, afin de voir les pourcentages et la répartition des acteurs de fiction par âge. « Il nous faut des chiffres, pour une démonstration imparable. »

En attendant, qui pourrait agir concrètement ? « Les directeurs de casting sont conscients du problème. Malheureusement, ils ne se trouvent pas au départ des projets, eux reçoivent juste des instructions sur un casting à mener. Les scénaristes se retrouvent en face de producteurs qui leur disent "Celle-là, rajeunis-la un peu". C'est surtout au niveau des productions qu'il faudrait faire des efforts. Et des chaînes, des diffuseurs. Peut-être que s'ils comprenaient qu'il y a un marché, ça bougerait plus vite. »

D'autant qu'au-delà même des possibles retombées sonnantes et trébuchantes, « de tout temps, les artistes ont été messagers. On peut faire bouger les choses. Si on veut qu'elles avancent dans tous les secteurs de la société, il faut qu'on permette ces représentations. »