Née à Gennevilliers, Séphora Pondi déménage dix fois en Île-de-France avant ses 16 ans, au gré des mutations de ses parents, professeurs de gestion et comptabilité en lycée pro.

Comtesse

Dès qu’elle arrive dans un nouvel endroit, elle cherche l’adresse de la bibliothèque municipale.

Obnubilée par les romans de la comtesse de Ségur, elle se consacre par la suite aux livres réputés scandaleux. "Le Diable au corps... Rien que le titre a suscité mon intérêt!"

Play-back

Son père, un dandy habillé avec des vêtements de marque dégriffés, partage avec ses quatre enfants son goût pour la coquetterie et l’humour.

Il leur montre des pièces de boulevard et des films de Louis de Funès enregistrés sur des cassettes VHS.

"Plus je grandissais, plus l’écran prenait de la place..." À l’heure du dîner, elle baisse le son de la télévision et fait du play-back sur les J.T.

Vidéo du jour

Donjon

Elle étudie au lycée Jean-Baptiste Corot, situé dans un château avec des tours et un donjon, à Savigny-sur-Orge.

C’est dans "ce lieu enchanteur, au milieu d’une zone qui l’est un tout petit peu moins" qu’elle intègre un atelier de théâtre monté par une surveillante autour de textes contemporains.

Elle travaille particulièrement un monologue de Hamlet-machine de Heiner Müller, où une femme, malmenée par des hommes, raconte qu’elle a essayé de mettre sa tête dans un four.

Érotomane

Jeune adulte, ayant plus confiance, dit-elle, en son verbe qu’en son apparence, elle écrit des lettres aux metteurs en scène qu’elle admire.

"Un peu comme une érotomane, je leur disais que puisque j’avais aimé leur travail, ils ne pouvaient être que sensibles à ma personne..." 

Parmi ses destinataires : Stanislas Nordey, instigateur de 1er Acte, un atelier visant une plus grande diversité sur les plateaux, qui la sélectionnera pour sa première promotion, et Julie Berès, qui la fera jouer dans sa pièce Désobéir.

Telenovelas

En 2017, elle part jouer quelques semaines au Liban. De ce voyage, elle garde un souvenir marquant de la villa de son amie et metteuse en scène, à Nabatieh.

Il lui semble que cette bâtisse, bombardée dans les années 80 et en 2006 avant d’être restaurée, fait coexister le paradis et l’enfer.

Les colonnes, en façade, lui évoquent les maisons des "telenovelas" qu’elle regardait pendant les vacances d’été au Cameroun, dont elle est originaire.

Sieste

En 2019, Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, lui demande si elle serait intéressée par le fait d’intégrer la troupe... "Bien sûr !"

Pendant deux ans, rien de neuf mais elle ne perd pas espoir. Après une sieste qui la fait rêver du Français, elle reçoit un texto : Éric Ruf vient la voir jouer le soir même dans Mauvaise de Debbie Tucker Green à la MC93.

Deux mois plus tard, elle devient pensionnaire de la maison de Molière, où elle a une loge pour elle toute seule. Elle répète actuellement le rôle-titre de Médée, d’après Euripide.

Denis Podalydès 

Dans son premier spectacle salle Richelieu, Le roi Lear, elle est Kent, aux côtés de Denis Podalydès.

Le comédien l’avait subjuguée dans L’avare, créé sur cette même scène en 2009, avant d’être son parrain lors de l’atelier 1er Acte.

"Par pudeur, il ne m’a dit que très récemment et en présence d’une autre personne ce qu’il avait pensé d’une lecture que j’avais faite à cette époque." Des compliments, semble-t-il.

Le roi Lear, d’après William Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier, avec aussi Denis Podalydès... jusqu’au 26 février 2023. Et Médée, d’après Euripide, mise en scène de Lisaboa Houbrechts, avec aussi Didier Sandre... du 12 mai au 25 juillet 2023. 

Cet article a été publié dans le magazine Marie Claire numéro 845, daté février 2023.