#NousToutes : un rassemblement historique contre les violences faites aux femmes

Par Anne-Marie Kraus
manif nous toutes
Selon les organisatrices, 30 000 personnes ont défilé dans la capitale ce 24 novembre à l’appel du mouvement #NousToutes pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. Un rassemblement festif qui s’est déroulé sans incident.

Aujourd’hui, nous faisons le constat que grandir dans ce monde en tant que femme est un chemin parsemé d’obstacles dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Nous sommes stigmatisées, nous sommes discriminées pour être femmes.” 14h, place de l’Opéra. Les manifestants rassemblés s’engagent boulevard des Capucines. Direction place de la République. La foule violette, de la couleur des foulards et des pancartes distribués par les organisatrices du mouvement citoyen #NousToutes, est déjà compacte.

Ce ne sont pas nos jupes qui sont trop courtes, ce sont vos mentalités.

La chanteuse Inna Modja, l’humoriste Tristan Lopin, le duo Brigitte, la chroniqueuse Juliette Arnaud ou encore Muriel Robin, signataires de la tribune “Nous ne voulons plus des violences sexistes et sexuelles”, s'engouffrent derrière une banderole noire, sur laquelle il est écrit “Stop aux violences faites aux femmes”. Autour d’eux, des pancartes reprenant des slogans classiques des mouvements féministes (“Le féminisme ne tue pas, la misogynie oui”), d'autres rivalisant d'imagination pour les réinventer (“Ce ne sont pas nos jupes qui sont trop courtes, ce sont vos mentalités”).

Vidéo du jour

Contre la domination masculine des espaces et des corps féminins

Ce samedi gris n’a pas découragé les manifestants qui réclament l’égalité réelle entre les hommes et les femmes ainsi que la fin des violences sexuelles et sexistes. L’ambiance est festive et chaleureuse. Au milieu du cortège, des femmes scandent “Amérique latine, France, même combat”. Elles sont quelques dizaines autour d’un groupe de batucadas qui anime la marche, à scander “ni una menos” (pas une de moins), nom sous lequel se sont rassemblées les Argentines et Espagnoles en 2016, pour protester contre les violences faites aux femmes et notamment les féminicides.

Une Brésilienne d’une cinquantaine d’année tient une sobre pancarte blanche sur laquelle est écrit le prénom Marielle. Marielle, c’est Marielle Franco, membre du Conseil municipal de Rio de Janeiro qui a été assassinée le 14 mars dernier. Issue des favelas, noire et en couple avec une femme, elle représentait le renouveau de la gauche brésilienne. “Elle est un symbole, elle représente toutes les femmes noires qui ont été tuées ces dernières années et continuent à être tuées et qui sont encore plus en danger depuis l’élection de Bolsonaro. On a élu un président fasciste, homophobe, on n’a rien à célébrer au Brésil alors je suis venue en soutien de ce mouvement féministe pour protester contre le sexisme et les viols.

Un engagement collectif et pluriel

En effet, cette marche se veut la plus inclusive possible : des drapeaux lgbt flottent aux dessus des participants, un espace non-mixte est mis en place pour les femmes qui ne veulent pas marcher aux côtés d’hommes, des associations afro-féministes ou d’aides aux migrants prennent part à la mobilisation et un espace accessibilité est prévu pour les personnes en situation de handicap. Lisa, coordinatrice du mouvement #NousToutes l’explique ainsi : “Nous, femmes plurielles, payons chaque jour le prix de nos différences, de nos choix vestimentaires, de notre orientation sexuelle, de notre identité, de notre comportement dans l’espace public. Nous souhaitons réaffirmer que notre présence en tout lieu, en toute heure, est légitime.

Une jeune femme qui tient une pancarte “Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit” confie : “Je marche pour les droits de la moitié de l’humanité, c’est une évidence d’être là”. Autour d’elle, il y a autant d’hommes que de femmes, de tous âges et de tous horizons, tous réunis pour la même cause.

Nous souhaitons réaffirmer que notre présence en tout lieu, en toute heure, est légitime.

Les violences mises en lumières sont multiples : l’excision, les violences conjugales, les viols, les violences sur mineurs, les discriminations au travail, les agressions lesbophobes et racistes ... et les revendications sont nombreuses : la fin de l’impunité des agresseurs, le droit à l’avortement en Argentine ou en Pologne, le droit d’asile pour tous, une meilleure prise en charge des victimes par la justice, ou encore des politiques publiques à la hauteur de l’urgence et de l’importance de ces violences.

Monsieur le Président, engagez vous. Mettez les milliards sur la table pour les victimes !”, clame Caroline de Haas, militante féministe et organisatrice de la première heure de ce mouvement citoyen.

Une marche de grande ampleur

Pour Marie, étudiante, “c’est important de montrer que ce sont des questions qui nous mobilisent ailleurs que sur internet. Le mouvement MeToo s’est diffusé massivement sur les réseaux sociaux et c’était super important. Mais ça l’est tout autant de descendre dans la rue, de rendre visible le fait que l’on se sent concernés.” Arrivée sur la place de la République, plusieurs organisatrices et membres d’associations prennent la parole sur une scène. Caroline de Haas lance alors avec un grand enthousiasme : “Nous étions 30 000 aujourd’hui à Paris et 50 000 partout en France ! C’est la plus grosse mobilisation qu’on ait connu en France contre les violences sexistes et sexuelles.” Selon la police, il y avait 12 000 manifestants à Paris. 

Marie, dans la foule, ajoute : “J’espère que ce mouvement aidera certaine personnes encore réfractaires à réaliser l’ampleur de la situation. Mais comme il y a d’autres manifestations ce week-end, j’ai peur que cette mobilisation là soit un peu oubliée.” Pourtant, peu de gilets jaunes, qui organisaient un autre rassemblement à Concorde, ont croisé le chemin de la marche #NousToutes, qui s’est tenue dans le calme. Cette marche est donc un succès, à la fois pour la cause qu'elle défend que pour ce mouvement encore inconnu il y a quelques quelques mois. Pour les organisatrices, pas de doute : ce n’est que le début.

[Dossier] Défions le silence - 24 articles à consulter

La Newsletter Époque

Phénomènes de société, reportages, people et actualités... l'air du temps décrypté.