Entre 1976 et 2009, cinq millions de Français ont pris ce médicament qui a causé la mort de milliers de personnes. Après plus de dix ans, et un procès hors-norme, les laboratoires Servier ont reconnus coupables de "tromperie aggravée", "escroquerie", "homicides et blessures involontaires" et condamnés à 2,718 millions d'euros d'amende. 

"Malgré la connaissance qu'ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années, (...) ils n'ont jamais pris les mesures qui s'imposaient et ainsi trompé" les consommateurs du Mediator, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis, citée via Twitter par l'AFP. A noter également que l'ex-numéro 2 de la firme, Jean-Philippe Seta, ancien bras droit de Jacques Servier (décédé en 2014, ndlr) a quant à lui été condamné à quatre ans de prison avec sursis et 90.600 euros d'amende.

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Cette condamnation met un point final à une affaire hors-norme. Retour sur les moments charnières de ce scandale sanitaire très médiatisé, qui a commencé à germer il y a plus de dix ans, après l’alerte lancée par le Dre Irène Frachon

Le Mediator, c’est quoi ?

1976 - C’est la date du début de la commercialisation du Mediator par les laboratoires Servier, fondé par Jacques Servier. Mediator n’est autre que le nom de marque derrière lequel se cache le benfluorex, un principe actif pharmaceutique proche de l’amphétamine. À l'époque, ce médicament initialement destiné aux diabétiques en surpoids est surtout prescrit comme coupe-faim pour des patients souhaitant maigrir.

1990 - Le premier problème de santé imputé au benfluorex est détecté chez un patient sous Mediator. Il s’agit d’une valvulopathie, une défaillance au niveau des valves du cœur qui, dans un cas sur trois, nécessite une opération avec parfois le remplacement de la valve par une prothèse. 

Prise de conscience et retrait du marché

2003 - 2004 - L’Italie et l’Espagne sont les premiers pays à retirer le Mediator de la vente, après la découverte d’un cas de maladie cardiaque chez une Espagnole.

2007 -  La Dre Irène Frachon, pneumologue, se lance dans des recherches impliquant les effets du Mediator sur la santé cardiaque. Elle alerte l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, aujourd’hui  ANSM) sur onze cas de valvulopathie sous traitement. L’Afssaps recommande alors aux médecins de ne plus prescrire le Mediator.

2009 - Deux ans après la recommandation de l’actuelle ANSM, le produit est retiré de la vente en France, ainsi que deux autres antidiabétiques contenant du benfluorex. Il s’agit des génériques des laboratoires Mylan et Qualimed.

L’affaire éclate au grand jour

Juin 2010 - Le grand public découvre l’affaire avec la sortie du livre Mediator 150 mg, combien de morts ? publié par Irène Frachon. Elle devient la première lanceuse d’alerte en France et démontre que le Mediator est responsable d’effets secondaires cardiaques graves telles que l'hypertension artérielle et la valvulopathie. La valvulopathie foudroyante a été la cause de plusieurs morts dues au Mediator. On parle même de "signature Mediator" avec l'apparition d'un filament blanc autour de la valvule mitrale, située au dessus du ventricule gauche du cœur, et qui l’empêche de fonctionner correctement. 

Novembre 2010 - L’ANSM estime à 500 le nombre de décès liés à la prise de Mediator. Les premières plaintes sont déposées. 

Décembre 2010 - L’étude des épidémiologistes Agnès Fournier et Mahmoud Zureik font état de 2000 décès. Ces chiffres font encore aujourd’hui débat, et il reste encore impossible d’établir avec certitude le nombre de morts imputables au Mediator.

2011 - Les premières informations judiciaires sont ouvertes. Elles concernent majoritairement les laboratoires Servier.

2012 - Le 22 mai, s'ouvre le premier procès pénal de Jacques Servier et du laboratoire éponyme à Nanterre. En décembre, Jacques Servier est mis en examen pour "homicides et blessures involontaires".

2013 - Le 19 mars, c'est au tour de l’ANSM d'être mise en examen pour "homicide et blessures involontaire". Elle est notamment accusée d’avoir sous-estimé les effets secondaires du Mediator.

2014 - Jacques Servier décède le 16 avril.

2017 - Les laboratoires Servier sont jugés responsables civiles par la Cour de Cassation d’avoir commercialisé un produit "présentant un défaut". 

Un procès très attendu

2019 : Lundi 23 septembre, s’est ouvert un procès hors norme devant le tribunal correctionnel de Paris avec 376 avocats, 2 600 personnes constituées partie civile et quatorze accusés. Personnes physiques ou morales, elles sont mises en cause pour escroquerie, tromperie, et prise illégale d’intérêt. Il devrait se tenir jusqu’au 20 mars 2020. 

29 mars 2021 : Le parquet de Paris a donc condamné les laboratoires Servier à 2,718 millions d'euros d'amende, reconnus coupables de "tromperie aggravée", "escroquerie", "homicides et blessures involontaires".