Emprunt au vestiaire masculin devenu symptomatique de l'émancipation féminine, le tailleur pantalon fait partie de ces pièces emblématiques qui dépassent nos simples frontières stylistiques pour côtoyer les sphères du socio-politique. Pièce maîtresse de ce qu’on appelait dans les années 80 le power dressing, cet ensemble formel adapté à la silhouette féminine sous l'égide de Mugler ou de Claude Montana est d’emblée devenu synonyme de conquête, de pouvoir et de domination.
À la faveur d’une coupe pragmatique, adaptées aux besoins de mouvements d’une femme active devant jongler entre ascension professionnelle et injonctions personnelles, le tailleur pantalon coordonné joue alors de ses (larges) épaules, de son double boutonnage et de ses lignes aiguisées pour s’imposer dans le prêt-à-porter. Quitte, au fil des années, à se banaliser.
Exit la désirabilité et l’attrait de la nouveauté, l’ensemble se teinte à l’aune des années 2000 de morosité, l’ensemble costume apparaissant alors comme un énième carcan vidé de sa substance, symbole d’une libération féminine au goût d’inachevé et d’un plafond de verre qui reste (encore) à percer.
Hasard du calendrier (ou non), il revient sur les podiums au début des années 2010 sur fond de 3e vague féministe, tout en s’acquittant des lignes fantasmées dans lesquelles il a si longtemps baigné. Silhouette fluide, volontiers XXL, infusant le vestiaire genderless et les références streetwear, l’ensemble tailleur pantalon se teinte de décontraction, vecteur d’une attitude frondeuse qui se réapproprie l’uniforme d’une élite aux valeurs antagonistes. Cool et confortable, il quitte l’open space pour conquérir toutes nos sphères de sociabilité. Certes, mais comment le porter ?