Accessoire à l’ambivalente désirabilité, le bob fait partie de ces défis stylistiques que la mode et ses tendances aiment sournoisement nous lancer. Et pour cause, en dépit d’une présence assidue sur les podiums ces trente dernières années, le couvre-chef en forme de seau retourné, très justement nommé bucket hat aux U.S, n’a franchement pas été conçu dans une perspective esthétique.
Imaginé au début du siècle dernier, le bob est alors une pièce purement fonctionnelle dont se couvrent pêcheurs et fermiers irlandais en cas de fortes pluies. Outre ses larges rebords qui protègent le visage des projections d’eau, son design souple lui permet aussi de se glisser aisément dans les poches et autres recoins de notre tenue. Pratique donc.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi la guerre du Vietnam, une version standardisée en coton kaki se répand dans les rangs militaires : le "bob", diminutif de Robert et surnom des soldats portant le fameux chapeau, était officiellement né. C’est seulement dans les années 60 que la mode, comme beaucoup de pièces issues du vestiaire militaire, se le réapproprie et le décline à l’envie sous des considérations bien plus esthétiques que pragmatiques.
Dans les années 80, le bob est à son apogée sous l’impulsion de la scène hip-hop qui en fait un gimmick identitaire, de Big Bank Hank du Sugar Hill Gang à LL Cool J (et son célèbre bob Kangol rouge) en passant par les membres de Run DMC.
Au début des années 2000, c'est Jay-Z qui reprend le flambeau en s'affichant avec le mythique chapeau pendant que Miuccia Prada tente vainement de le réhabiliter dans une version de plumes et de paillettes qui ne saura pas faire l’unanimité. Moqué, stigmatisé, ringardisé, le bob se mue en effet dans les années 90 en comble du mauvais goût.
Il faudra attendre la fin des années 2010 (et une légère atmosphère d’apocalypse) pour que des créateurs comme feu Karl Lagerfeld chez Chanel et des taste-makers comme Rihanna en fassent de nouveau un objet de désir, ou du moins de style.
Flashback des eighties, envolée du vintage ou encore passion pour le vestiaire normcore : tout pousse aujourd’hui à la réaffirmation du bob pour femme dans le paysage modeux. Reste encore à savoir comment l’adopter.