La Malienne de 23 ans et maman d’une petite fille de 2 ans et demi est nommée aux Victoires de la musique dans les catégories “album de musique urbaine” avec Nakamura, sorti le 2 novembre, et “meilleure chanson originale” avec Djadja, son plus gros succès. En 2018, ses titres légers aux punchlines aiguisées ont pris tout le monde de court et Aya Nakamura s’est hissée aisément en tête des ventes. Fin mars, elle démarrera sa première tournée (déjà en très grande partie complète) avant d’attaquer les grands festival l’été prochain, dont le Printemps de Bourges.

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Quel est le point commun entre Édith Piaf et Aya Nakamura ?

Des records dans tous les sens. Aya Nakamura peut se vanter d'avoir "dead ça". Elle peut aussi continuer d'utiliser fièrement l'emoji "reine" à la fin de chacune de ses publications, car dès le premier jour de sortie de son album "Nakamura", le 2 novembre dernier, la chanteuse de 23 ans a détrôné les artistes du top Apple Music. Ses nouveaux morceaux ont occupé 9 places sur 10 du classement. Une première pour une artiste féminine française. Sur la plateforme de streaming Spotify, excellente performance aussi : 11 titres sur les 13 de son nouvel album se classent parmi les 50 chansons les plus écoutées.

Les chiffres les plus spectaculaires sont sur Youtube, où son titre phare, Djadja, sorti en avril 2018, cumule plus de 305 millions de vues. À la faveur d'Internet, les artistes ne sont plus enclavés. Ce tube de la chanteuse d'Aulnay-sous-Bois a fait le tour d'Europe : on chante et danse Djadja en Allemagne, en Suisse, en Autriche et aux Pays-Bas, où le titre s'est hissé en tête des ventes pendant deux semaines. C'est la première fois qu'une artiste française arrive à la première place des charts néerlandais depuis Edith Piaf avec Non, je ne regrette rien, en 1960. "La décadence" pour les haters. "Incroyable mais vrai" pour les fans.

Parlez-vous le Aya Nakamura ? 

Si les Néerlandais ne comprennent pas les paroles de notre nouvelle reine du R'n'B, les auditeurs français ne comprennent pas tout non plus. L'argot et les expressions amusantes d'Aya Nakamura ont fait partie, dès le départ, des ingrédients de son succès. Sur le refrain du single Comportement, son premier grand tube sorti il y a plus de deux ans, Aya Nakamura répète : "Je suis dans mon comportement." Comprendre : "Je suis bien dans ma peau. Je m'assume."

Dans Djadja, la femme veut faire taire les rumeurs que le fameux "Djadja" a inventé à son sujet et lâche : "Y a R". Plus que votre premier cheveux blanc, le véritable coup de vieux, c'est votre perplexité à l'écoute de cette phrase. Vos enfants/neveux/cousins auraient pu vous prévenir, "Y a R" = "Il n'y a rien du tout."

Et la chanteuse de 23 ans qui joue avec les mots et les sonorités pour réinventer la langue française d’affirmer à Libération : “Je parle pas comme une gogole pourtant. Y a des rappeurs, ils inventent bien pire. Ce qui étonne, c’est le fait que je sois une fille.”

Qui est ce Djadja ?

Des Pays-Bas à la Russie (Maestro Presnel Kimpembe avait ajouté le titre à sa playlist et les Bleus du fond du car appréciaient), le prénom "Djadja" était sur toutes les bouches. Sans que l'on comprenne véritablement son identité. 

Elle l'a surnommé "Djadja", mais peu importe son nom en réalité, expliquera-t-elle plus tard au magazine Modzik. "Ça ne veut rien dire, j’aurais aussi pu dire Bastien ou Antonin." Pour Aya Nakamura, un "Djadja", c'est un concept, la personnification d'un menteur, comme on dit d'un coureur qu'il est un "Dom Juan" - n'ayons pas peur des comparaisons. "Djadja" est plus exactement un colporteur de ragots sur des femmes dans le seul but de se vanter. Et si on aime hurler ce refrain, c'est aussi pour son message, pour prendre le lead sur le Djadja de nos vies. 

Pourquoi tant de haine ?

Au mois d'août dernier, Aya Nakamura accepte un selfie avec un ou une passant.e. Le cliché fait le tour de la Toile. Pourquoi celui-ci plus qu'un autre accordé à un autre fan ? Sur cette photo, Aya Nakamura s'affiche sans maquillage. Les internautes l'attaquent alors violemment sur son physique. Ce qu'ils lui reprochent : d'avoir "joué sur son physique" alors qu' "avec et sans maquillage, on dirait deux personnes différentes." Sous-entendu : seule une femme hyper-sexy peut avoir confiance en elle. Les commentaires mêlent sexisme et racisme, et reprennent des clichés sur les femmes noires qui seraient trop masculines : "Aya Nakamura sans maquillage ressemble beaucoup trop à mon pote Joseph", "Aya Nakamura sans maquillage, on dirait un mec de la cité"...   

Dans l’émission Clique, sur Canal +, début février, la star à qui un directeur artistique avait demandé de blanchir sa peau, est revenue sur cette obsession autour de son physique, en permanence scruté en commenté : “la France n'est pas habituée à voir une fille à la peau noire chanter, qui s'aime et s'assume totalement. J'ai reçu des critiques où on me comparait à un homme, on me disait “pour qui tu te prends, enlève tes faux cheveux, tu te maquilles trop”. Je m'assume totalement. Je mets des faux ongles, des faux cils, des mèches, je kiffe en fait. Je suis une meuf pas naturelle, mais tu ne peux pas m'en vouloir. Je suis comme ça. Quand t'es noir, c'est encore plus difficile parce que les gens ont du mal à l'accepter."

Peut-on dire qu'Aya Nakamura est féministe ?

“Quand une femme donne son avis, on ne l’écoute pas. Quand l’homme parle, on se dit qu’il a raison, même quand son idée est débile” déclare à Libération celle qui refuse qu’on lui colle l’étiquette de “féministe”. Aya Nakamura a la posture d’une femme fière. Les paroles et les thèmes de ses chansons : l'indépendance, la carrière, le sexe sans tabou, la confiance en soi. Aya Nakamura chante comme pourrait rapper un homme. Et ça fait du bien. C'est un personnage inédit dans le paysage du R'n'B féminin français. Avec Aya, pas de pleurs post-rupture entre deux vibes.