Aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe - dont la France -, une émergence d’infections à la bactérie Shigella a été signalée dès fin 2022. Pourtant bien connues des spécialistes, ce sont des souches bien spécifiques qui sèment le trouble. Elles auraient provoqué 5 % des shigelloses (maladies intestinales aiguës causées par la bactérie, ndlr) en 2022, contre 0 % en 2015, alerte le Center of Disease Control (CDC), dans un communiqué du 23 février 2023. Parmi elles, la Shigella sonnei et la Shigella flexneri.
Multirésistantes aux antibiotiques, ces Shigella que l'on appelle XDR (extensively drug-resistant) auraient la capacité de transmettre ce pouvoir à d'autres bactéries. Et elles seraient aussi plus difficiles à soigner. "En tant que tel, le CDC n'a pas de recommandations pour un traitement antimicrobien optimal des XDR", alerte l’agence de santé publique américaine.
Très dangereuse, la shigellose se rend responsable de diarrhées sanglantes, voire hémorragiques, et de vomissements conduisant à la déshydratation des patient.e.s. Elle tue près de 200 000 personnes dans le monde tous les ans, selon l’Institut Pasteur.
Une bactérie proche d’E.coli
De la famille des entérobactéries comme Escherichia Coli ou Salmonella, Shigella est aussi très contagieuse. Elle se transmet aisément par contact direct oro-fécal, dans le cadre d’un rapport sexuel ou via l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. "Seule une centaine de bacilles sont nécessaires pour provoquer l'apparition des symptômes", note Futura.
Puisqu’elle envahit la muqueuse du côlon, l’infection à Shigella ne peut être traitée par une simple réhydratation. La bactérie est habituellement combattue par un traitement à base d’ampicilline, de tétracycline, de sulfaméthoxazole-triméthoprime ou de chloramphénicol. D’autres molécules sont prescrites lorsque les antibiotiques de première ligne ne fonctionnent pas.
Mais les souches XDR n'ont que faire de cela. Selon les expert.e.s, elles résisteraient à chacune de ces substances, incitant même les autres pathogènes à devenir aussi plus coriaces face aux antibiotiques. "Les cliniciens traitant des patients infectés par des souches XDR disposent d'options de traitement antimicrobien limitées", s’inquiètent les professionnel.le.s américain.e.s. L’administration de fosfomycine ou de carbapénèmes aurait toutefois fait ses preuves au Royaume-Uni, notent-ils.elles.
Les hommes davantage concernés
En Europe, des cas ont été enregistrés dans près de 12 pays, dont 95 au Royaume-Uni, 47 aux Pays-Bas, 42 en Suède et 32 en France, d’après Food Society News. Tous étaient liés au Cap Vert. Aux États-Unis, les quatre cas signalés correspondent à "trois femmes et un homme âgés de 3 à 88 ans".
L’âge médian des personnes concernées entre 2015 et 2023 serait de 42 ans, avec 5 % d’enfants, informe le CDC. Seuls 13 % des malades seraient des femmes. Selon leur étude, les hommes ayant des relations avec d’autres hommes, les personnes sans domicile fixe et celles qui vivent avec le VIH seraient plus à risque d’être infectées.
"Compte tenu de ces problèmes de santé publique potentiellement graves, le CDC demande aux professionnels de la santé d'être vigilants quant à la suspicion et au signalement des cas d'infection Shigella XDR", écrit l’agence de santé publique. Il est recommandé aux personnes contaminées de bien s’hydrater, de se laver les mains régulièrement et d'éviter les contacts rapprochés avec autrui le temps de la maladie.