Déodorant : la pierre d’alun est-elle aussi inoffensive qu’elle le prétend ?

Par Auriane Hamon
pierre alun dangereuse
Face aux polémiques liées aux sels d'aluminium, elle remplace de plus en plus souvent les déodorants classiques dans nos salles de bains. Mais la pierre d’alun est-elle vraiment sans danger ? Décryptage.

Régulièrement au banc des accusés, les sels d’aluminium contenus dans la plupart des déodorants classiques sèment le trouble quant à leurs possibles effets néfastes sur la santé. De plus en plus de suspicieux, préférant plutôt prévenir que guérir, se tournent alors vers une pierre naturelle, la pierre d’alun.

Mais cette dernière est-elle aussi inoffensive qu’on l'imagine ? En effet, si la teneur en aluminium semble moindre dans la pierre d'alun naturelle que dans les anti-transpirants classiques, son innocuité à long terme n'est à ce jour pas prouvée. Et si les adeptes du produit sont légion, certaines peaux sensibles en reviennent. 

Emilie Jolibois, experte Recherche ingrédients cosmétiques chez Aroma-Zone, nous fait cependant relativiser : si ce minerai contient lui aussi des sulfates d’aluminium, la pénétration dans la peau – et donc les dangers – seraient quasiment inexistants.

La pierre d'alun : une pierre naturelle

Connue et utilisée depuis l'Antiquité, la pierre d'alun est une pierre naturelle, qui contient bel et bien de l'aluminium. En réalité, il s'agit d'un sulfate double d'aluminium et de potassium (Potassium Alum). On la rencontre sous plusieurs formes : soit elle est naturelle et se présente alors sous forme d'un minerai recristallisé après extraction de carrières (on la trouve aussi vendue sous forme de poudre) ; soit elle est dite "synthétique" ou reconstituée. Dans ce dernier cas, elle n'est plus composée de Potassium Alum, mais de sulfate d'aluminium et d'ammonium (Ammonium alum).

Naturellement astringente, elle bouche les pores et les glandes sudoripares et limite mécaniquement la transpiration et de fait, les odeurs liées à cette dernière. Il faut l'humidifier avant de l'appliquer sur une aisselle propre et sèche.

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Incompatible avec certaines peaux

Si elle est bien tolérée la plupart du temps, certaines peaux sensibles peuvent cependant êtres irritées par la pierre d'alun.

C'est l'expérience qu'a vécu d'Élodie : "J’ai utilisé une pierre d’alun naturelle pendant plus d’un mois. Les 15 premiers jours, j’en ai été très satisfaite. Certes, elle ne bloque pas autant la transpiration qu'un anti-transpirant classique mais aucune odeur gênante n'a été à signaler, même après un coup de stress ou avec des températures élevées." Et de poursuivre : "Problème, passé un bon mois d’application quotidienne, mes aisselles ont commencé à me démanger. Je me suis aperçue que ces dernières étaient devenues très sèches; elles s'étaient couvertes de plaques rouges et rugueuses. J’ai immédiatement stoppé son utilisation pour repasser aux produits d’hygiène vendus dans le commerce. J’ai mis 15 jours à retrouver des aisselles douces."

Une mésaventure peu surprenante étant donné les propriétés asséchantes de cette pierre, également connue pour ses qualités anti-bactérienne et hémostatique.

L'aluminium contenu dans la pierre d'alun est-il dangereux ?

C'est la question que l'on est en droit de se poser quand on sait que plusieurs études mettent en garde contre les sels d'aluminium contenus dans les déodorants issus de l'industrie cosmétique. "Contrairement aux déodorants classiques qui contiennent du chlorhydrate d’aluminium, la pierre d’alun contient des sulfates d’aluminium", nuance Emilie Jolibois. Or, ce sont bien les chlorhydrates d’aluminium qui ont été plusieurs fois étudiés et pointés du doigt ces dernières années. 

A tort ? Pas forcément, simplement, "on n’est pas vraiment sûr que ces substances pénètrent en quantité dans la peau." Et l'experte de relativiser : "Notre alimentation contient énormément d’aluminium également".

Sels d'aluminium : des études toxicologiques insuffisantes

En 2011, face à une absence d'études à la fois quantitatives et qualitatives menées sur le long court, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) commande une étude : "L'évaluation du risque lié à l'utilisation de l'aluminium dans les produits cosmétiques". Celle-ci est à la fois menée sur des peaux saines et sur des peaux lésées -après rasage. Cependant, les résultats restent insuffisants pour déterminer avec certitude un quelconque risque sanitaire.

L'ANSM* constate en revanche que la présence d'aluminium dans le sang est plus élevée lorsque la peau est sensibilisée avant application. À ce jour, elle recommande donc "ne pas utiliser les produits cosmétiques contenant de l'aluminium sur peau lésée". Pour autant, elle n'interdit pas la présence de sels d'aluminium dans les déodorants mais préconise un taux de 0,6% de cette substance par produit, afin d'éviter des risques systémiques.

Pour le Pr Alain Pineau et le Dr Olivier Guillard, qui ont étudié les dangers de l'aluminium et publié en décembre 2013 un article scientifique éloquent dans la revue "Journal of Trace Elements in Medicine and Biology"**, cette substance, qui traverserait bien la barrière cutanée, doit être diminuée dans les cosmétiques. Selon toute logique, ils appliquent également cette réserve à la pierre d'alun, considérant qu'elle contient également de l'aluminium.

Déodorant : les autres alternatives naturelles

Si la pierre d’alun, louée pour ses qualités naturelles et écologiques reste une alternative aux déodorants classiques appréciée, elle n'est toutefois pas la seule façon de se défaire des déodorants et anti-transpirants industriels.

"Si on souhaite éviter l’aluminium, on peut utiliser d’autres actifs que l'alun, comme le Bacti-Pur à diluer dans un hydrolat ou une solution aqueuse ou bien du bicarbonate de soude", détaille Emilie Jolibois. Utilisé pur sous les aisselles ou intégré à des recettes de déodorant maison, cet actif neutralise les bactéries responsables des mauvaises odeurs.

À défaut, de plus en plus de marques de cosmétiques, naturelles mais plus seulement, proposent des versions "sans sels d'aluminium" de leur déodorant. On en trouve en magasin bio mais désormais aussi en grandes et moyennes surfaces ainsi qu'en pharmacie, à tous les prix.

*http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/ad548a50ee74cc320c788ce8d11ba373.pdf
**https://www.researchgate.net/publication/259719819_If_exposure_to_aluminium_in_antiperspirants_presents_health_risks_its_content_should_be_reduced

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