Ruth Ozeki tend un miroir au lecteur avec «Le Temps d’un visage»
L’Américaine Ruth Ozeki se livre dans un émouvant et profond autoportrait au miroir
Que se passe-t-il si l’on se regarde dans un miroir trois heures durant, pas par narcissisme, ni pour se composer un masque, mais dans une quête de vérité? C’est cette expérience que raconte l’autrice américaine Ruth Ozeki dans ces pages, menée alors qu’elle avait 59 ans (elle est née en 1956 et ce livre a paru la première fois en 2016 aux Etats-Unis). C’est le visage de son père et de sa mère qu’elle voit peu à peu apparaître dans le sien. «En vieillissant, il m’arrive de les apercevoir furtivement, lui et ma mère, lorsque je me regarde, et ça n’est pas pour me déplaire.»
Les traits de sa mère d’origine japonaise et ceux de son père, Américain; un grand blond aux yeux bleus et une petite femme aux yeux marron et aux cheveux noirs. «J’ai grandi en me considérant comme moitié japonaise, même si ce mot «moitié» me perturbait. Moitié de quoi? Quelle moitié était laquelle, et comment définir la séparation?» Sur sa physionomie, elle déchiffre une part de l’histoire américaine, de douloureux antagonismes, l’union d’anciens adversaires, une victoire et une défaite, autant de couches historiques, mais aussi de préjugés. «Onze ans avant ma naissance, mes deux moitiés étaient des ennemis mortels. Le peuple de ma mère tuait le peuple de mon père, et vice versa.»