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L’impossible sérénité des sciences sociales

Dans sa carte blanche au « Monde », Anne Bory défend l’intérêt de sa discipline dans la compréhension du paysage actuel. Et s’inquiète des conséquences sur les libertés académiques que pourrait avoir l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

Publié le 02 juillet 2024 à 12h00 Temps de Lecture 2 min.

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Une carte blanche « sociologie », à écrire avant le premier tour des législatives anticipées et pour publication entre les deux tours : la coexistence entre « le savant et le politique » – dont Max Weber (1864-1920) a souligné l’intensité et la complexité dans son ouvrage du même nom publié en 1919 – a connu des jours plus sereins. Mais il serait illusoire de prétendre que les sciences sociales peuvent, voire doivent, se développer à distance du politique. Elles prospèrent bien plutôt autour de lui, contre lui, à son sujet. Plutôt que de prétendre à une séparation chimérique, mieux vaut assumer que le savant et le politique ont bien maille à partir, et tenter d’échapper à un repli désabusé.

Ce repli menace. Car tenter d’éclairer, par des données sociologiques, l’actualité et le monde social tel qu’il fonctionne dans l’entre-deux-tours d’une campagne marquée par la désinformation et de multiples réécritures de l’histoire, et à l’issue d’années particulièrement ingrates pour la recherche scientifique en général – et en sciences sociales en particulier –, paraît un peu vain. Que l’on parle de lutte contre le réchauffement climatique, de logement ou d’éducation, la prise en compte par le politique de l’actualité de la recherche publique est largement défaillante. Et ce alors même que la vigueur de cette dernière s’est maintenue malgré sa précarisation croissante.

Discours dévalorisants

Pourtant, la compréhension du paysage politique actuel doit beaucoup aux connaissances sociologiques. Plusieurs enquêtes ont largement documenté, au fil des dernières années, les ressorts du vote en faveur de l’extrême droite, à la fois en ville, dans les zones périurbaines ou rurales, notamment avec les travaux, respectivement, de Félicien Faury, de Violaine Girard ou de Benoît Coquard. Le cumul d’un sentiment profond de déclassement et d’abandon – étroitement lié à des services publics fragilisés –, d’une distance sociale très durement ressentie avec les pôles de décision politique et d’un racisme persistant, voire réactualisé, a largement contribué au poids électoral actuel de l’extrême droite. Ce racisme persistant, l’attrait pour des valeurs familiales réactionnaires, le déclin du catholicisme vécu comme une menace, l’inquiétude de voir des projets politiques redistributifs être mis en place ont, par ailleurs, en grande partie nourri le vote d’extrême droite des beaux quartiers. Les travaux d’Estelle Delaine, notamment, l’ont montré.

Comprendre le vote d’extrême droite n’empêche pas de le craindre, au contraire. L’expérience des scientifiques confrontés à des régimes d’extrême droite dans le Brésil de Jair Bolsonaro, en Argentine, en Turquie, faite de répression des libertés académiques, de fermeture de formations, de censure de tous les savoirs critiques et de persécution politique – comme dans le cas de la sociologue turque Pinar Selek –, ainsi que les discours terriblement dévalorisants sur les sciences sociales, portés dans l’espace public par une large frange du monde politique, fait en effet craindre des jours bien sombres pour l’enseignement supérieur et la recherche en général.

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