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Un jardinier au travail sur sa parcelle de terre, dans les Jardins ouvriers des Vertus d’Auibervilliers le 25 avril 2024.
ARTHUR MERCIER POUR « LE MONDE »

« Ces jardins font partie de notre héritage sociétal » : à la découverte des jardins ouvriers d’Aubervilliers avec le philosophe Emanuele Coccia

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Publié le 21 juin 2024 à 16h00

Temps de Lecture 5 min.

Les jardins des Vertus : quel plus beau nom pourrait-on proposer à un philosophe des plantes pour une sortie dans le Grand Paris ? Voilà donc, par un après-midi de printemps, Emanuele Coccia, avenue de la Division-Leclerc, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Vêtu d’un long manteau en laine, le penseur italien aux grandes lunettes qui lui mangent le visage cherche du regard la petite porte verte, grillagée et verrouillée, qui donne accès à ce qui s’apparente à un éden dans cet environnement urbain et bruyant. En effet, dès la sortie de la station de métro Fort-d’Aubervilliers, la poussière qui se dégage des travaux en cours embrume l’horizon.

Les jardins des Vertus, une étendue verte d’environ 20 000 mètres carrés, se trouvent là, eux, depuis le début du XXe siècle. A l’époque, on cultive des légumes sur la vaste et fertile plaine maraîchère des Vertus. Dans le même temps, en région parisienne, l’implantation des grandes usines attire des vagues de population rurale française et étrangère. La densité augmente, le monde ouvrier prend forme. C’est dans ce contexte que naît la doctrine du terrianisme, qui prône la valeur salvatrice du travail de la terre à l’opposé du travail industriel, et entend éloigner les ouvriers des bistrots.

Sous l’impulsion de l’abbé Lemire (1853-1928), prêtre démocrate chrétien et député du Nord, l’idée des jardins ouvriers, parcelles collectives à cultiver, se diffuse et s’implante dans les communes les plus industrialisées et les plus pauvres. Dans la couronne parisienne, c’est majoritairement au nord de Paris qu’on les trouve, à Saint-Denis, à Saint-Ouen, à Pantin, et donc à Aubervilliers. Les jardins viennent alors répondre à une demande vitale de culture vivrière pour alimenter les familles ouvrières qui connaissent la misère.

Au début du XXe siècle, 40 jardins ouvriers se créent sur le territoire de la Seine-Saint-Denis, et, à la fin des années 1920, 5 000 jardins existent dans le département. En 1935, au pied du fort d’Aubervilliers, la Société des jardins ouvriers des Vertus voit le jour au bar du coin, « Au bon accueil ». Aujourd’hui, l’association loue les terrains à l’établissement public Grand Paris Aménagement.

Le philosophe Emanuele Coccia, dans les jardins des Vertus, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 25 avril 2024.

Que reste-t-il de ce patrimoine potager et populaire à Aubervilliers ? « Ces jardins font partie de notre héritage sociétal. Ils sont une des formes que la nature urbaine a connues au fil de l’histoire, mais il ne faut pas oublier que ce sont les plantes qui ont été les premiers jardiniers de notre monde, rendant toute vie humaine possible sur Terre », estime Emanuele Coccia, auteur de La Vie des plantes (Rivages, 2016). Sous les yeux de ce penseur atypique, qui a étudié la botanique dans un lycée agricole isolé de l’Italie centrale, avant de se passionner de philosophie, la petite communauté des jardiniers des Vertus s’active. Le soleil enfin là, il est urgent de planter les boutures.

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