A l’entrée, dominant la vallée de Sóller, une parcelle mêle les espèces d’agaves et de cactus donnant au jardin des airs de sierra mexicaine. Après avoir franchi deux lourdes portes en bois anciennes, on pénètre ensuite dans un patio pavé, havre de fraîcheur empli de fougères, où un filet d’eau s’échappe d’un robinet rouillé et coule dans une vasque en pierre. Bienvenue au Corazón – « cœur », en espagnol.
« Un hôtel de luxe pour une nouvelle génération de voyageurs qui veulent vivre pieds nus, manger les fruits des arbres, nager de nuit dans la mer et se perdre dans les pins » Voici l’intention, qui pourrait émaner de la Beat Generation, affichée sur le site Internet de cette finca de quinze chambres inaugurée cet été par la photographe britannique Kate Bellm, connue pour ses clichés de mode à la féminité sauvage, et l’artiste pluridisciplinaire Edgar López.
Après un an et demi de travaux, ces deux Majorquins d’adoption vivant sur l’île des Baléares depuis dix ans ont redonné une âme à cette ancienne possessió – comme on désigne ici les fermes agricoles – du XVIe siècle, accrochée à flanc de montagne dans un virage de la route en lacets qui relie la ville de Sóller à Deià. Classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, cette partie du nord-ouest de l’île abrite la Serra de Tramuntana, une chaîne montagneuse où les falaises escarpées plongent dans la mer et où les grottes sous-marines offrent un éden aux plongeurs.
![La piscine de l’hôtel El Corazón et sa vue dégagée sur l’horizon méditerranéen.]( https://img.lemde.fr/2024/03/06/0/0/1005/1500/630/0/75/0/7d0803b_325882-3358512.jpg 1x, https://img.lemde.fr/2024/03/06/0/0/1005/1500/1260/0/45/0/7d0803b_325882-3358512.jpg 2x)
« Le ciel est d’un bleu de turquoise, la mer est d’azur, les montagnes vertes comme l’émeraude. L’air y est aussi pur que celui qu’on doit respirer au paradis », écrivait en 1938 Frédéric Chopin lors de son séjour avec George Sand sur cette terre historiquement prisée par les artistes. Du poète britannique Robert Graves à Mick Jagger, en passant par Paul Simonon, peintre et bassiste de Clash, nombreux sont ceux à avoir fréquenté cet eldorado préservé du tourisme de masse.
Fleurs sauvages, criques secrètes et nudité
« Nous sommes arrivés ici guidés par l’esprit bohème des années 1960 et 1970 », se souvient Edgar López, né à Guadalajara, au Mexique. Rien ne les prédestinait alors à ouvrir un hôtel. « A l’époque, on ne l’aurait même jamais imaginé », s’amuse-t-il. Adepte du nomadisme, le couple se rencontre quelques années plus tôt à Tulum, avant de partir sur les routes pendant quatre ans, du Japon à l’Inde, du Maroc à la Californie, vivant d’amour et d’expériences artistiques.
![La façade de l’hôtel El Corazón.]( https://img.lemde.fr/2024/03/06/0/0/1071/1500/630/0/75/0/b3d2b28_325886-3358512.jpg 1x, https://img.lemde.fr/2024/03/06/0/0/1071/1500/1260/0/45/0/b3d2b28_325886-3358512.jpg 2x)
Elle photographie, lui peint sur les murs des villes qu’ils traversent dans la grande tradition mexicaine des muralistes, de Diego Rivera à David Alfaro Siqueiros. En arrivant à Deià, ils sont saisis par la puissance naturelle de ce coin montagneux et y rencontrent une communauté d’artistes. « Tout un monde s’est ouvert à moi, composé de fleurs sauvages, de cascades, de criques secrètes et de nudité, qui est une norme ici », raconte Kate Bellm.
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