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« Détestable en soi, la xénophobie est aussi critiquable d’un point de vue économique »

Le patrimoine des Français est principalement constitué de leur logement, construit essentiellement par des travailleurs immigrés, rappelle l’historien Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique.

Publié le 03 juillet 2024 à 05h00 Temps de Lecture 2 min.

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Dans tous les pays, le logement constitue la part la plus importante du capital des ménages. La France n’échappe pas à cette règle : les maisons et appartements représentent quatre années de produit national brut, le double ou presque de tous les autres capitaux : actions, bâtiments professionnels et terres agricoles. Ce capital est récent. En France, presque les trois quarts des logements ont été construits après 1945. Ce capital est composé de béton, de briques, de parpaings, de verre, d’acier et de bois. Et s’il s’est accumulé grâce à des techniques simples (bétonnières, brouettes, truelles, pelles, Placoplatre), reposant essentiellement sur la force musculaire.

Contrairement aux clichés sur la modernisation et la fin du travail manuel, entre 1950 et 1980, le nombre d’employés dans le BTP a doublé en France, pour atteindre 1,7 million de personnes. Avec des fluctuations, les effectifs sont restés à des niveaux importants, si l’on inclut les intérimaires.

Cette force musculaire, la France l’a tirée pour une part non négligeable de l’étranger. Au milieu des années 1960, les entrepreneurs du BTP peinent à fixer la main-d’œuvre française et font face à l’augmentation des salaires. La substitution des nationaux par les étrangers s’intensifie. A la fin des années 1960, 30 % des ouvriers du BTP sont immigrés. En 1965, dans la région parisienne, le BTP emploie 78 % de Portugais, des hommes jeunes, certains fuyant le service militaire et les guerres coloniales. A cette époque, on retrouve énormément d’immigrés, algériens, marocains et portugais, sur les chantiers du périphérique, du RER et du quartier d’affaires de la Défense. « La main-d’œuvre portugaise est une main-d’œuvre banale, explique un rapport de la préfecture de la Seine, l’ouvrier portugais concurrence rarement l’Espagnol et encore moins l’Italien, il se trouverait plutôt au niveau du Marocain ou de l’Algérien. »

Angle mort de la préférence nationale

Quarante ans plus tard, dans sa remarquable enquête en immersion Chantier interdit au public. Enquête parmi les travailleurs du bâtiment (La Découverte, 2009), le sociologue Nicolas Jounin a retrouvé le même type de hiérarchie ethno-raciale, reposant aussi sur la date d’arrivée en France. Aux manœuvres sans qualifications, souvent noirs et parfois clandestins, reviennent les tâches les plus éreintantes : porter les échafaudages, charger les brouettes de ciment, ou encore faire de la démolition à la masse et au marteau-piqueur.

Selon Jounin, le racisme dans les chantiers ne vient pas de préjugés archaïques, mais sert à y maintenir la hiérarchie et l’obéissance. Par exemple, un maçon noir qualifié ne sera jamais traité de « Mamadou », à l’inverse d’un manœuvre intérimaire. Le racisme est une manière de justifier la position subalterne de certains travailleurs. La présence d’un Blanc surprend parfois les camarades de travail cités par Jounin : « Normalement les Français, ils ne sont pas ferrailleurs… Les Français disent que les Arabes prennent leur travail, mais tout ce qu’on prend c’est la merde. »

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