![Joseph dans le documentaire « Joseph à la folie », réalisé par Eden Shavit.](https://cdn.statically.io/img/img.lemde.fr/2024/06/28/0/0/2558/1437/664/0/75/0/0fdadc8_1719583542751-josephc380lafolie.png)
FRANCE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Quelques mots, peu de lumière. Joseph est schizophrène, mais ce n’est pas un documentaire sur sa maladie, c’est un documentaire sur qui il est. Joseph a la quarantaine, il dessine et déchire beaucoup. Ce qu’il préfère dessiner, ce sont les avions. Ce sont ses avions, plus précisément, il en est très fier. Dans ce film d’Eden Shavit, la maladie est placée au centre de la vie. Il montre qu’on peut vivre avec, qu’on peut rire avec, même si c’est bien plus difficile pour Joseph que pour les autres. Cigarette à la bouche, il nous fait découvrir sa vie, ses visions et sa mère, Sophie.
A l’occasion de ce tournage, il va voir son père. Il ne savait pas encore que ce serait la dernière fois qu’il le verrait en bonne santé. « On découvrira un père presque parfait, mais parfois malheureux », explique Joseph. C’est son accident frontal en 1990 qui a rendu triste son père, et toute sa famille d’ailleurs.
Alors Joseph parle de son revolver, de son suicide, il parle de lui à la troisième personne. Son père ne comprend pas, il fronce les sourcils. Et puis il se souvient. Il lui explique : « Tu vois des choses que je ne vois pas. » Joseph répond : « Je vois la réalité ! » Joseph grandit, il arrive à mettre des mots, à comprendre sa maladie.
C’est d’ailleurs le but de cette collection « L’Heure D » − qui en est à sa huitième saison avec quatorze films inédits − c’est « une autre façon de raconter la société par l’intime, avec des histoires jugées parfois trop singulières », selon Renaud Allilaire, directeur délégué du pôle Société et géopolitique de France.tv.
Errance médicale
« Les gens ne sont jamais complètement fous. Je pense que la folie ne s’exprime pas de la même façon selon les sociétés dans lesquelles on vit. » Voilà ce que pense la mère de Joseph, qui l’aide, lui coupe les cheveux, l’accompagne partout. Ce qui l’énerve, c’est l’errance médicale : « En psychiatrie, on fait fermer la gueule aux gens. Tant que ça sera ça, la psychiatrie, moi, je ne serai pas d’accord. »
Joseph n’en parle pas, mais on comprend qu’il a traversé des périodes extrêmement difficiles. Il n’y a que ceux ayant beaucoup souffert qui mettent un point d’honneur à aller bien. Mais la nouvelle tombe. Son père est malade, il a le cancer. « Je connais bien papa, c’est un homme courageux qui meurt souvent, dit-il. Cette fois, il va y rester. » Il mourra quelques mois plus tard.
Joseph retourne alors à l’hôpital de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis, un établissement dans lequel il a vécu dix ans. Sa mère lui prépare ses médicaments, dans une scène attendrissante et émouvante. « Je suis très fière de moi, j’ai réussi à t’en sortir », lui dit-elle. A l’époque, elle n’avait pas d’argent, elle fraudait, empruntait des voitures pour venir voir deux fois par semaine son fils qui avait été mis sous tutelle. Joseph ne s’en souvient pas.
La prison, c’est l’hôpital, les avions, c’est la maladie. Les avions qu’il voit, ce sont les effets des centaines de piqûres, les effets de la psychiatrie, des neuroleptiques, du LSD… « C’est difficile pour moi d’être Joseph tout seul. » Il parle de son avion à lui, il explique sa place, son fonctionnement. Quand l’un d’entre eux décolle, il n’a plus les mots, il reste bouche bée. Il se retourne : « Je t’emmène un peu plus loin dans mon rêve ? Allez, viens. »
Joseph à la folie, documentaire réalisé par Eden Shavit (Fr., 2024, 60 min). Disponible à la demande dans la collection « L’Heure D » sur France.tv.
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