![Image extraite du documentaire « Nos vies adultes », d’Alexandre Hilaire.](https://cdn.statically.io/img/img.lemde.fr/2024/06/19/0/0/1200/675/664/0/75/0/f731a48_1718800752329-nva-still07-0.jpeg)
FRANCE.TV - À LA DEMANDE - DOCUMENTAIRE
Le bâtiment n’a presque pas changé : plus de vingt-cinq ans après, Alexandre Hilaire est retourné entre les murs du lycée professionnel Marius-Bouvier, où il a fait sa scolarité, à Tournon (Ardèche), entre 1997 et 2000. A la périphérie de la ville, l’adolescent qu’il était alors découvre un environnement qu’il ne comprend pas, entre lieu de travail et univers scolaire. Il n’a pas choisi son orientation en BEP électronique : c’était la seconde générale, option cinéma, qui l’intéressait. « Je suis en colère, mais je ne le montre pas », précise le réalisateur en voix off.
Les images du cinéaste et de ses copains, coiffés et habillés à la mode des années 1990, sont les rushs de son premier film, Meurtre noir, sorte de thriller scolaire tourné entre couloirs et salles de classe, où il semble être question d’une enseignante psychopathe qui exécute les mauvais élèves. Le réalisateur se souvient s’être procuré trois sortes de faux sang dans un magasin de farces et attrapes. A l’époque, il avait pu compter sur les encouragements de toute l’équipe pédagogique. Malika, professeure de lettres-histoire qui enseigne toujours, l’aidait à écrire le scénario.
Ces images d’archives permettent au réalisateur de déployer le dispositif du film : retrouver ses comédiens, devenus adultes, et croiser leurs témoignages avec ceux des élèves aujourd’hui en filière électronique dans le même lycée. Eux non plus n’ont pas toujours choisi d’être là.
« Par hasard »
On rencontre ainsi Valentin, un lycéen de 15 ans − bien plus jeune qu’Alexandre Hilaire et ses camarades à l’époque, puisque, aujourd’hui, comme le rappelle Malika, on ne redouble plus. Arrivé ici « par hasard », mais décidé à faire carrière dans le sport, Valentin ne comprend pas les conseils qu’on lui donne. « On me dit “tu ne peux pas faire Staps [sciences et techniques des activités physiques et sportives] parce que t’as pas le niveau”, s’agace-t-il lors d’une séance d’aide à l’orientation. Mais comment vous savez que j’ai pas le niveau ? »
Les retrouvailles avec les vieux amis, souvent touchantes, racontent en creux la même chose. Si les anciens élèves rapportent que ça ne s’est pas si mal terminé pour eux, ils disent aussi leur sentiment d’impuissance devant des choix que l’on a, bien souvent, plus ou moins faits à leur place. Et qui ont laissé des traces. Aydin, grand jeune homme à l’air timide sur les images tremblantes du Caméscope, a aujourd’hui sa propre société dans le bâtiment. Mais, à l’époque, il s’intéressait à la philosophie et rêvait d’études de psychologie. « J’aurais préféré avoir une vie plus équilibrée, où je fais un métier que j’aime, regrette-t-il. Je fais un métier malgré moi. »
Le lycée professionnel traverse aujourd’hui une crise existentielle que le film ne cherche pas à éviter. Régulièrement réformée, la « voie pro » a vu la part de l’enseignement général se réduire au profit du temps en atelier et plus récemment des stages en entreprise. Malika en témoigne : avec le temps ont disparu les heures qui permettaient d’ouvrir les élèves à la culture et d’encourager leurs projets. Comme ce film, le tout premier d’un lycéen devenu cinéaste, dont les images viennent clore ce joli documentaire.
Et le réalisateur de se demander, dans une conclusion en forme de question : « Est-ce que demain, au lycée pro, les élèves auront la même possibilité que nous ? La même liberté ? »
Nos vies adultes, d’Alexandre Hilaire (Fr., 2024, 51 min). A voir en replay sur la plate-forme France.tv, jusqu’au 30 juin.
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