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« Casse du siècle au Liban », sur Arte : retour sur l’effondrement économique du Liban

Des politiciens champions de l’évasion fiscale, une mafia prédatrice : le documentaire retrace, de façon très didactique, l’histoire d’une banqueroute programmée.

Par  (Beyrouth, correspondante)

Publié le 18 juin 2024 à 16h31, modifié le 18 juin 2024 à 16h31

Temps de Lecture 3 min.

Image extraite du documentaire « Casse du siècle au Liban », de Sylvain Lepetit et Miyuki Droz Aramaki.

ARTE – MARDI 18 JUIN À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE

Avec ses politiciens corrompus et ses banquiers véreux, l’effondrement économique et financier du Liban, entamé en 2019, recèle une intrigue qui pourrait inspirer un film de gangsters, s’il n’était une telle tragédie pour les Libanais. Du Casino du Liban à la Banque centrale, des villages paupérisés de l’Akkar aux immeubles détruits dans l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, les réalisateurs de Casse du siècle au Liban démêlent les fils de cette intrigue.

Remontant l’histoire, de l’indépendance du pays en 1943 aux événements dont ils ont été témoins comme journalistes installés au Liban depuis 2017, ils livrent un documentaire qui se veut exhaustif, sans oublier d’être didactique.

Les acteurs de ce hold-up, l’oligarchie politico-financière qui a vidé les coffres du pays du Cèdre, sont confrontés à leurs victimes, des Libanais à qui l’Etat n’a plus rien à offrir, pas même l’électricité ni un salaire décent. Observateurs consternés d’une impasse qui dure depuis cinq ans, des journalistes et des lanceurs d’alerte, des avocats et d’anciens ministres décryptent cette descente aux enfers.

Enrichissement sans limites

Tout commence bien avant la guerre civile (1975-1990), qui a porté au pouvoir les seigneurs de guerre. Dans un Liban opulent, cette « Suisse du Moyen-Orient » devenue un paradis fiscal et la proie d’un capitalisme sauvage, la guerre civile a exacerbé le confessionnalisme, qui mine l’Etat déjà faible. Au bénéfice d’une loi d’amnistie, les chefs de milice sont devenus politiciens et chefs communautaires, zaïms. Six familles politiques se partagent, depuis trente ans, le pouvoir avec pour seul objectif la préservation de leurs intérêts.

« Au Liban, le pays appartient à une mafia », résume le journaliste Riad Kobeïssi, auteur de nombreuses révélations restées sans suite sur des affaires de corruption. Champions de l’évasion fiscale, les politiciens libanais entretiennent des liaisons incestueuses avec les banques. Le Beyrouth de l’après-guerre, dirigé par le premier ministre Rafic Hariri, un milliardaire sunnite qui a fait fortune dans le BTP en Arabie saoudite, et le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, son ancien gestionnaire de fortune, devient le théâtre de la démesure, de l’enrichissement sans limites.

« S’est mis en place un mécanisme qui consistait, comme l’a dit Hariri lui-même, à acheter la paix civile avec la dette », explicite l’ancien ministre Charbel Nahas. Chacun a sa part du gâteau. Le Liban entre dans une spirale de surendettement, sans investir dans les secteurs productifs et les infrastructures.

Pyramide de Ponzi

Le président Jacques Chirac essaie de sortir son ami Hariri de ce faux pas en organisant à Paris des conférences internationales qui apportent des milliards de dollars au Liban, mais les responsables libanais ne font pas les réformes attendues. Avec la guerre civile en Syrie, dès 2011, et le départ des capitaux du Golfe, le pays s’enfonce.

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Aujourd’hui sous enquête en Europe pour détournement de fonds publics et blanchiment d’argent, Riad Salamé est accusé d’avoir monté une pyramide de Ponzi à l’échelle de l’Etat, en attirant les capitaux des Libanais de la diaspora. Ses ingénieries financières n’ont fait que retarder l’effondrement de l’Etat qui, en 2019, a un trou de près de 70 milliards d’euros à combler. L’imposition d’une taxe sur la messagerie WhatsApp pousse la jeunesse libanaise dans la rue, en octobre 2019. L’oligarchie politico-financière vacille, mais tient bon face à la « thawra » (« révolution »).

Lire le reportage (2019) : Article réservé à nos abonnés Au Liban, la jeune génération manifeste pour crier sa détresse

Quatre millions de Libanais découvrent, médusés, que les banques leur ont bloqué l’accès à leurs économies − qui ne valent bientôt plus rien avec la dévaluation de la monnaie nationale et l’hyperinflation. Ceux qui ont des dollars surmontent la crise, les autres basculent dans la pauvreté. Comme Sally Hafez, une architecte d’intérieur, qui a braqué sa propre banque, avec une arme factice, pour obtenir son argent afin de payer les soins de sa sœur, atteinte d’une tumeur au cerveau.

Accrochés au pouvoir, les dirigeants libanais refusent toujours de faire les réformes. Avec l’aide d’une justice aux ordres, ils ont même réussi à échapper à leurs responsabilités dans l’explosion du port de Beyrouth. Aux 220 victimes de cette négligence criminelle s’ajoutent celles du quotidien. « Quand vous infligez à une population ce que vous lui avez infligé, économiquement et financièrement, vous la tuez à petit feu », se désole l’ancienne ministre de la justice (2020-2021) Marie-Claude Najm.

Casse du siècle au Liban, de Miyuki Droz Aramaki, Sylvain Lepetit et Sébastien Séga (Fr., 2024, 94 min). Sur Arte.tv. Jusqu’au 7 juillet.

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