![](https://cdn.statically.io/img/img.lemde.fr/2024/05/23/0/0/2835/1890/664/0/75/0/4639563_1716470740672-le-monde-escalade-def-v2.jpg)
Le corps est en pleine tension. Le bras d’Etienne (les personnes interrogées n’ont pas souhaité donner leur nom de famille) tente à tout prix d’atteindre le bloc violet, sous les encouragements de ses compagnons du jour. Son doigt couvert de magnésie effleure la prise, son corps tremble, en vain. Il se laisse retomber lourdement plus bas, sur le tapis prévu à cet effet. Tristan tapote l’épaule de son camarade. A deux, ils évaluent la manière de réussir ce parcours violet – le plus difficile dans une salle d’escalade.
A priori, Tristan et Etienne n’ont rien en commun. Le premier, 33 ans, est professeur des écoles à Vigneux-sur-Seine (Essonne). Le deuxième, 17 ans, est en terminale dans un lycée parisien. Pourtant, depuis six mois, ils se retrouvent plusieurs fois par semaine dans la même salle. « En général, j’arrive pour quelques heures… et je me retrouve à sécher les cours en restant ici jusqu’à tard le soir ! », confie le plus jeune.
Dans une ancienne manufacture du 20e arrondissement de Paris, près de Nation, deux zones de grimpe ont été aménagées par Arkose, leader français de l’escalade urbaine. Sur des murs de près de cinq mètres de haut, sans corde, des dizaines de sportifs en herbe s’efforcent d’atteindre le sommet en s’agrippant aux différents blocs de couleur. Ils sont nombreux à avoir eu l’idée de venir s’y frotter en ce jour férié du mois de mai. « Il y a environ 7 000 entrées par semaine, c’est hors norme par rapport aux autres salles de la franchise », explique Maxime Jublot, directeur de ce lieu idéalement placé par rapport au métro.
La fabrique du grimpeur nouveau
Depuis quelques années, la discipline connaît un véritable engouement en France. Il existe ainsi près de trois cents salles en France aujourd’hui, alors qu’il n’y en avait qu’une quinzaine au début des années 2000. « Pendant des années, l’escalade se pratiquait plutôt à l’extérieur ou dans des salles gérées par des instances publiques, relate Eric Boutroy, anthropologue spécialisé dans le sport, maître de conférences à l’université Bernard Lyon-I. Mais depuis les années 2010, un grand nombre d’acteurs privés s’est lancé dans l’aventure. »
Dès leur entrée sur le marché, les leaders Arkose et Climb Up ont proposé des offres qui correspondaient davantage aux populations urbaines ou périurbaines : des amplitudes horaires plus larges et en continu, avec des offres renouvelées régulièrement. « La marchandisation et “l’indoorisation” [le fait que l’escalade se pratique désormais en salle] ont permis de fabriquer de nouveaux grimpeurs », poursuit Eric Boutroy. Le public est généralement vingtenaire, diplômé, plutôt masculin, souvent sans enfants. Surtout, les adeptes pratiquent très peu l’escalade à l’extérieur.
Il vous reste 69.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.