![Le Cake Club, un bar à cocktails de Kreuzberg, dans le centre de Berlin.](https://cdn.statically.io/img/img.lemde.fr/2024/05/23/0/0/5616/3744/664/0/75/0/e50d840_1716471429990-aurimages-art-histoire-lc14-berlin-mc0905.jpg)
Du Wi-Fi gratuit et du café haut de gamme, le tout dans une salle moderne : la recette fait carton plein à Berlin. Les établissements de ce type ont poussé comme des champignons dans les anciens quartiers populaires de la ville, depuis une dizaine d’années. Ils côtoient désormais les döner kebabs et les épiceries bon marché. « On doit bloquer des tables sans ordinateur, sinon les gens qui ne travaillent pas ne rentrent même pas », déclare en soupirant, dans un anglais parfait, le serveur de The Visit, à Kreuzberg. Avant la chute du Mur, ce quartier accueillait pêle-mêle artistes fauchés, punks anarchistes et immigrés turcs. Aujourd’hui, en pleine gentrification, il voit arriver les free-lances et « nomades numériques » qui sont nombreux à y emménager, comme un peu partout dans le centre de la capitale.
Ces graphistes, vidéastes, experts en marketing numérique ou entrepreneurs souhaitent échapper à une vie de bureau classique, perçue comme morne et aliénante. « Le CDI, quel enfer ! Cinq jours par semaine au même endroit, non merci », s’exclame Magdeleine (elle n’a pas souhaité donner son nom de famille), 24 ans. Elle a emménagé à Berlin avec deux amies après des études de design graphique à Paris. « On savait que ça bougeait beaucoup à Berlin sur le plan artistique, alors on s’est lancées en free-lance ici. Chacune a un job à côté pour démarrer », poursuit la Française qui habite en colocation dans le quartier de Friedrichshain, dans le centre de la capitale.
Le mode de vie qui combine voyage et travail à distance est devenu courant ces dernières années, d’autant plus depuis la pandémie de Covid-19. « De nombreux jeunes diplômés souhaitent l’essayer en entrant sur le marché du travail, explique Olga Hannonen, chercheuse en mobilités à l’université de la Finlande orientale. Ils veulent avoir la liberté de choisir leur lieu et leurs horaires de travail. Ils s’installent dans des villes où le coût de la vie est moins élevé, et choisissent les quartiers les plus touristiques et attractifs. Cette mode a vraiment explosé depuis le Covid-19. » A l’échelle mondiale, ils auraient été 40 millions début 2023, selon la Confédération mondiale du voyage pour la jeunesse, étudiants et éducatifs.
Contre-cultures
A Berlin, on trouve de nombreux nomades aux métiers créatifs. La capitale allemande a en effet été une caisse de résonance pour de nombreuses contre-cultures, comme le street art des années 1980 ou la techno des années 2000. « Les gens sont très libres et s’affirment, ils n’ont pas peur de s’habiller bizarrement », note Paulina (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), 24 ans, en sirotant un cappuccino. Cette graphiste indépendante travaille souvent depuis le même café en bas de chez elle, à Kreuzberg. « En Russie, d’où je viens, ce ne serait pas toléré. En tant qu’artiste, cette liberté est très importante pour s’exprimer. J’y puise mon originalité, et c’est aussi ce que mes clients viennent chercher », poursuit celle qui gagne entre 1 500 et 3 000 euros net par mois.
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