Interview

Qui est Souheila Yacoub, l'actrice suisse que l'on verra partout en 2024 ?

Si la comédienne Souheila Yacoub ne débute sa carrière qu'une fois ses 20 ans passés, elle s'est vite affirmée sur les planches de théâtre et plateaux de tournage. Rien que cette année, elle est à l'affiche de 4 films, dont le blockbuster américain Dune : Deuxième partie. À cette occasion, on s'est entretenus avec elle.
Souheila Yacoub
Andreas Rentz / Getty Images via AFP

En décrochant un rôle dans Dune : Deuxième partie, l'épopée fantastique de Denis Villeneuve, Souheila Yacoub fait ses premiers pas à Hollywood. Ce qui apparaît comme un rêve aux yeux de la comédienne n'est pas tant une surprise pour nous, qui suivons sa carrière grandir depuis quelques années. Révélée devant la caméra de Gaspard Noé dans Climax (2018), Souheila Yacoub répète ensuite son succès dans plusieurs long-métrages, dont le film d'Anaïs Volpé, Entre les vagues (2021), qui était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs lors de la 74ème édition du Festival de Cannes. Ce récit sublime, qu'elle porte main dans la main avec sa partenaire de jeu Déborah Lukumuena, est certainement celui que l'on retenait comme étant le plus abouti de sa filmographie. Souheila Yacoub ne s'est pas arrêtée depuis, elle enchaîne les rôles dans diverses productions françaises : une ex-danseuse reconvertie en cheffe cuisinière dans le réjouissant En corps de Cédric Klapisch, une trentenaire écolo partie vivre dans une communauté autonome dans Avant l'effondrement d'Alice Zeniter et de Benoît Volnais ou encore une comédienne qui tente de faire sa place sur un tournage chaotique dans la comédie Making Of de Cédric Kahn, plus récemment. À 31 ans, l'actrice née en Suisse s'envole désormais outre-Atlantique pour faire ses armes aux côtés de jeunes talents déjà bien installés dans l'industrie : Timothée Chalamet, Zendaya, Austin Butler et Florence Pugh, entre autres. Dans le second volet de Dune, elle interprète Shishakli, une guerrière Fremen de la planète désertique Arrakis.

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Quelques semaines après la sortie du blockbuster dans les salles obscures, et le tumulte de la tournée promotionnelle mondiale qui l'a précédée, Vogue France s'est entretenu avec Souheila Yacoub au sujet de cette belle parenthèse hollywoodienne, mais aussi de ses débuts au cinéma et de projets à venir.

Rencontre avec l'actrice montante Souheila Yacoub

Vogue. Quel est votre premier souvenir de cinéma ?

Souheila Yacoub. Pour être totalement honnête, je ne crois pas en avoir. J'ai fait du sport pendant quinze ans, dont de la gymnastique dans une équipe nationale pendant huit ans. Au total, je faisais plus de quarante heures de sport par semaine. J'ai du mal à me rappeler si j'avais vraiment une vie à côté. J'ai même arrêté l'école à 17 ans pour les Jeux olympiques… Aujourd'hui, c'est comme si j'avais effacé cette partie de ma vie, comme si j'avais un grand black-out de ce qui s'était passé avant mes 20 ans. J'ai l'impression de ne pas avoir vu de films avant, ce qui est probablement faux, mais je n'ai pas de souvenirs. C'est triste. En revanche, je me revois regarder des making-of. Je ne sais plus de quels films il s'agissait, mais j'adorais les bêtisiers. Je voyais les gens rire, ou alors travailler, et je trouvais ça fascinant quand j'étais petite. Donc c'est peut-être là que j'ai commencé à me dire que j'aimerai faire un métier comme ça, où il y a des émotions.

Vous souvenez-vous de votre arrivée à Paris et de vos débuts en tant que comédienne ?

Je m'en souviens très bien. Après tant d'année passées sous l'emprise du sport, en ayant très peu de libertés et une grande tristesse, j'ai été prise aux Cours Florent, à Paris. J'ai eu de la chance car j'ai reçu une bourse d'études qui me permettait de m'y rendre. À cette époque, c'était compliqué financièrement, je venais d'arrêter la gym et je n'avais pas de diplômes. Cette aide, c'était quelque chose d'énorme pour moi et ma famille. Je débarque donc à Paris, tard dans la nuit, toute seule avec ma valise, et mon gros sac à dos de voyage. Il y avait plein de lumières, j'étais rue de Rivoli et j'avais l'impression d'être à Hollywood. C'était la première fois depuis longtemps que je respirais. J'étais vraiment heureuse. J'avais 20 ans et je crois que ça faisait longtemps que je n'avais pas souri en me baladant. J'avais l'impression que ma vie commençait.

Aujourd'hui, que direz-vous à la Souheila de 20 ans ?

Au-delà de se faire confiance, je lui dirais : “Je sais que c'est dur maintenant, mais tu verras, les gentils gagnent toujours.”

Vous vous êtes dirigez vers le cinéma, mais vous apparaissez aussi dans des séries. Avez-vous une préférence ?

C'est un travail différent. C'est vrai que sur les séries, on a davantage la possibilité, et le temps, de développer son personnage. Par exemple, en jouant la saison 2 de No Man's Land qui sort bientôt, j'étais super heureuse d'avoir - en quelque sorte - une seconde chance avec mon personnage, Sarya, et de voir comment elle pouvait encore évoluer. Depuis 2019, et le début du tournage de la première saison, j'ai eu le temps de travailler le rôle, mais aussi l'univers. Sinon, je suis aussi une grande bingeuse de séries… Je peux rester des heures à en regarder, que ce soit seule ou accompagnée. Il me faut juste de quoi manger devant !

Le public français vous remarque surtout dans Entre les vagues (2020), qui a été présenté au Festival de Cannes. Qu'est-ce que ce film représente pour vous ?

Entre les vagues a été un vrai beau tournage pour moi. J'ai d'abord eu un énorme coup de cœur à la lecture du scénario, surtout pour les deux rôles principaux. Ce sont des femmes complexes et fortes. Le film raconte leur amitié en sortant des clichés sur la rivalité féminine. Évidemment, il y en a, de la rivalité. C'est ce qui fait que les feux femmes se retrouvent en conflit avec elles-mêmes. Mais c'est aussi ce que j'aime : les défauts. Souvent, je trouve qu'il n'y en a pas assez dans les rôles féminins. Or on en a pleins. Des défauts, des colères. C'est ce qui m'attire dans ma carrière, mais je crois que je crois que je m'égare.

Entre les vagues d'Anaïs Volpé.© Unité

Pas tant que cela ! Les belles histoires d'amitié, c'est assez rare d'en voir au cinéma.

J'ai aimé que celle-ci soit au premier plan et qu'elle soit profondément humaine. Je trouve que c'est une relation avec laquelle on peut s'identifier. C'est aussi le cas dans Dune d'ailleurs. En dépit du chaos et des intrigues principales, il y a cette amitié entre mon personnage et celui de Zendaya. Elle est vraie, et je crois qu'elle fait du bien en ce sens.

Puis, vient l'opportunité de Dune 2... Comment avez-vous réagi à l'idée de faire partie d'un projet d'une telle envergure ?

J'étais extrêmement flattée d'avoir été appelée par Denis Villeneuve, lui-même. Faire une énorme comédie puis un film très indé, puis un film étranger, et un blockbuster… C'est tout ce que j'aime faire. Là, c'est le tour du blockbuster. C'était réjouissant de faire un très gros film comme ça, alors que juste avant j'ai tourné dans Making Of de Cédric Kahn et que juste après j'ai tourné la saison 2 de No Man's Land, puis le film Planète B avec Adèle Exarchopoulos qui sort bientôt. J'aime cette différence. Et j'étais tellement heureuse de découvrir cette partie d'Hollywood ! De voir ce que ça faisait de se retrouver sur un plateau avec tant de stars, tant d'argent… C'est fascinant.

Comment s'est passé le tournage ?

Ça a été extraordinaire parce que j'ai tout de suite été bien accueillie. Je me suis rendue compte que tout ne changeait pas : on travaillait les textes de la même façon, la machine était la même, donc je me suis très bien sentie sur le plateau. Surtout que j'adore Denis Villeneuve, donc j'étais très heureuse à l'idée de pouvoir le rencontrer. C'était un peu comme rencontrer mon idole… Parfois, on a peur de le faire car on ne sait pas si la réalité sera comme ce qu'on s'était imaginé.

Et comment est vraiment Denis Villeneuve ?

C'est quelqu'un d'extraordinaire, de doux, calme, intelligent, drôle. J'ai beaucoup de tendresse pour Monsieur Villeneuve.

Dune : Deuxième partie de Denis Villeneuve.© Warner Bros / Courtesy Everett Collection

Pour revenir à votre carrière, comment choisissez-vous un rôle ?

Je dois admettre que la diversité me plaît énormément. Souvent, je choisi un rôle simplement par goût du jeu. Même si je pense que l'art peut être politique, je ne choisi jamais un film pour ce qu'il dénonce. Par ailleurs, j'aimerais beaucoup jouer une méchante, quelqu'un qui ne serait pas politiquement correcte. J'ai aussi envie de faire des films parce que je vais m'amuser dedans ou parce qu'ils vont me permettre de tester de nouvelles choses.

Quel film vous ferait rêver à présent ?

J'adorerais faire un film d'époque. J'ai fait beaucoup de théâtre et c'est un langage que j'aimerais encore travailler. Mais c'est quelque chose qu'on ne me demande pas tant que ça aujourd'hui… On me dit souvent, lorsque je fais des castings pour des films d'époque, que je suis trop moderne. Je sais que c'est parce que je renvois une certaine image physiquement et que les gens n'arrivent pas encore à se projeter avec moi dans un film sur une époque victorienne par exemple. Ça commence à arriver. Des portes commencent à s'ouvrir en France. Je le vois notamment dans les propositions de rôles que l'on me fait.

Et avec quel.le cinéaste rêveriez vous de travailler ?

Avec Phoebe Waller-Bridge ! Elle est si intelligente, elle a beaucoup d'auto-dérision, et j'adore les gens qui en ont. J'aime beaucoup son écriture. Je crois qu'on peut même dire que je suis obsédée par ses dialogues dans Fleabag. Puis, c'est aussi c'est une fille qui a plein de défauts ! Il faut arrêter de faire croire qu'être une femme c'est être une gentille petite fille. Non, une femme, c'est complexe. Et c'est beau d'oser montrer ces côtés-là. C'est ce qu'elle a l'air de faire en tout cas.

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Parlons un peu de mode : vous êtes désormais ambassadrice de Dior. Qu'est-ce que cette maison représente pour vous ?

Plus je vous parle, plus je remarque que c'est important pour moi de m'amuser, de travailler avec des gens avec qui je m'entends bien et, plus simplement, d'être entourée de personnes gentilles - que ce soit dans ma vie personnelle comme professionnelle. C'est peut-être mon passé de gymnaste qui fait qu'aujourd'hui j'ai du mal avec les gens qui ne sont pas toujours bienveillants... La maison Dior incarne justement cette bienveillance. Je suis flattée car Christian Dior est vraiment une icône de mode pour moi, et pour la gymnaste suisse que j'étais. Même si je n'y connaissais rien, ce nom me faisait rêver. C'était l'élégance française par excellence. Je voyais ça comme un doux rêve. C'était très loin pour moi qui étais en jogging tous les jours, avec mes chignons et mes chaussettes trouées. J'étais loin de ce monde. Je le regardais comme on regarde un film. Puis, quand j'ai commencé à travailler avec eux, j'ai rencontré la maison et sa directrice artistique, Maria Grazia Chiuri. C'est une femme qui aime les femmes. C'est peut-être bateau de dire ça, mais c'est vraiment le cas. J'en discutais avec Camille Cottin, qui est une autre ambassadrice de la maison, et on se disait combien on avait de la chance de travailler avec une maison qui s'intéresse vraiment aux autres. Je suis très fière d'en faire partie.

La maison Dior vous a notamment accompagnée lors de la tournée promotionnelle de Dune : Deuxième partie, où chaque tapis rouge était un événement à part entière.

C'était super car on commence à se connaître davantage et ils cernent de plus en plus ce que j'aime en matière de mode. Avec eux, je commence à avoir une identité sur le tapis rouge. Quelque chose d'élégant et de rock à la fois, parfois un peu sexy aussi. Il faut dire que c'est un vrai rôle que d'apparaître sur le tapis rouge ! On a quand même de la chance de vivre ça. Je me souviens notamment de l'avant-première à Londres… Je pense que je n'en vivrai plus jamais des tapis rouge comme ça. C'était énorme, ils ont bloqué une rue, un passage et une place, ils ont recouvert le sol avec du sable, il y a avait des spots et des écrans géants partout, ils ont même installé un hélicoptère comme dans le film. Il y avait une centaine de journalistes, des fans qui criaient nos noms... Je me suis vraiment demandée où j'étais. C'est impressionnant, la presse. On peut vite être prise par la peur de ne pas savoir parler ou de dire le mauvais mot. C'est plus facile quand on est bien entourée et qu'on a confiance en nous sur le tapis rouge. Pour ça, Dior joue un grand rôle. Si je me sens bien dans ma robe ou dans mon costume, j'ai envie de faire cet exercice-là.

L'avant-première du film Dune : Deuxième partie à Londres, le 15 février 2024.© Dave Benett / Getty Images

Prochainement, on pourra vous retrouvez dans le film Les Femmes au balcon de Noémie Merlant. Pouvez-vous nous en toucher deux mots ?

C'est sans doute le film que j'attends le plus cette année. Je crois que je n'ai jamais eu un rôle comme ça dans ma vie. J'ai pris un plaisir fou. Mais je ne peux pas encore trop vous en dire. Moi-même, je ne l'ai toujours pas vu. Mais c'est certainement l'un des projets les plus excitants que j'ai fait jusqu'à aujourd'hui.

Le cinéma français vous fait-il toujours autant envie ?

Oui, je l'aime toujours autant. J'ai adoré l'expérience hollywoodienne et j'en ai par ailleurs d'autres qui arrivent, notamment des films américains plus indépendants, mais c'est vrai que j'aime énormément le cinéma français. Il y a des projets de plus en plus audacieux qui se font et ça m'attire.

En Corps de Cédric Klapisch.© Ce Qui Me Meut / Emmanuelle Jacobson-Roques

Quels sont vos souhaits pour votre carrière à l'avenir ?

J'espère continuer à avoir des choses à offrir, ne pas lasser les gens. J'espère continuer à travailler, tout simplement, parce que je sais que c'est un métier difficile. Je me souhaite de travailler avec mes ami·es. Aussi, je me souhaite d'écrire mon film un jour...

Dune : Deuxième partie, un film de Denis Villeneuve actuellement au cinéma.
Planète B, un film d'Aude-Léa Rapin prochainement au cinéma.
Les Femmes au balcon, un film de Noémie Merlant prochainement au cinéma.

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