Dans Anora, ce sont ses cheveux que l'on remarque en premier. Couleur ébène, parsemés de mèches paillettées qui brillent jusque dans la pénombre. Pourtant, ce n'est pas Blanche-Neige que le nouveau film de Sean Baker revisite, mais plutôt Cendrillon, et son passage de la misère au plus somptueux des palais. Et pour incarner son personnage éponyme, le cinéaste a choisi la comédienne Mikey Madison, déjà aperçue à plusieurs reprises, quelque part entre le cinéma indépendant et les franchises à gros budget. Dans Anora, elle interprète son premier grand rôle, dont on devine qu'il pourrait la propulser vers de nouveaux sommets. C'est en tout cas ce qu'on lui souhaite, tant son incarnation se trouve au point d'équilibre, presque parfait, entre la rage et la délicatesse. Alors que Mikey Madison se trouvait sur la Croisette pour défendre Anora, Palme d'or du Festival de Cannes 2024, Vogue s'est entretenu avec la jeune actrice, pour qui l'avenir semble d'ores et déjà tout tracé.
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Rencontre avec Mikey Madison, révélation du film Anora
Contrairement à son personnage dans Anora, qui hante le quartier de Brooklyn en quête d'émancipation, Mikey Madison grandit sous le soleil de Californie. “Je vous laisse imaginer à quoi ressemblait un tournage en hiver à New York pour moi, plaisante-t-elle. J'étais tout le temps frigorifiée ! Mais j'ai adoré tourné en dehors des grands studios”. Pourtant, actrice n'était pas exactement le genre de carrière à laquelle ce destinait la jeune femme, grande cavalière redoutable au saut d'obstacles. Un passion comme une filiation, transmise de mère en fille dans sa famille. Loin du tumulte de Brighton Beach, tel que le représente Sean Baker dans Anora, son film sélectionné en Compétition officielle du Festival de Cannes 2024, Mikey Madison a grandi entourée de chevaux. Jusqu'à l'âge de 15 ans, elle passe ses journées à l'écurie. Et puis, le déclic est arrivé.
Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Mikey Madison a toujours été abreuvée de cinéma, notamment grâce à son père. Dès son plus jeune âge, ce dernier fait défiler devant les yeux de sa famille, Coppola, Scorsese et autres grands noms du septième art, forgeant peu à peu une certaine idée du cinéma américain. Doucement, mais sûrement, l'idée de devenir comédienne à son tour germe en elle. Une surprise pour ses proches, qui définissent volontiers la jeune femme par sa timidité presque maladive. Elle, au centre d'un plateau de tournage ? Impossible. Et pourtant. L'adolescente s'inscrit à des cours de théâtre, et rapidement, tout s'enchaîne.
Le premier rôle notable de Mikey Madison ne se trouve pas du côté du grand écran. En effet, après plusieurs apparitions dans des court-métrages, c'est dans la série Better Things qu'elle déploie pour la première fois son talent, une série américaine signée Louis CK et diffusée sur la chaîne FX. Elle y incarne Max Fox, gamine turbulente et colérique élevée par une mère célibataire jouée par Pamela Adlon. Avec son casting entièrement féminin, Better Things permet à Madison se faire ses premières armes, avant d'être retenue, à seulement 19 ans, au casting du film Once Upon a Time… in Hollywood, du réalisateur Quentin Tarantino. Muée par l'envie de rencontrer le réalisateur, elle ne recule devant rien, et se plonge intégralement dans la vie de la famille Manson (qui occupe une large place dans le film) lors des auditions. Elle peint des toiles psychédéliques, lit des poèmes qu'elle a elle-même écrit, coupe ses cheveux qu'elle colle aux peintures… Une mise en scène convaincante, puisqu'elle obtient ainsi le rôle de Susan “Sadie” Atkins, une adepte de la famille Manson. Si le rôle est relativement mineur, elle le considère aujourd'hui encore comme l'une des premières pierres posées à l'édifice de sa carrière, avant de naviguer vers des rivages plus grand public, notamment avec le reboot de l'une des franchises les plus célèbres au monde : Scream.
Le tournage de Scream 5 est l'un des premiers à reprendre après le confinement de 2020. Mikey Madison, qui n'avait pas quitté sa maison depuis environ six mois, doit, du jour au lendemain, sauter dans un avion, et partir à l'aventure. Une aventure qui, selon ses mots, s'apparente davantage à une colonie de vacances (certains membres de l'équipe logeait dans une maison au bord d'un lac) qu'à un réel tournage. Sorti dans les salles américaines deux ans plus tard, le long-métrage achève de convaincre un certain Sean Baker, qui prépare alors son prochain film. “Les personnages qu'elle avait déjà incarné avaient beaucoup d’humour, ainsi que des attitudes très insolentes. Je cherchais quelqu’un capable de se battre, et je sentais qu’elle pouvait le faire” nous explique le réalisateur depuis le Palais des Festivals à Cannes. Il suffit d'une rencontre pour que leur collaboration, qui s'étend bien au-delà d'une simple interprétation de la part de Madison, ne soit scellée.
Rarement avait-on vu un rôle taillé pour son actrice principale, poli comme un diamant. Pourtant, cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on découvre que Sean Baker a façonné son Anora (ou Ani, telle qu'elle préfère être appelée dans le film) en étroite collaboration avec Mikey Madison. “J'ai écrit le scénario pour elle” confie-t-il lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film à Cannes. “Personne n'avait jamais écrit pour moi, rebondit l'intéressée. J'avais du mal à y croire ! Nous sommes restés en contact pendant toute la durée de l'écriture et nous avons beaucoup parlé du personnage et de ce que nous voulions représenter”.
Comme Mikey Madison nous le précise, son personnage est bien plus qu'une travailleuse du sexe. “Je l'ai tout de suite perçue comme un tout, bien au-delà de son travail. Je l'ai accueillie à bras ouverts” sourit-elle. En résulte une interprétation sensible, nourrie de plusieurs mois de travail pour apprendre à danser, mais aussi comprendre ces femmes, avec qui l'actrice a longuement échangé : “Elles étaient très généreuses, poursuit-elle. Elles m’ont accordé beaucoup de temps, d’histoires et d’informations. J’ai appris que c’était un métier très difficile, à la fois physiquement et émotionnellement. Vous faites constamment de l’exercice, tout en essayant d’établir une relation émotionnelle avec quelqu'un”. Bluffante dans son interprétation, à la fois puissante et délicate, l'actrice californienne aurait largement pu remporter le prix de la meilleure interprétation féminine, finalement accordé au casting de Emilia Pérez. En outre, le public la reverra très prochainement dans la mini-série Lady in the Lake. Elle jouera ainsi aux côtés de Natalie Portman dans ce thriller inspiré d'une histoire vraie : celle de la mort non résolue de Shirley Parker, une barmaid et secrétaire africaine-américaine dont le corps a été retrouvé au Druid Hill Park de Baltimore en juin 1969.
Sorte de réécriture de Cendrillon dans les communautés russophones de New York, et Palme d'or du Festival de Cannes 2024, Anora, le nouveau film de Sean Baker nous a conquis grâce à son cocktail mêlant charme et audace. De quoi nous donner envie d'échanger avec le réalisateur et sa comédienne, l'impressionnante Mikey Madison.
Anora de Sean Baker, avec Mikey Madison, en salles prochainement.
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