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Rencontre avec la DJ Logic1000 : “Devenir mère m'a rendue infiniment plus confiante”

Son premier album, Mother, est né de la pulsion créatrice apparue après être devenue mère. Rencontrée à l'occasion du festival We Love Green, la DJ et productrice Logic1000 se confie à Vogue.
Logic1000  DJ  productrice  Logic1000
© Claryn Chong / Cash In Hand

Genie, la fille de la DJ et productrice Logic1000, peut d’ores et déjà se targuer d’avoir fréquenté les clubs les plus branchés du monde. À trois mois seulement, elle accompagnait sa mère à l’occasion de sa tournée américaine, finalement annulée. “J’ai réalisé que c’était trop tôt, pour elle comme pour moi, confie Samantha Poulter, alias Logic1000, rencontrée à l’occasion du festival We Love Green, qui prenait ses quartiers au Bois de Vincennes début juin 2024. Maintenant, j'ai mis en place un système qui me permet de partir pour une durée très courte, pour la retrouver au plus vite. C'est trop difficile de l'amener avec moi”. En janvier dernier, elle dévoilait le premier épisode de Therapy, un podcast co-animé en compagnie de la DJ Heléna Star, installée à Londres. Un espace de discussion au sein duquel elles échangent avec d’autres femmes DJs, à l’instar de la superstar Jayda G. L’occasion de mettre en lumière les vécus féminins, et, par essence, féministes, tant ils témoignent de la prise de pouvoir des femmes dans le milieu ultra-masculin des musiques électroniques. “Aujourd'hui, je peux enfin parler de mon expérience à d'autres mères, et c'est tellement important ! J'ai du mal à imaginer comment les mères DJs faisaient il y a vingt ans…” soupire Logic1000 depuis sa loge.

Avec Mother, son premier album paru en mars 2024, Samantha Poulter s’inscrit dans une tendance bienvenue dans le monde des musiques électroniques : celui des œuvres inspirées par la maternité. Hasard bienheureux : le jour de la sortie de Mother sortait Mothearth, premier album de la DJ et productrice bordelaise Anetha. Sorte de joyeuse coïncidence faisant des mères les nouvelles figures de proue d’une scène électronique en plein renouveau. En effet, toutes deux étaient programmées sur la même scène du festival We Love Green, à quelques heures d’écart seulement. L’occasion donc, de s’inviter dans la loge de Logic1000 pour évoquer son album, sa grossesse, et sa carrière aux virages inattendus – à seulement 34 ans.

Sous les néons des clubs australiens

Quand on demande à Logic1000 les sons qu’elle associe à son enfance, celle-ci pense immédiatement à la nature. Le chant des oiseaux, le bruit des vagues… “J’ai grandi dans la banlieue de Sydney, dans une zone très calme, presque déserte… précise-t-elle. Nous avions une minuscule cascade dans mon jardin, c’était un cadre extrêmement bucolique”. Un cadre idéal, surtout, pour développer une culture musicale solide. Fille de parents mélomanes, la très jeune Samantha Poulter grandit entourée de musiques, entre son grand-père qui dirige une chorale, ou sa sœur qui fait partie d’un groupe. “Même mes cousins, aujourd’hui encore, ils ont un groupe de rock psyché…” sourit la productrice. Culture musicale, oui, culture électronique, pas encore tout à fait. D’ailleurs, elle le confesse elle-même : Logic1000 a les ordinateurs en horreur, et ne s’en approche en aucun cas. Il faut donc attendre encore un peu, avant de voir la jeune femme plonger tête baissée dans le monde de la musique dance.

Sydney, aube des années 2010. Les aficionados de deep house ne jurent que par le Spice Cellar, ce club à la décoration sobre et au système son impeccable. Samantha Poulter, fêtarde dans l’âme, y passe le plus clair de ses nuits. Déjà, elle s’y rend avec Tom McAlister, son compagnon à l’époque, depuis devenu son mari, et son partenaire créatif : “Il m’a fait découvrir énormément de musiques, nous nous sommes toujours inspirés mutuellement” affirme-t-elle. Même lorsque la question du départ est soulevée, celle-ci ne vient pas sacrifier le jeune couple. Tous deux quittent l’Australie ensemble, assoiffés d’aventures et de renouveaux, pour les sirènes européennes. Après une année passée à Londres, ils posent finalement (et définitivement) leurs valises à Berlin.

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L’urgence de créer

J’ai profondément adoré la musique qui sortait quand j’avais vingt ans. Il y en avait tellement, ça m’inspirait tout le temps ! Et pour une raison obscure, j'ai perdu ça. Peut-être que c'est de ma faute, que je ne cherchais pas suffisamment. Mais subitement, j'ai eu ce besoin de produire la musique que j'entendais jusqu'alors”. Ainsi Logic1000 résume les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans une carrière artistique, au crépuscule de la vingtaine. Un âge tardif dans une industrie où la jeunesse prévaut et ce d’autant plus chez les femmes, chez qui l'apparence physique a souvent plus d’importance que les seules qualités artistiques. Pourtant, quand on l’interroge sur son expérience, la productrice n’en pointe que les avantages, et non les inconvénients : “J'ai eu la chance d'arriver dans une industrie où il existait déjà de nombreuses femmes plus âgées comme Honey Dijon. Ça a été une bénédiction, bien plus qu'une malédiction. Si j'étais devenue DJ à l'aube de ma vingtaine, j'aurais fait la fête sans arrêt. Je n'aurais pas pris ma carrière au sérieux. Je suis heureuse d'être arrivée un peu plus mature dans cette industrie !”.

Muée par un puissant besoin de création, Samantha Poulter devient Logic1000 juste avant de passer la trentaine. Elle mixe une première fois en public, puis une seconde, avant que le confinement lié à la pandémie ne s’abatte sur le monde entier. La voilà de retour chez elle, dans l’écrin du studio, avec son compagnon de toujours. Là, elle imagine l’élégant You've Got the Whole Night to Go, un EP de quatre titres aux sonorités chatoyantes. On imagine aisément cette période de sa vie, elle qui préfère alors le confort du studio au capharnaüm du club. “On pourrait presque dire de moi que je suis antisociale, souffle-t-elle. Enfin, j’ai beaucoup de mal avec les grosses foules”.

Mother Samantha

Quatre ans après le premier confinement, il est surprenant de voir comment les choses ont changé pour Logic1000. Dans sa loge du festival We Love Green, elle nous accueille avec un large sourire. Une atmosphère de sérénité l’enveloppe, et ce, malgré les sonorités exacerbées du concert d’Eloi qui parviennent jusqu’à nous, depuis la scène voisine. Loin semble être la jeune productrice effrayée par la foule. “La maternité m’a changée, c’est certain, affirme-t-elle. Maintenant, je me sens plus sûre de moi, j'apprécie le fait d'être dehors et d'expérimenter de nouveaux lieux et de nouveaux publics”. Il est étonnant de noter les similarités entre son discours et celui d’Anetha, elle aussi mère et DJ. Rencontrée en mars 2024 à l’occasion de la sortie de son premier album, Mothearth (dont la sortie coïncide avec celui de Logic1000), cette dernière nous glissait alors : “Depuis que j’ai eu ma fille, je suis plus sûre de moi. Ça m'a donné plus de force pour enfin parler”.

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Anetha DJ

Dans le cas de Logic1000, la libération fut artistique. Après avoir donné naissance à sa fille en 2022, elle se trouve projetée dans un élan créatif nouveau et extrêmement joyeux. En résulte l’album Mother, dont l’hommage rendu à la musique house se mêle à des pérégrinations plus pop. En témoignent les titres chantés par des figures comme Rochelle Jordan (que les fans du DJ et producteur canadien Kaytranada connaissent bien) ou Kayla Blackmon. “Les gens ne le savent peut-être pas, mais je suis une vraie fan de pop ! C'est un genre que j'ai toujours adoré. Quand j'étais adolescente, j'écoutais beaucoup de R'n'B, comme Destiny's Child ou Aaliyah. Et les chanteuses qui se trouvent sur mon album, je suis très reconnaissante car elles ont accepté mes propositions, alors qu’on ne se connaissait ni d’Ève, ni d’Adam ! J’étais une simple fan parmi d’autres…”. En résulte un disque à la croisée des genres, entre la pop, la house et la dance, traversée par une certaine idée de la féminité, presque aussi douce qu’elle est puissante, et transformatrice.

Mother, de Logic1000, disponible.

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