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Pourquoi Lafleyne pourrait être la prochaine star du R'n'B français

Avec le sublime EP GOLD DIGGER, paru en mai 2024, Lafleyne s'impose comme l'une des artistes les plus prometteuses du R'n'B française. Rencontre.
Lafleyne
© Lea Esmaili

Il est étonnant d'apprendre que Lafleyne tire son nom d'une nature flemmarde. Rien, dans son univers, ne respire la nonchalance. Au contraire, ses mélodies transpirent la résilience et l'acharnement – celles d'une vingtenaire passionnée, baignée dans la musique depuis toujours, cultivant ses goûts avec une oreille attentive et un éclectisme certain. GOLD DIGGER, son dernier projet en date, en est le reflet le plus pur. Un disque de six titres aux textures uniques, sur lesquelles la jeune artiste s'est arrachée les cheveux pendant des nuits. En résulte une œuvre tendre, au cœur de laquelle on souhaiterait s'allonger, et reposer pour toujours. Rencontre avec une artiste d'envergure.

© Pablo Jomaron

De la berceuse de Brahms aux chants malgaches

C'est quand on l'interroge sur ses premiers souvenirs musicaux que Lafleyne cite Johannes Brahms : “Mes parents mettaient toujours le même CD de musique classique pour que je dorme, donc c'est l'un des premiers morceaux que j'ai retenu, et celui qui m'a initiée à la musique” se remémore-t-elle. Mais le spectre de son héritage musical est bien plus large. Du jazz de son père à la pop de sa mère, en passant par le rap et le rock de ses sœurs aînées, le foyer familial est un joyeux capharnaüm. “Tout le monde fait de la musique, indique-t-elle. Mon grand-père est chanteur, joue du saxophone et même d'autres instruments. Mes sœurs font du piano et de la harpe”. Une fois par semaine, tous et toutes s’accordent, lorsque vient l’heure de se rendre à l’église. Là, les chants malgaches résonnent, et notamment chez la très jeune Lafleyne, qui n’a jamais pris de cours de chant : “On a appris à l’église. Pour les Malgaches je crois que savoir chanter juste est un don inné !”. Toutefois, elle ne développe pas de relation spirituelle avec la musique. Trop jeune pour comprendre de quoi il retournait alors, elle ne retient que l’émotion pure, notamment transmise par les harmonies, que l’on retrouve aujourd’hui encore dans ses chansons. “Ce n’était pas le contenu qui m’émouvait, précise-t-elle, mais l’ensemble. Les chants malgaches sont loin d’être monotones !”.

Naturellement, Lafleyne poursuit des cours au Conservatoire dès qu’elle est suffisamment âgée. Là, elle débute l’apprentissage de la flûte traversière, qu’elle prend très au sérieux – jusqu’à l’aube de l’adolescence. D’abord au collège, puis au lycée, elle enrage de voir son emploi du temps restreint par ses cours, qui ne la passionnent guère. “J’ai eu de la chance : on a fini par me poser un appareil dentaire, ce qui était complètement incompatible avec la flûte traversière !” plaisante-t-elle. Et lorsque vient l’heure de le retirer, l’adolescente a suffisamment d’assurance pour affirmer son refus de reprendre le Conservatoire. Le chant, en revanche, ne la quitte pas. Après avoir vu plusieurs vidéos de la chanteuse Angèle, qui se filmait à l’époque en faisant des reprises à l’aide d’un clavier minuscule, Lafleyne demande le même modèle à son père, et se lance. Interprète sensible, il lui faut encore un peu de temps avant d’esquisser ses propres textes. Jusqu’à “Nana”.

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La solitude, terreau fertile

Une chanson, pour moi, c’est un tout. Le texte, la production, l'intention. Si la mélodie me parle, je peux écouter des choses très différentes” explique Lafleyne en se remémorant les reprises de ses débuts. En effet, on ne peut s'empêcher de souligner l’éclectisme de ses choix de morceaux, des rappeurs comme Krisy et Nekfeu, en passant par un chanteur des rivages plus pop, comme Julien Doré. “Je crois que ce qui me plaît avant tout, c’est le texte, glisse-t-elle. Dans ce que j'écoute, on trouve des morceaux où il ne se passe pas grand chose, mais si le texte est intime et touchant, et que je peux me reconnaître dedans, je peux l'écouter en boucle”.

Sans doute par manque de légitimité, la jeune femme prend son temps avant de se lancer, à son tour, dans l’écriture. Impressionnée par les textes qu’elle interprète, elle peine à s’imaginer elle aussi en parolière. Pourtant, doucement, Lafleyne apprend. Elle remarque des plumes, les différences de style, ce qui fait ou non un bon couplet. Son oreille s’affine, son regard aussi. Poussée par le producteur Beeby après une session studio, elle décide d’arrêter les reprises, définitivement. Ainsi “Nana” voit le jour, sorte de chanson douce 2.0, qui va jusqu’à reprendre, dans ses premiers instants, la fameuse berceuse de Brahms. Vite, d’autres morceaux suivent, dont on retient le formidable “Chéri”, imaginé en collaboration avec la chanteuse et rappeuse Angie. “Une chanson très spontanée, commente Lafleyne, d’où est née une véritable amitié”. Déjà l’univers de l’artiste se dessine : un monde nourri par une grande solitude et le passage à l’âge adulte. Car seule, l’artiste l’a souvent été. C’est d’ailleurs de là que viennent ses pensées les plus fécondes.

De l'or dans la voix

Lorsqu’elle est encore étudiante, Lafleyne effectue une année à l’étranger. Elle se retrouve au cœur de l’Angleterre, non loin de Manchester, berceau du rock britannique. Un univers qui s’éloigne du sien, mais qui ne l’empêche pas de rencontrer un producteur plus proche de ses sonorités R’n’B. “Je suis une personne très solitaire, je l'ai toujours été, mais je tenais à travailler avec un producteur là-bas. J'ai dû me forcer, car c'était un inconnu pour moi ! Mais c’était très bénéfique : non seulement j’ai trouvé de nouvelles sources d’inspiration, mais de retour en France, j’ai trouvé bien plus facile les collaborations avec des gens que je ne connaissais pas encore”. Un exemple ? La collaboration, fructueuse s’il en est, avec Armand ATRN et Maxence Bellard. Recrutés en tant que musiciens de tournée, les deux finissent par produire des morceaux pour Lafleyne, comme l’impressionnant “Les yeux ne mentent jamais”, qui figure sur l’EP GOLD DIGGER. Pierre angulaire du disque, le morceau brille par sa fine ligne de basse, sa batterie jazz et ses harmonies chatoyantes. “C’est celui dont je suis le plus fière, sourit la chanteuse. J’étais choquée quand j’ai reçu la production, jamais je n’avais reçu une chose pareille !”.

Comme elle l’espérait, GOLD DIGGER permet à Lafleyne d’affirmer ses nombreuses qualités et surtout, le chemin parcouru depuis la sortie de “Nana”, en 2020. Pour la première fois, l’artiste s’est entouré d’une équipe de confiance, tout en conservant le contrôle créatif sur chaque étape de la confection de l’opus. “C’est la première fois que je paie pour faire masteriser ma musique, développe-t-elle. J’avais des idées très claires : je voulais que l'on entende les harmonies. Souvent, on considère à tort qu’elles sont là uniquement pour habiller la voix principale, donc elles sont mises en retrait. Moi je les pense davantage comme une chorale. À contrario, j’ai catégoriquement refusé toute trace d’autotune. C'est impossible pour moi. Si je m'applique à faire autant de prises pour chanter juste, ce n'est pas pour que l'on corrige juste après !”. En résulte une œuvre précise et sans compromis, comme la promesse d’un futur radieux pour celle qui chante ses peines les plus intimes. C’est simple : écouter la musique de Lafleyne, c’est se retrouver plongé·e dans les abysses de son journal intime. “Il n’y a absolument aucune différence entre les deux” conclut-elle dans un dernier sourire.

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