interview

Géraldine Nakache : “J'ai été biberonnée à la comédie toute ma vie”

La comédienne Géraldine Nakache nous a accordé un entretien précieux, un soir de novembre, à Paris.
Graldine Nakache
Camille Mompach

Géraldine Nakache fait partie de ces figures rassurantes du cinéma français, qu'on aime tant. Révélée en 2010 dans Tout ce qui brille, inoubliable comédie d'amitié avec Leïla Bekhti, elle a depuis bien étoffé sa filmographie. L'humour en filigrane, la bienveillance scotchée au visage, l'actrice, scénariste et réalisatrice enchaîne les tournages comme les rencontres, qu'elle considère comme le joyau de son métier. Des sketches aux aventures en passant par la comédie noire, Géraldine Nakache rit et fait rire comme personne. En atteste sa participation à l'émission humoristique LOL: Qui rit, sort! - dont la troisième saison fut diffusée en début d'année sur Prime Video - où elle nous inflige, elle et ses camarades, des séquences toutes plus hilarantes les unes que les autres. En somme, une bouffée d'air dans le creux du mois de mars…

À présent, c'est au spleen de l'automne que la comédienne s'attaque. À l'affiche de la comédie dramatique Je ne suis pas un héros de Rudy Milstein, elle incarne Hélène, une militante écologiste à la gouaille horripilante qui se bat contre les grandes souffrances de la vie, beaucoup, mais aussi avec elle-même, un peu. À cette occasion, on a rencontré Géraldine Nakache, et sa tendresse folle, le temps d'une interview.

Tête-à-tête avec la merveilleuse Géraldine Nakache

Vogue. Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce nouveau projet ?
Géraldine Nakache. Le scénario. C'est d'une précision sans égal. J'ai refermé la dernière page du script en appelant mon agent pour lui demander “Qui est ce gars ? Je veux le rencontrer !” J'avais quelque chose d'unique entre les mains. J'ai entendu le film en le lisant, ce qui est assez rare, surtout pour une comédie. Puis, ça parlait d'une multitude de sujets qui touchent, de près ou de loin, des personnes qu'on connaît tous : la maladie, les invisibles, la lutte des pouvoirs… Mon personnage m'a aussi séduite, cette Hélène haute en couleurs, qui ne peut pas faire une phrase sans grossièreté. Une fois l'envie débordante de suivre Rudy Milstein dans son film, elle est devenue un sujet en elle-même : comment fait-on pour jouer un tel personnage ? C'est ce que j'ai eu envie de découvrir.

Comment s'est déroulé le tournage du film ?
C'était comme être dans une bulle. Rudy Milstein fait du théâtre depuis plus de quinze ans, il écrit, il joue aussi, il est très habitué à la troupe. Je crois que c'était ça son objectif : sentir l'idée d'une troupe sur le plateau, qu'il y ait une alchimie. D'ailleurs, il n'a pas pris de directeur.ice de casting car il voulait caster tous les rôles lui-même, y compris ceux que l'on ne voit que très brièvement à l'écran.

L'histoire de Je ne suis pas un héros est pour le moins originale. Comment la décririez-vous ?
Le film est très drôle, touchant et juste. J'ai aimé que l'histoire qu'il raconte soit à la fois réaliste et impensable. On rit et on pleure en même temps. C'est l'histoire de la vie finalement… On se dit que ce n'est pas possible qu'un tel personnage existe, et pourtant si, on le croise dans la rue, dans le métro… Je trouve l'histoire de Rudy Milstein brillante en ce sens.

Delante Productions / Nolita Cinéma

Vous jouez une militante engagée qui ne mâche pas ses mots.
C'était marrant d'interpréter ce personnage qui se trompe entre la forme et le fond. Souvent, on se dit que c'est le fond qui compte, mais en l'occurence la vie et la société nous font bien comprendre que la forme a tout autant d'importance, si ce n'est davantage. Dans le film, Hélène aboie beaucoup sous le coup de l'émotion, si bien qu'on ne l'entend plus. Elle est tellement en colère qu'elle utilise sa rage dans un brouhaha permanent. Son trajet est magnifique car à la fin du film, elle ne parle pas forcément mieux, mais elle a compris qu'il faut faire de la place au silence pour entendre… Et pour écouter.

Porter ses idées et ses valeurs haut et fort, c'est quelque chose que vous partagez avec votre personnage ?
Je pense qu'il faut faire attention au “haut et fort”. Parfois, on n'a pas envie d'entendre qui que ce soit sur tous les sujets. Il faut avoir de la pudeur, savoir se mettre un peu en retrait. Je n'ai pas besoin d'avoir l'avis de tous pour connaître le miens. En revanche, j'ai besoin de repos de l'esprit pour avoir le temps d'analyser ce qu'on me dit.

Les thématiques abordées dans le film sont plurielles et très contemporaines : la maladie, la crise environnementale… 
Aujourd'hui je suis maman, alors même si je peux parfois me sentir larguée sur certains sujets, je dois m'y intéresser. C'est ma fille qui m'en parlera, et elle m'en parle déjà. C'est elle qui m'éduque. Alors j'essaye de savoir quels sont les bons gestes à adopter face à ces problématiques.

Cela vous effraie-t-il ? 
Non. Je n'ai pas le droit d'avoir peur en l'avenir, surtout en étant mère. Si tu te laisses ensevelir par la peur, tu n'avances plus. Et moi j'ai envie de continuer à faire des films et à dire des choses à travers eux. Je ne peux pas me cacher.

Qu'est-ce qui vous fait du bien lorsque l'actualité vous semble trop lourde à porter ?
Je me suis demandée si c'était juste de venir faire la promotion d'un film face à tout ce qu'il se passe dans le monde... Mais justement, le cinéma me fait du bien. Voir que lorsqu'on se réunit dans une salle, on peut être tous ensemble au même endroit, rire et pleurer des mêmes choses, me fait du bien. On l'avait vu durant le confinement : la culture peut sauver. À cet égard aussi, aujourd'hui, ça compte d'être ensemble.

Comment parvenez-vous à faire rire sur des sujets aussi sérieux que ceux abordés dans Je ne suis pas un héros ?
Au début, j'ai eu peur de mon personnage. J'ai eu peur devant toutes les vulgarités que je devais enchainer. Mais si elles sont là, c'est pour une bonne raison. Elles traduisaient la colère de mon personnage. Les dialogues sont parfaitement ciselés. Rudy Milstein est vraiment fort sur ce point, il m'a beaucoup aidée. Et je ne vais pas mentir, mes partenaires de jeu ont été un véritable cadeau. Ce sont des patrons de la comédie donc il m'a suffi de leur faire confiance. Au final, j'ai eu deux prix. Je n'en avais pas eu avant. Comme quoi, l'interprétation va bien à ce film. Je suis très reconnaissante du rôle que m'a offert Rudy. La confiance en les autres, et notamment en ton metteur en scène, ça te fait pousser des ailes sur un plateau.

La comédie semble être une évidence au regard de votre carrière.
Je suis arrivée dans le cinéma par le biais de la comédie. J'ai travaillé pour une chaîne qui s'appelait Comédie ! donc ça annonce la couleur, puis il y a eu les Guignols sur Canal+. La comédie, c'était aussi dans ma famille. Mon père a toujours fait des blagues. Depuis que je suis petite, c'était comme ça qu'il fallait voir la vie. Mes parents m'emmenaient au théâtre voir des comédies une fois par an, souvent le 31 décembre. Toute ma vie, j'ai été biberonnée à la comédie. Quand je suis arrivée au cinéma, c'était le prisme naturel. Après, c'est vrai que c'est un art très technique et plus j'en fais, plus je me rends compte que j'ai besoin de développer cette technicité. Depuis que je m'essaye aux drames, je réalise d'autant plus cette difficulté singulière à la comédie. Cela demande une énergie et une concentration dingues. Non pas qu'il n'en faille pas dans les autres genres, mais celle de la comédie est vraiment particulière. L'an dernier, j'ai passé trois mois sur le tournage d'une série comique Netflix avec Pierre Niney avant d'enchaîner sur quatre mois de drame pour jouer dans l'adaptation en série du roman Les Enfants sont rois de Delphine de Vigan, disponible prochainement sur Disney+. Je suis passée du tout au tout, c'était incroyable, j'ai beaucoup appris.

Delante Productions / Nolita Cinéma

Quelles comédies vous ont marquée ?
Le film Didier (1997). Il y a tout ce qui m'avait saisie plus jeune dans ce film : on y trouve du Charlie Chaplin, du Louis de Funès, et puis évidement le cinéma de Bacri-Jaoui. Il y un vrai mélange de ce que j'aime. Lorsque j'ai joué dans Le Marsupilami des années plus tard, c'est la première chose que j'ai dit à Alain Chabat : Didier, ça a changé ma vie. J'ai compris que c'était possible de faire du vrai avec du faux. C'est l'idée même du cinéma, mais elle semble encore plus claire dans ce film.

Quels films vous ont fait autant de bien que doit le faire une bonne comédie ?
Le film de mon grand frère, Intouchable. Par ailleurs, je trouve que le film de Rudy Milstein, Je ne suis pas un héros, est totalement dans les rails du cinéma de Toledano-Nakache. On se bidonne de rire et pourtant on est bouleversés par la trajectoire du personnage. Plus récemment, la Palme d'or, Anatomie d'une chute m'a également terrassée. C'est ça qui est magnifique avec le cinéma : les chocs que tu te prends, quelque soit l'émotion. Le rire. Les larmes. Parfois les deux.

Y a-t-il un rôle que vous rêveriez de jouer à l'avenir ?
Tous ceux qui arrivent et dont je ne connais pas encore l'existence ! Je dis cela car j'ai peur de trop d'attentes, c'est dans ma nature, je préfère voir ce qui se présente à moi, et plonger dans la réjouissance, plutôt que d'attendre un rôle qui, peut-être, n'arrivera jamais. Et puis ce métier, c'est surtout des rencontres…

Quelles sont les plus belles rencontres au cinéma ?
C'est Leïla Bekhti, que je rencontre lors de mon premier film et qui est à présent dans ma vie au quotidien. C'est Lisa Azuelos, que je connais depuis Comme t'y es belle, mon premier film en tant qu'actrice cette fois-ci. Mais c'est également Valérie Benguigi que je rencontre sur le tournage et qui, elle aussi, reste dans ma vie après. Dans Je ne suis pas un héros, c'est Vincent Dedienne, que je connaissais déjà de La Flamme, et que je retrouve ici. Il est toujours dans ma vie aujourd'hui. Ce métier amène des rencontres qui restent pour toujours. C'est incroyable.

Que diriez-vous à quelqu'un qui n'a pas encore vu Je ne suis pas un héros pour lui donner envie de filer au cinéma le découvrir ?
Je lui dirais ce qu'il se passe dans ma vie actuellement, que ce soir c'est l'avant-première du film à Paris et que, si d'ordinaire je n'invite personne à ces événements, là j'ai fait une liste de cinquante-sept invités car j'ai pensé que c'était le bon moment de voir un bon film, de rire, de se rassembler et de se faire du bien. Allez-y. C'est le bon moment. Le cinéma sert à ça : nous faire passer, le temps d'une heure et demi, un moment de respiration.

Delante Productions / Nolita Cinéma

Retrouvez aussi sur Vogue.fr :
Alors qu'on la pensait achevée, la série Big Little Lies revient pour une saison 3
Qui est Aliocha Schneider, comédien et chanteur à la douceur nostalgique ?
Rencontre avec Camélia Jordana : “L'art est le seul moyen que j'ai trouvé pour traverser ce monde”

Encore plus de Vogue en vidéo :