"C'est pas parce que je suis différente que je suis bizarre", affirme Laura, jeune femme porteuse du syndrome de Down. Ce chromosome supplémentaire l'a peut-être rendue différente, mais elle mène une vie accomplie. Cette réceptionniste dans un foyer d'aide pour jeunes autistes prend les transports pendant une heure et quart tous les jours pour se rendre à son travail, qui occupe une place fondamentale dans sa vie. Gérer le courrier, prendre les appels, accueillir les pensionnaires : ses journées sont bien remplies. "Il faut vraiment être au taquet", prévient cette minutieuse débordante d'énergie. 

Laura est l'une des témoins de Trisomiques... et alors ?, beau documentaire d'Olivier Ponthus suivant le parcours de quatre autres jeunes adultes qui parviennent à composer avec leur handicap pour être le plus autonomes possible. Il est diffusé sur Teva le 21 mars à 20h50, à l'occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, qui concerne environ 50.000 personnes en France.

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S'affranchir du regard des autres

Pas de complaisance ni de voyeurisme, mais l'envie de montrer que les personnes atteintes de trisomie 21, qui entraîne des déficiences intellectuelles et un retard de développement variable d'un cas à l'autre, peuvent elles aussi mobiliser des trésors de ressources. Une autonomie nécessaire, alors que leur durée de vie rallonge. On voit ainsi Raphaëlle, âgée de 35 ans, s'épanouir dans un cours de théâtre réservé à des personnes handicapées, répéter un spectacle sensibilisant à leur accueil dans le monde du travail.

C'est nous qui les regardons de travers. Eux vont bien, c'est nous qui avons un problème.

"C'est nous qui les regardons de travers. Eux vont bien, c'est nous qui avons un problème", soutient la metteuse en scène responsable de la petite troupe, Malo Lopez. La mère de Raphaëlle raconte comment sa fille l'a poussée à accepter ses envies de liberté, avec cette phrase : "Maman, j'attends que tu sois prête." Depuis, elle vit en semaine dans un immeuble où des éducateurs spécialisés peuvent l'épauler pour quelques heures soir, à côté de l'appartement de son fiancé, Damien. Le jeune couple dit "se compléter", l'un grâce à sa vue, l'autre grâce à sa diction très compréhensible. 

Le parcours de Louis force aussi l'admiration À 21 ans, l'aîné de trois enfants espère percer dans le mannequinat, à côté de son travail au sein d'une ESAT. Encouragé par sa famille, il est inscrit dans une agence spécialisée dans les profils atypiques, arbore des tatouages, est toujours tiré à quatre épingles. "C'est une revanche sur ce qu'on a pu connaître plus jeunes, ce regard des autres qui a pu me gêner", dit sa mère, Catherine. 

Pour Laura, la prise de conscience de son handicap est survenue à l'âge de 20 ans. "Je me suis regardée pendant de longues heures dans le miroir. [...] J'ai compris que les gens regardaient plus ma maladie que moi." Si elle qui a pu souffrir de ces regards désobligeants, elle peut aussi se féliciter d'être l'une des muses de l'artiste Philippe Pasquat, qui lui a consacré de nombreuses toiles, et une sculpture gigantesque. "J'aurais voulu être chanteuse, et danseuse en même temps", confie-t-elle en souriant. 

Conquérir le "milieu ordinaire"

Le documentaire suit également l'envol de Domitille, 28 ans, qui travaille en blanchisserie au sein d'une ESAT, un établissement et service d'aide par le travail, établissements médico-sociaux avec pour objectif l'insertion sociale et professionnelle des adultes handicapés. Troisième enfant de la famille, adoptée quelques mois après sa naissance, elle est décrite par ses parents comme un "cadeau de la vie". Après avoir longtemps rechigné, serait-elle prête à emménager dans son propre appartement, au sein d'un foyer spécialisé ? Cette jeune femme active, espiègle, membre d'une chorale, refuse de se renseigner sur la trisomie 21 : "Je ne veux pas en parler, je veux juste faire mon travail."

Les parents sont tous cités dans ce documentaire, où la notion de famille est fondamentale. "Ça nous a rendus moins cons car ça oblige à voir les choses différemment et être plus ouvert", plaisante le père de Dimitri, Pascal, qui a repris un village de gîtes avec son épouse. Mais pas d'angélisme non plus. Certains, comme Catherine, mère de Dimitri, et Maryline, mère de Louis, reconnaissent avoir, dans un premier temps, mal vécu le handicap de leur nouveau-né. "Il faut faire le deuil de ce qu'on avait imaginé au départ", prévient la première. 

Ce qu'il reste de ces différents récits est l'aplomb inébranlable qui portent ces cinq témoins, et le soutien indéfectible dont ils bénéficient, de la part de leurs familles ou d'accompagnateurs spécialisés. Ils ont toutes les armes pour conquérir leur place dans ce que l'on nomme "le milieu ordinaire". Celui qui a encore du mal à les regarder comme son égal.

Trisomiques et alors ?, d'Olivier Ponthus, diffusé sur Teva le 21 mars à 20h50